lundi 16 novembre 2020

Journal de 40 - 6

Journal de 40 -6

Ce week-end je suis allé dans un magasin de bricolage. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup. Ça veut dire qu’il était libre, heureux d’être là malgré tout. De toute façon qu’est-ce que le bonheur en période de confinement si n’est une sortie dans un magasin de produits essentiels mais qui ne le sont pas réellement pour vous. J’avais l’impression de flâner entre les rayons de joints dont je n’avais aucun besoin, celui des ampoules électriques dont mon placard est encore plein suite à la péremption proche il y a quelques années d’un paquet de chèques éco qui m’avait fait acheté tous les formats de LED inimaginables, celui plus réaliste des pièges pour animaux (c’est quoi cette boule à picots ?!). Et puis après avoir traversé tous les rayons en suivant les flèches obligatoires qui vous font tour dire bonjour aux planches de contre-plaqué, j’arrive à la caisse et c’est là que je vois que cette queue va bien au-delà du rayon perceuse, qui est pourtant à l’autre bout du hall. Au moins 20 personnes attendant pour la seule caisse ouverte. Tant de monde ?! Comme si ce magasin offrait toutes les promesses des réparations multiples dont notre âme a besoin. Mastic pour boucher les failles. Ampoules pour éclairer l’obscure période. Tuyauteries pour évacuer les déceptions et amertumes. Que ça doit être heureux un travailleur de magasin de bricolage.

Car travailler de la maison, cela revêtait un certain charme quand c’était une permission qui facilitait certaines choses, qui était rare. On ne se rendait même pas compte qu’on supportait toute une série de charges normalement liées à l’entreprise, ni que cet empiètement sur la vie privée avait pour impact néfaste de laisser en attente, d’augmenter le temps de disponibilité et la plage de monopolisation pour son activité. Mais quand c’est en continu depuis 8 mois, devrais-je demander à être payé de mes 350 heures supplémentaires (estimation basse) ? Si au moins le Guinness Book  pouvait reconnaître la performance, 8 mois et plus sans avoir aperçu un collègue, ni branché un ordinateur dans autre chose qu’une prise électrique de mon foyer. Et après les prises vont se décrocher du mur à force des pénétrants va-et-vient et je vais devoir retourner au magasin de bricolage alors que je n’avais pas anticipé ce point et n’avais pas pris la trentaine de prises de rechange nécessaires pour supporter les 5 futures années de travail à la maison imposé.

Tout cela pourrait rendre fou, d’ailleurs pour juger de ma relative lucidité j’ai fait un test ce matin. J’ai remarqué depuis plusieurs années que mes deux enfants avaient beaucoup plus tendance à répondre à mes appels citant leurs prénoms quand ils sont à table que lorsqu’ils jouent dans leur chambre par exemple. J’ai cherché une raison des plus logiques à cela et j’ai cru avoir trouvé en lavant certains bols à la main hier soir. Comme toute famille qui se respecte nous avons des bols à bords bleus avec des prénoms inscrits à l’extérieur. Ne serait-ce donc pas parce que mes enfants peuvent se remémorer leurs prénoms en les lisant qu’ils me répondent sans jamais se tromper quand ils mangent leurs bols du matin ou leur soupe du soir. Me voici donc cynique et démoniaque à faire un test. Inverser le bol de ma fille avec celui de mon fils. Nous leur avons choisi deux prénoms différents, clairvoyants que nous fûmes et bien plus pratique pour l’expérience. Ils s’installent, ne remarquent rien, je jubile, aurais-je trouvé l’explication ? N’oublieraient-ils pas leurs prénoms constamment ? J’attends encore quelques secondes, puis devant l’apathie généralisée j’interpelle mon fils par son prénom lui ordonnant de manger son yaourt (servi dans son bol, mais ce matin celui de sa sœur avec donc non son prénom mais celui de sa voisine du matin), aucune réaction, ahah, je le savais. Et puis au bout de quelques secondes retentit faiblement, un « oui papa … », zut ce n’est donc pas cela. Car ma fille voyant ce prénom appelé inscrit sur son bol aurait dû répondre si elle n’avait su lequel était le sien. La bonne nouvelle c’est qu’ils ont un peu de mémoire, mais savent-ils lire finalement ? 

 

jeudi 12 novembre 2020

Journal de 40 - 5

Journal de 40 -5

Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Neil Young. Demain celui de mon père. Du coup il s’en est joué d’un cheveu que je ne naisse aux States avec un papa rock star. Comme quoi le destin. Demain c’est un vendredi 13, les caisses du loto vont se remplir et puis c’est également l’anniversaire de la naissance de Robert Louis Stevenson et de Whoopi Goldberg, il en faut pour tous les goûts. D’ailleurs le 13 Novembre il s’est passé quelques trucs tout de même ces dernières années et pas que les fêtes d’anniversaire de mon père même s’il faut y mentionner  l’ouverture de certaines bouteilles d’anthologie. Le dernier vendredi 13 Novembre que j’ai en tête en est un sacrément glauque, celui où j’ai connu le groupe Eagle of Death Metal au travers du sanglant acte terroriste au nom de l’Islam commis notamment au Bataclan. On va donc célébrer les 5 ans de ce funeste évènement, mais aussi les XX années de mon père quand même. Oui il paraît qu’à son âge on ne compte plus, enfin presque car il fait partie de ces électeurs que vise Emmanuel Macron et qu’il essaie de ménager en confinant tout le territoire. Sans rancune c’est de bonne guerre.

