mercredi 31 décembre 2008

Pierre de patience

Avant que l’année 2008 ne s’achève, encore quelques mots pour finir sur la critique d’un ouvrage qui m’a touché.

J’avais commencé l’année sur la politique, imaginant que le Président fasse la star et se marie avec un ancien top. Je ne veux pas faire de bilan aujourd’hui la situation économique étant extrêmement complexe. Même les plus gros joueurs de poker tels Phil Ivey auraient du mal à prédire la main qu’a la crise financière, même à la river.
On saura bien vite comment les gouvernements vont devoir la jouer, si le bluff va devoir continuer ou si au contraire, on se couchera pour reconstruire. Pas certain que cette dernière option soit faisable, dur de remettre en cause tout un système et pourtant… Quand on parvient à identifier quels sont les problèmes, j’aime à croire que la solution n’est pas si loin. Quand cela touche plusieurs dizaines de millions de personnes, il est clair que la donne est plus que compliquée, aucun système de jeu ne donnera de réponse automatique. Même Rayman aurait bien du mal à compter les allumettes aujourd’hui.
2009 c’est donc un peu le grand bluff, personne ne sait ce qui va se passer, comme souvent ce sont les périodes qui sont les plus créatives et dans lesquelles les choses évoluent le plus. L’équilibre du monde et la gestion du capitalisme d’un point de vue global sont comme toujours les enjeux capitaux. Tout d’abord si tout le monde arrivait à comprendre un tant soit peu ce qui peut se passer de l’autre côté, dans la tête d’un terroriste persuadé de faire le bon choix quand il fait sauter un bus, en regardant quelques secondes auparavant le sourire des enfants qui jouent dans l’allée.
Pendant longtemps je me suis dit ce sont des tarés, ils sont endoctrinés, drogués. C’est bien trop facile. Evidemment se dire que certaines logiques peuvent amener à enseigner la guerre contre nos sociétés de consommation n’est pas aisé car on pourrait même se surprendre à avoir de la compassion pour ces criminels suprêmes, et dans ce cas, comment le supporter et ne pas se sentir responsable. Pourtant si nous voulons que les choses changent …
Il y a donc très peu, après la lecture de quelques livres contemporains peu séduisants j’ai cédé au prix Goncourt. Atiq Rahimi m’avait déjà charmé dans une émission avant que son dernier ouvrage Syngué Sabour ne reçoive la récompense suprême pour son ouvrage écrit en Français. Une poésie philosophique imprégnait ses paroles, et malgré les choses dures qui semblaient être mentionnées dans son livre (qui signifie « pierre de patience), cette beauté induisait un certain optimisme.
Et pourtant à la lecture de l’ouvrage c’est loin d’être évident.
Ce livre court, 150 pages seulement, débute dans le dur et ne s’adoucira en fait pas. Au contraire la suite d’évènement décrite avec une beauté et une philosophie dont on pourrait sans doute trouver la source dans les mille et une nuits ou autre contes arabes s’enfonce dans la gravité de notre monde. A première vue il s’agit d’un livre qu’on pourrait rejeter, le cantonnant à des pays qu’on ne veut pas connaître, véritable terreau du terrorisme et de l’injustice. Pourtant, et il ne faut pas s’y tromper c’est bien la volonté de l’auteur quand il place le lieu, cette histoire est universelle. La condition de la femme dans ce pays, où, voilée, nous crions au scandale devant ce barbarisme, est le catalyseur de l’histoire. Le point de départ est la violence, cette violence qui transforme le marie de l’héroïne en pierre de patience, légume gardant les yeux ouverts ne prononçant mot, devant lequel elle se confessera, lui parlant des choses les plus intimes pour la première fois. Le dialogue se fait enfin, l’homme étant privé de droit de réponse et de recours à la violence habituelle.
Atiq Rahimi va bien au-delà de cette relation de couple, la question principale est bien quel futur social ont nos sociétés, quel prix à payer pour coexister, comment vivre dans ces environnements où nous cédons à la facilité de la violence. Je ne vous donne pas ici la réponse, mais si vous avez 4 heures ou seulement, au lieu de regarder deux émissions insensées où une personne arrivera à rentrer 36 fois dans son slip en une minute, prenez ce livre et ne le rejetez pas. Si je dois souhaiter quelques chose pour 2009, c’est bien que nos sociétés s’ouvrent le plus possible, alors pourquoi ne pas commencer par ce petit geste ….

