lundi 20 juillet 2015

La Grenouillère d'Alexandre Gauthier - Montreuil


Récemment j’ai eu l’occasion de faire plusieurs découvertes gastronomiques intéressantes. Une grande table classique triplement étoilée, De Karmeliet à Bruges, une table de proximité ayant récemment pris un macaron, Le monde est petit à Bruxelles et enfin un restaurant improbable, situé à l’arrière d’une presse, De Maurice à Olivier, ayant lui un bib gourmand. Ce qui les lie, c’est ici le Michelin. Dans le premier, la table classique un peu froide cependant offre un menu très délicat et très bon. Savoir s’il tient bien son rang dans les trois étoiles, c’est moins évident, je ne suis pas critique gastronomique et encore moins du guide rouge. En tout cas le rapport qualité prix me semblait bon.
Pour le nouveau venu des étoilés, l’ambiance était très agréable et quelques très bonnes idées. La Pina Colada revisitée en dessert était parfaite. Mais on ne voit pas comment ce restaurant (et ne le veut-il pas sans doute) pourrait aller plus loin.
Pour finir, cette énigme, où ce restaurant caché en arrière salle offre malgré un service assez en retrait un menu dégustation au rapport qualité/prix difficilement battable. C’était très bon, sans doute au niveau de l’étoilé précédent, mais le cadre ne pourra jamais le faire être discerné de la sorte. En tout cas très bon bib gourmand. A faire pour les papilles, mais peut-être pas pour le reste.

Et puis il y a eu ce samedi soir. Dans un restaurant arborant lui aussi une étoile, la Grenouillère d’Alexandre Gauthier à Montreuil-sur-Mer en France, ville où est célébré annuellement Victor Hugo. L’année passée mon passage avait été comblé par la visite du voisin Château de Montreuil. Sur cette Grenouillère, les avis étaient légèrement plus divisés, la plupart des critiques postées adorant, et certains détestant réellement. Donc forcément cela créé une petite méfiance. Un de mes amis y étant allé l’année passée m’affirmant s’y être extasié, je me décide et essaie d’obtenir une table dans ce lieu fort couru. Grâce à la gentillesse compréhensive de l’hôtesse (et à certains désistements) nous y parvenons. Et là, ce fut assez magique. Je ne suis plus réellement le dégustateur novice impressionnable par quelques paillettes et suis presque d’autant plus méfiant quand le cadre et l’ambiance veullent en mettre plein la vue. Donc je ne suis pas tombé dedans de prime abord mais c’est bel et bien l’ensemble et donc essentiellement la cuisine qui m’ont séduit et convaincu. Histoire de ne plus en parler, je ne comprends pas pourquoi ce restaurant n’a qu’une étoile. Ce n’est réellement pas correct et trompe le lecteur du guide rouge. Débattre s’il doit en avoir deux ou trois (car voudrait-il en avoir trois) c’est un autre souci. Mais seulement une, quand je vois ce que j’ai mangé dans les une étoile en général (même si certaines étaient parfaits comme d’ailleurs le Château de Montreuil) ce n’est pas du tout correct. Pour moi on est ici dans la grande classe.

Le cadre est très recherché, entre modernité, matériaux bruts et nature. Le service assez bien huilé. Les serveurs sympathiques. Et la cuisine … et bien je pense que c’est le restaurant le plus créatif, inventif que j’ai pu fréquenter (il faudrait cependant que je retourne à l’Air du temps qui était aussi très avant-gardiste mais cela fait déjà 5 ans que j’y suis allé et je n’avais pas les mêmes points de comparaison). Le menu 11 services se déroule sans accroc, à une vitesse parfaite. Les mets sont travaillés, travaillés, travaillés. On sent que derrière tout cet endroit il y a énormément de travail. Du travail sur les produits naturels, les herbes beaucoup. L’amertume et l’acidité sont au rendez-vous. Il faut évidemment avoir une petite ouverture d’esprit et je peux comprendre que ceux pour qui un bon restaurant rime avec filet entier, sauce, légumes et un féculent peuvent être perturbés. Il faut réellement se laisser guider, car derrière des présentations originales, des associations surprenantes il y a du goût, et plein de goût. La langoustine et melon d’eau offre une fraîcheur, acidité et douceur très agréable. Le petit pois et roquette, découvrant une sphère crémeuse avec cabillaud qui surprend agréablement. Premier gros moment d’émotion la vive au stilton (ok les bleus sont un de me péchés mignons). Ouaou. Le côté iodé, salé, frais du radis et du haricot, un vrai régal. Coup de maîtres ensuite l’huître grillée avec sa verdure (c’est moi qui l’appelle comme ça car je ne pourrais détailler tous les éléments dans cette assiette). Une bombe gustative. Il y en a eu encore d’autres comme une raviole jaune avec une acidité qui révélait magnifiquement le Châteauneuf du pape rouge servi avec. Une association magique. Et puis les desserts, dans la fraîcheur avec mention spéciale pour le baba vert. C’est du grand art, en dehors de l’expression courante, le mot art prend tout son sens. On est dans la création, la recherche. Et comme toute recherche elle peut diviser, faire peur à certains, c’est d’ailleurs peut-être pour cela que le guide Michelin demeure frileux à en être ridicule. Alors je me répète, je ne suis pas critique, et je n’y suis allé qu’une fois. Si certains préfèrent s’ancrer dans un obscurantisme culinaire qu’ils passent leur chemin.
Mais pour les autres en tant qu’ami ou comparse occasionnel de lecture,  je recommande vivement ce lieu au service d’une modernité se centrant sur ce que nous offre la terre de plus beau et de meilleur. Merci encore à la Grenouillère, au chef et à son équipe pour ce moment.