samedi 31 janvier 2009

Ce soir ou jamais ?

Ces derniers temps, le contexte aidant surement, j’ai réellement pris plaisir à suivre l’émission de Frédéric Taddei, « Ce soir ou jamais ? » qui apporte un regard éclairé et culturel, trop diront certains, sur l’actualité au sens large. Une demi-heure plus tôt depuis la rentrée grâce à la disparition de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques, cette
émission est encore plus accessible. Evidemment, quelques fois elle peut paraître assez aride, un plateau lounge certes mais sans filles aux bustiers dégarnis ni de petits personnages qui dansent dans des écrans de télé et pour couronner le tout un animateur qui ne quitte jamais sa chemise blanche et cravate noire. Pourtant aucune austérité dans le contenu pour cette émission animée de main de maître en direct. Sur le nombre d’heures depuis 2007 il n’y a du avoir que de très brefs moments d’égarements.
Frédéric Taddei grâce à une qualité d’écoute absolue liée à une ouverture d’esprit et une culture générale développée et surtout honnête, ne sur-jouant jamais, gère ses invités tel un maître d’orchestre. Je crois que c’est là la formule magique, maitriser son sujet sans vouloir en étaler. Cela créé une atmosphère de réflexion constructive et même parfois surprenante.
La semaine dernière il y eut deux émissions de haute volée qui ont eu le mérite de me réconcilier avec des personnages médiatiques qu’on a souvent vilipendé pour leurs méfaits, mais qui n’en restent pas moins des esprits clairvoyants quand ils ne sont pas soumis à des exigences politiques. L’une sur la crise et l’autre sur le monde avec Obama. Evidemment rien de très original par rapport aux sujets des journaux télévisés. Et pourtant …
Le mercredi 21 (http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/) étaient présents des experts aux vues et idéaux différents qui m’ont fait comprendre bien des choses. Jean-Marie Messier ayant le bon rôle de souligner quels étaient les principes fondateurs du capitalisme et de mettre en exergue très simplement quelles ont été les principales dérives du système, dont la perte du sens de la valeur entrepreneuriale. Philippe Manière recadrant les solutions envisagées de façon pragmatique. A la fin de l’émission je me suis senti heureux, heureux de voir que nous pouvions y arriver, du moins que nous avions des armes pour aller de l’avant et des options envisageables face à cette crise. Le lendemain un plateau très relevé construisait autour du thème de la nouvelle donne internationale avec Obama. Dominique de Villepin (qu’on peut détester très vite) m’a surpris. J’ai entendu le fruit de ses réflexions, sans pesanteur et sans influences politiques. Ses challengers d’un soir n’en étaient pas moins pertinents qu’il s’agisse d’un Yves Lacoste ou de Bernard Guetta, hélas méconnus du grand public. La réflexion était de haut niveau et je ne pourrais m’avancer ici à en retranscrire les finesses sans faire de simplifications abusives. Il s’agissait d’un vrai débat géopolitique, tournant vite autour du rôle et du positionnement de la France. Ce message est un immense merci à ce service public qu’on veut trop souvent condamner et à qui on ne rend pas la vie facile. Alors que je parlais plus tôt du risque de contrôle, tant que cette émission vivra, nous pourrons garder une lueur d’espoir.
Le danger est en revanche le risque de marginalisation de ce type d'émission, « c’est culturel ce n’est pas pour moi », et ça avec les valeurs générales prônées aujourd’hui c’est assez facile. De même il est facile de rejeter ces quelques articles en bloc car j’y mentionne dans l’un Télérama, et dans l’autre une émission culturelle. Pourtant la culture n’est pas une chasse gardée. Elle n’est jamais aussi forte que quand elle est un point d’entrée ouvert vers un univers, se complexifiant selon les envies et les niveaux d’implication. Et c’est le pari que réalise « Ce soir ou jamais ? », réussir à aborder des sujets compliqués, parfois rasants, de façon évidente et captivante avant de terminer sur quelques élaborations plus complexes.
Pour cela, je hais ces personnes qui veulent garder les portes de la connaissance closes, sans doute en faut-il certains parmi les chercheurs qui ne doivent pas avoir toutes les vertus pédagogiques d’un bon professeur, mais pour le reste, le rôle d’initiation et de partages est bien plus important. Peut-être que l’erreur stratégique de Sarkozy est finalement d’avoir donné plus de temps d’antenne au service public et l’opportunité de préserver un esprit critique, d’autant plus dangereux s’il reste constructif. Il faut reconnaître que pendant bien longtemps les débats n’avançaient pas car en France, on le remarque en vivant en dehors de l’hexagone, on aime bien discuter et pas forcément avancer. La crise économique et le risque politique étant là, le sentiment d’urgence investit l’esprit de nos intellectuels et les réflexions deviennent pertinentes et pragmatiques. Je ne serais d’ailleurs pas surpris de voir une recrudescence et une amélioration significative de notre production en philosophie, sociologie et politique.
Cette contrainte s’avérera donc j’espère bel et bien une opportunité pérenne. Ne reste plus qu’à surveiller de près les prochaines mesures et la pression qui sera mise sur les journalistes clés comme Frédéric Taddei… Alors pour vous forger de réelles opinions sans influences insidieuses, je vous invite à préférer cette émission à d’autres d’abrutissement généralisé, et n’oubliez pas en ces périodes il devient un vrai devoir civique de défendre et de protéger la liberté d’expression.