dimanche 14 décembre 2008

Un phénix qui bat de l’aile

Pas beaucoup d’optimisme en cette fin d’année hélas. Rien ne semble s’améliorer avant les fêtes et le grand barbu aura bien du mal à faire passer la morosité ambiante.
Au contraire les frustrations vont se multiplier et pour la première fois depuis de nombreuses années notre société de consommation risque de s’enrayer. Il y a fort à parier sur une diminution d’au moins 20% des dépenses festives directes ou indirectes. Des pans d’activité entiers sont au ralenti et il faut tabler sur de nouveaux modèles ou nouvelles régulations pour se relever dès que possible. C'est rassurant dans un sens que tous les pays soient dans une même mouvance, certains beaucoup plus touchés que d’autres certes, car la réaction devra être générale. Ce n’est donc pas une redistribution des cartes en faveur de quelques uns comme nos vieux pays pouvaient le craindre mais bien un évènement global. Tirés vers le bas par notre baisse de la consommation contagieuse on peut craindre que dans ces pays émergents le choc va être bien plus dur et je ne serais pas étonné de voir certaines contrées chinoises retourner à des systèmes féodaux.
De l’autre côté du monde il y a The big hope avec Barrack. Les regards sont fixés sur lui et on en attend plus que de raison. C’est de la vrai pression, bien plus que pour Manaudou aux JO. Là il ne faudra pas décevoir sous peine d’accentuer la crise psychologique.
Je désire néanmoins percer ces nuages pour partager une lueur d’espoir structurel. Je suis loin d’être un grand aficionado des Etats-Unis mais force est de constater qu’ils sont très souvent inspirants. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’on a admis que nous avions toujours 10 ans de retard.
Je l’avais loupé il y a deux ans au cinéma mais l’avais noté dans un coin de ma tête. Dans Syriana avec l’inaltérable Georges Clooney, un des acteurs les plus fascinant de sa génération, on est bien loin de se son style commercial alimentaire (films soupes pour grand public) mais bel et bien dans son style engagé qui lui a valu de superbes rôles (les Rois du Désert, Good night and good luck, Michael Clayton…). Georges Clooney est pour moi le plus grand espoir outre-Atlantique de résolution de crise. Non pas qu’il doive marcher dans les pas de Reagan, loin de là, mais parce qu’il est l’image des qualités paradoxales de cette première puissance.
A la fois très commercial et très présent dans les media, voulant sans doute poursuivre sa quête de justice planétaire entamée avec ses yeux de chien malheureux dans Urgences (souvenez vous du grand moment ou il parvient à sauver un jeune enfant de la noyade dans une canalisation ;-)) Clooney est un véritable acteur engagé dénonçant bon nombre d’idioties historiques.
Tout commence par la vente d’un lance-missile au Liban, avant qu’une explosion ne retentisse et que l’on comprenne qu’il est agent de la CIA en mission d’infiltration au Moyen-Orient. Ce film qui débute comme une partie de cluedo est un casse-tête jouissif pendant les 40 premières minutes. Enormément de personnages qui sont dans des unités de lieu et de temps différentes avant de se croiser, de se regrouper, de s’associer ou de se persécuter. Devant nos yeux et ceux d’un Clooney impuissant malgré ses bons sentiments se déroulent des tractations géopolitiques immorales au possible pour le gain de la bataille de l’énergie et du pétrole. Avocats d’affaires, sociétés pétrolières, ouvriers virés n’étant accueilli que par un islam anticapitaliste virulent, princes d’émirats arabes, CIA, gouvernement, consultants. Tout s’anime et se recoupe dans un final des plus frustrants et on en ressort réellement choqué, avec cette petite envie de vomir typique des moments de malaise fort et persistant. On ferme alors les yeux pour aller se coucher, pour ne pas croire ces histoires de corruption géopolitiques qui condamnent des populations entières. Pas beaucoup d’alternatives, le sommeil ne venant pas on essaie alors par tous les moyens de dire que c’est exagéré, que ce n’est sans doute pas comme ça dans la vraie vie, tout ne peut pas être aussi pourri. C’est plus facile de rejeter ces théories d’influence qui nous font honte et qui nous feraient soit nous sentir coupable soit comprendre la logique des terroristes.
Ce film est bluffant grâce à ses points de vue multiples et sa finesse d’analyse. Il est tout de même assez rare de voir un quelconque objet médiatique dépeindre de cette façon la cruauté du monde en mouillant les plus grandes instances.
Bien entendu, il est facile de jeter la pierre et d’être critique. Mais serait-on réellement capable de renoncer à notre vie, à nos chaussures de sports brillantes, à nos voitures individuelles qu’on utilise pour le moindre petit déplacement ? Pas si certain que ça que nous soyons prêts à partager, qu’on veuille laisser ces petits privilèges qui finissent par nous gouverner…
Pour en revenir au sujet, et ce film en est un brillant exemple, les Etats-Unis m’impressionnent par leur capacité à s’autocritiquer, à se flageller en créant des œuvres sans détours qui montrent l’envers du décor, aussi cruel et immoral soit-il. Dans peu de temps des films cinglants sur l’administration Bush et ses mensonges concernant les armes de destruction massive verront le jour. Je vois bien Georges Clooney en inspecteur de l’ONU, à moitié otage des généraux américains qui exercent sur lui toute leur pression pour qu’il ne fasse pas connaître au grand public la vérité et ainsi lancer l’attaque.
C’est de cette capacité d’autocritique et d’analyse, que nous avons hélas perdu en France, que les Etats-Unis tirent leur force. Une certaine auto-sanction ou autorégulation s’opère afin que l’équilibre abusif dans lequel ils se trouvent ne se rompe pas, les différents acteurs prennent alors des décisions d’équilibrage pertinentes.
C’est en cette capacité à rebondir que je garde espoir pour relancer un système économique mondial viable. La donne va sans doute changer, cela prendra quelques temps mais il n’y a qu’à espérer vivement que les talents économiques et les nouveaux politiques ne prennent les options stratégiques les plus pertinentes.
Reconnaître ses erreurs c’est déjà la moitié de la solution, il ne reste plus qu’à souhaiter que les grands fassent preuve d’humilité, et qu’ils s’inspirent de la créativité qu’ils ont sur leur sol.
Surtout ne pas fermer de portes comme je l’ai vu encore faire hier par des membres du gouvernement français. Si l’on n’ouvre pas les idées et qu’un gouvernement n’est pas réellement prêt à échanger sur les différentes évolutions économiques possibles, il va en plein dans le mur en entraînant hélas à sa suite toute la population. Traiter de marxiste révolutionnaire rétrograde des hommes se préoccupant des répercussions sociales de cette crise comme l’a fait hier Rama Yade, en théorie secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, est tout simplement inacceptable et inquiétant…