Journal d’avant 40 – 8

Journal d’avant 40 – 8

Je mentionnais hier le livre de Joseph Ponthus qui avait déjà eu un succès à sa sortie originale en grand format en février 2019 et qui vient de sortir en poche pour cette rentrée littéraire. Ce livre jouit d’une certaine médiatisation, et c’est réellement un livre très correct. Il vous sera donc normalement assez facile de le trouver sur les étals. Mais pour le reste c’est devenu bien compliqué de trouver des inspirations de qualité en flânant en librairie. C’était mieux avant (spéciale dédicace !), normal j’ai bientôt 40 ans, et donc je vais devenir de plus en plus un vieux con.

Dans tous les cas avant je trouvais de bonnes lectures que je ne connaissais pas, le choix me semblait plus large et les recommandations plus variées. Aujourd’hui cela me paraît bien plus délicat. Vous avez les grosses écuries qui sont représentées mais dès que vous cherchez des choses qui ont quelques mois ou qui ne font pas partie des blockbusters ce n’est pas la même histoire. Les stocks sont rationnalisés au point que je dois acheter de plus en plus de livres sur commande, ne les trouvant pas en stock. Ce qui en dehors du fait qu’on a l’impression qu’un amababay pourrait être plus pratique (et non je ne cèderai pas à cette facilité) limite les découvertes possibles. Alors certes j’arrive tout de même à trouver quelques petites choses par ci par là, mais je dois passer à côté de tellement d’autres qui sont bien plus valables que les livres qui sont en course pour les prix littéraires.

Car sortir un livre tous les ans depuis 24 ans … et de voir le seul animateur ayant une émission télé sur les livres en être subjugué, quand on sait qu’à peu de choses près il s’agit toujours du même livre, et qu’on pourrait même le juger mauvais, bah bon, ça ne fait pas rêver. Cependant ce VRP des grosses maisons avait souligné la sortie de ce premier romain de Ponthus, ce qui me trouble car j’étais persuadé qu’il ne lisait que ce qui rapportait … l’exception qui confirme la règle ?!

Le secteur des librairies se tire une balle dans le pied quand il tombe dans le piège de la facilité. Donnez le dernier prix Goncourt à quelqu’un qui ne lit pas d’habitude et vous n’allez pas le convaincre de changer ses habitudes. Il n’y trouvera sans doute aucun intérêt et je dirais même qu’il faut être assez déformé pour y trouver du plaisir. J’ai l’impression que les blogueurs ou faiseurs d’opinion ont tellement l’habitude de lire de la crotte que lorsque la syntaxe est correcte c’est l’euphorie et l’emballement. Et il est de bon ton de faire les compliments les plus dithyrambiques afin de qui sait, peut-être se faire inviter à un petit déjeuner (avec croissants ET pains au chocolat ET du thé Pu Erh) pour rencontrer l’auteur du futur ouvrage phare : Comme je tricote avec mon chat qui m’a sauvé du cancer, une histoire qu’est pas simple mais qu’est quand même bien tendre et jolie, et puis il est tellement mignon ce chat (quand il passe pas son temps à fumer des joints et à jouer au babyfoot tout de même). Ahagnaaarrrffff !!!

Piège de la facilité si ce n’est de la médiocrité dans lequel sont tombés hélas bon nombre de médias. Le fait d’avoir une plume et un article bien écrit existe encore mais dénote dans un monde où l’on préfère mettre des attrapes clics quitte à raconter n’importe quoi et commettre des erreurs. Mais être le premier et le plus lu quitte à lancer des polémiques ou des rumeurs absurdes et détruire, c’est le principal. Paradoxe compliqué à résoudre que de produire de la qualité tout en restant économiquement viable sur base des modèles classiques.  Alors il faut sans doute en sortir de ces modèles. Un certain nombre de médias indépendants émergent et proposent avec certes des moyens limités, des modes de financement différents et la dévotion quasi-totale et libre de certains contributeurs des analyses souvent plus poussées et plus pertinentes que les mass media. Les esprits sont là, comme les talents littéraires mais c’est le chemin pour les trouver qui semble plus ardu.

Sur ce à demain.