lundi 31 août 2009

Un prophète de Jacques Audiard

Certains films vous laissent une étrange impression, comme si tout ne s’était pas encore livré, comme si nous n’avions pas pu tout prendre en une fois, un peu comme un gâteau ou certains ingrédients vous demeurent inconnus et frustrent légèrement votre plaisir.
Certains films n’ont rien de sexy, se contentant de coucher sur bobine une réalité évidente qui finit pas nous saisir d’autant plus qu’elle est véridique et loin de tout sensationnel.
Certains films français ne se contentent pas de raconter les errements sentimentaux de personnes perdus dans leur temps en proie au malaise qui naît de la décorrélation entre leurs valeurs et l’évolution du monde mais vont plus loin pour toucher une réalité universelle, tellement universelle qu’elle peut être difficile à cerner.
Certains films sont écrits et réalisés de main de maître et peu de films allient toutes les qualités citées précédemment.
C’est donc d’une perle rare dont je suis encore sous le choc cognitif dont il s’agit. Pour ceux qui ne le remettent pas, Jacques Audiard, fils de, nous avait déjà offert une balle fulgurante avec « De battre mon cœur s’est arrêté ! », touchant une dimension émotionnelle pleine de réalité que beaucoup de ses compatriotes ont peiné à mettre en scène depuis une vingtaine d’années. Et bien rebelote, une nouvelle balle ou pourquoi ne pas lâcher le morceau, une lame de rasoir aussi affutée que mortelle vient sur nos écrans avec « Un prophète ». Pour faire une critique décortiquée il faudrait bien plus d’un visionnage et je suis certain que les journalistes qui l’ont vu présenté à Cannes et plus récemment pour sa sortie auront vite fait de crier au génie en analysant chaque recoin sombre de cette prison. Je ne peux que, dans mon cas, vous parler des émotions encore vivaces que ce film a généré. Sans être intrusif et surtout sans se prêter à guider le spectateur dans ne serait-ce que la moindre interprétation, ce film a la force de nous faire entrer dans un monde loin de paillettes mais tout autant stupéfiant par son réalisme et ses murs de bétons froids.
Un jeune homme, qui ne sait pas trop ce qu’il a fait, qui ne sait pas trop écrire, qui ne sait pas où il est, tombe dans l’enfer d’une prison bien civilisée. Agressions, clans, corruption tout est présent tout en nous préservant des clichés enjolivés de la plupart des films américains. Les deux acteurs principaux interprétant le jeune arabe qui n’a rien à perdre et le vieux corse qui a tout à défendre sont impressionnants car sincères et réalistes. On suit l’évolution de ce tandem pendant 2h30 avec une impatience difficilement soutenable. Pour ceux qui préfèrent les pans-pans tu m’as eu, ils seront aussi servis par les quelques scènes rares mais efficaces qui donnent à ce film un véritable statut de film de gangster en univers carcéral.
Je ne veux pas vous en dire plus, c’est bien, c’est fin mais direct, émouvant et violent. Allez le voir ou guettez le quand il sera disponible.