mardi 27 janvier 2009

Bonne année 2009

Chacun aura son avis, certains ne verront ça que de loin, ne verront qu’une crise abstraite et trop médiatisée dans laquelle on peut même se permettre de faire grève en dépit du bon sens, quelque part tant mieux.
Pour d’autres 2009 va être une drôle d’année.
J’avais cette naïveté de vouloir croire que cette crise puisse vite passer et que ce ne soit qu’un grand bluff. Je pensais que quelques actions allaient suffire à raisonner un système déboussolé. Et bien pour cette nouvelle année, nous n’y sommes pas encore. On peut toujours acheter des actions en misant la baisse du cours, acheter et revendre avant même de posséder. Un de mes proches amis m’avait il y a à peu près deux ans expliqué qu’en quelques mois, on pouvait doubler, tripler et plus un capital grâce au système et un peu de vigilance. Forcément c’est alléchant.
Tout éclate aujourd’hui et ça n’est pas fini. Il y a à peu près un an pour mon premier article de 2008 je parlais de notre président avec une certaine véhémence mais alliée à une légèreté, n’osant croire qu’il se starifie jusque dans son couple. Aujourd’hui mes craintes sont plus profondes. En remettant les choses à plat, la crise ne serait-elle pas le terreau idéal pour une prise ou déploiement de pouvoir plus absolu et autocratique ?
Cette crise affecte, stresse. Les employés se regardent différemment, se demandant parfois « est-ce moi le prochain sur la liste ? alors que franchement mon collègue en fous pas une, ce serait une honte que je me fasse virer avant lui, faudrait peut-être que je dise au boss qu’il passe sa vie sur facebook au lieu de travailler non ? »
Les tensions mesquines influencent de plus en plus les relations au travail. Ce qui est vrai au niveau professionnel l’est encore plus au niveau social. « Moi ça fait 20 ans que je bosse, je la ramène pas et voilà qu’on me débarque. Quand je vois tous ces gars, qui parlent macaques et qui continuent de faire des gamins pour touches des allocs, ça me donne envie de gerber … » Plus les tensions se multiplieront et moins les politiques tenteront de les désamorcer, plus notre système s’enrayera.
Revenons en arrière il y a un peu moins de deux ans, « Travailler pour gagner plus ». Belle promesse qui a tout d’une tragédie. Aujourd’hui c’est l’ère du « Travail tant que tu peux pour sauver ta peau, et soit bien heureux de ne pas avoir été dans le wagon !!! »
Le gouvernant à talonnettes a voulu fortifier le Français, lui dire qu’il avait les moyens de faire évoluer les choses, de gagner plus d’argent, en lui faisant miroiter son accomplissement personnel individualiste plutôt que de prôner des valeurs collectives.
Aujourd’hui, la crise a pris les devants et les politiques surfent sur la vague. Ne faudrait-il pas plutôt voir en ces années passées un triste changement social allant aux antipodes de l’évolution vers des valeurs sociales qui nous aideraient à traverser cette récession.
Cette dégradation des valeurs collectives et civiques et leur négligence par le chef de l’Etat en période de crise sont d’autant plus importantes que certaines actions peuvent laisser douter de l’honnêteté de notre leader.
Sa mégalomanie est manifeste. Ses intentions, trop dur d’y voir clair d’où je suis. Sans doute, et c’est peut-être là le plus inquiétant, sont elles bonnes, mais peut-être ne mesure-t-il pas la portée de celles-ci et leurs réels impacts (certains vont me dire naïf !)
La haine deviendrait presque une valeur, la haine du chômeur, la haine du fainéant, la haine de l’immigré mal intégré pour ne pas dire la haine de l’immigré tout court. Mais ne nous alarmons pas, tout est sous contrôle. Maitrise des organes de presse, méprise de la liberté d’expression, méprise des fondements de la constitution, mise en place de systèmes de contrôle abusifs, fichage extrême, principes de rétention de sureté, incarcération des plus jeunes... Aujourd’hui le gouvernement choisit de punir plutôt que de prévenir et s’emmanche dans un gouvernement de contrôle social.
La seconde chance semble passée de mode, et nous choisissons tous la facilité en rejetant la responsabilité le plus loin possible. « Il l’a bien mérité de toute façon. Il n’y a pas de fumée sans feu » Qu’il s’agisse du gouvernement ou de l’opposition on se calfeutre dans des politiques de sanctions et de contrôle plutôt que dans de réelles actions anticipatives, préventives et collectives. Véritable victoire de l’image et du court terme sur la pérennité. Et pourtant la crise rend cet équilibre dangereusement instable.
Ne nous souvenons-nous donc pas des expériences du 20e siècle, ou les équations crise + politique de contrôle ont amené les plus grands cataclysmes. Nous n’y sommes pas encore mais il faut rester vigilant et s’exprimer avec plus de conviction quand nous dénotons des séries d’actes et de mesures contraires à la simple liberté d’expression. Cela va de la nomination du président du CSA par l’exécutif jusqu’aux aberrations de gestion de notre système pénitencier qui apparait comme une fin et non un purgatoire constructif et salvateur.
Pour ceux qui auront l’occasion je vous invite à feuilleter le dernier numéro de Télérama (21 Janvier) qui a réalisé un dossier spécial sur la menace pesant sur les libertés publiques http://www.telerama.fr/idees/urgent-nos-libertes-publiques-sont-menacees,38290.php où le premier article Total Contrôle plante le décor. Inquiétant vous me direz, c’est pour cela qu’il faut réagir. Comment ? En parler, déjà, après je suis encore un peu sec sur la question. Toujours est-il qu’il faut permettre à la liberté d’expression d’exister, lisez, renseignez-vous, achetez des ouvrages ou journaux critiques plutôt que la presses people avec le dernier footing de Carla en couverture, regardez les vrais débats du style Ce soir ou jamais ? et ne vous laissez pas avoir par des leurres faussement confortables que vous voudriez défendre à tout prix.
Une vie réussie ne se résume pas à un écran plat, un placard avec 30 paires de chaussures, un labrador dans le jardin, et un 4x4 flambant neuf …