A l’heure de la commémoration et de l’indignation collective les vecteurs de l’obscurantisme telle la porte-parole de l’UNEF, Mélanie Luce vont s’offrir bonne conscience en condamnant. Pourtant une fois les caméras tournées elle défendra une façon de penser le monde en censurant, en censurant une pièce d’Eschyle ou un spectacle de Charb (sans doute un des gars les plus antiraciste qui aient existé) sous prétexte d’une supposée forme de racisme et d’islamophobie. La bêtise humaine ne s’est jamais aussi bien portée avec toutes ces flopées de fausse bien-pensance qui justifient la mort de la réflexion et contribuent à obscurcir les visions d’un nombre de plus en plus important de personnes préférant ne pas penser et s’embrigader dans des défenses indignées d’elles ne savent plus quoi, mais si il a dit un truc c’est que c’est mal. Toutes les pensées doivent être mises à égalité pour ces personnes, laissez-le penser que la terre est plate c’est son droit bon sang, qu’est-ce ce que vous venez avec votre science et vos pseudo-connaissances, vous l’avez fait le tour de la Terre, bon ? alors hein ? si ça se trouve - Oui mais madame déjà les Grecs – c’est ça allez-vous faire voir chez les Grecs – à mais Madame voyons tous les Grecs ne sont pas hom… – Ah mais attention en plus d’une fatwa pour islamophobie je vais vous en mettre une pour homophobie – Ahah une fatwa pour homophobie, c’est drôle ça ! – En plus vous vous moquez, c’est parce que je suis une femme c’est ça, je vais vous attaquer pour sexisme … Non en fait juste parce que vous êtes grosse et moche, oups !

Et il n’y aurait pas de raison pour que cela s’arrête. Donc demain c’est l’anniversaire de mon père, je ne crois pas qu’il soit jamais allé au Bataclan, donc on ne peut pas lui mettre ça sur le dos. J’y étais allé pour ma part mais ça remonte quand même à belle lurette. Ce ne sera pas demain que je vais y retourner encore. Et encore un anniversaire qu’on ne fêtera pas. Mais comme c’est pour le protéger j’imagine que c’est bien. C’est parfait pour un grand-père de ne pouvoir voir ses petits-enfants. Et si ça dure 20 ans on fait quoi ? Ah bien sûr l’industrie pharmaceutique va nous sauver avec un vaccin magique. Et puis dans deux ans on en aura une autre de pandémie, déjà chez les porcs chinois circule une grippe qui a franchi le pas d’aller chez l’humain chinois. Une petite mutation et on est bon. Les media pourront se faire plaisir, du racolage, semer l’anxiété qui sera récoltée par les politiques pour emprunter des chemins encore plus liberticides. C’est quand même à se demander si ces virus ne sont pas des disciples adorateurs fanatiques d’Allah, ils font que les gens se couvrent le visage, qu’ils ne sortent plus boire des coups ensemble. Si la prochaine pandémie vient d’une grippe porcine je crois qu’on ne pourra plus laisser le bénéfice du doute.

mercredi 4 novembre 2020

Journal de 40 - 4

 Aujourd’hui tout le monde attend le fameux décompte du nombre des grands électeurs américains pour savoir lequel de ces hommes blancs à la peau orange et au pelage grisonnant va prendre la direction du pays de tous les rêves et de toutes les craintes. Je dois avouer que j’étais plus enthousiaste lors du décompte du nombre de balles de tennis présentes dans un caddie, jeu organisé pour la fête de Noël du TCCT (Tennis club de Château-Thierry) en 1993 (date incertaine mais vraisemblable). Le plus proche gagnait deux places pour Roland Garros. Si je me souviens bien on devait être dans les 251 balles et j’avais vu juste quelques semaines auparavant. Ce fut d’ailleurs le début d’une série où ayant sur ces tirages au sort beaucoup de chance, on me demandait de ne pas demander mon prix car on aurait pu penser qu’il puisse s’agir d’une machination et de favoritisme.

Ici ce n’est pas 251 qu’il faut ; mais 270, par un grand écart et pourtant ce sera crucial. Mais aujourd’hui je ne pense pas à Donald, ni à Daisy d’ailleurs et pas non plus à Joe qui prie pour ne pas faire de bide. Je ne pense pas non plus à 40% des américains qui peuvent être considérés comme sous pression financière et qui vivent pourtant dans le pays le plus riche du monde. Je ne pense pas non plus à la population noire qui n’a qu’une illusion d’espoir. Idéologiquement il ne leur est pas possible de voter Trump (pas besoin de beaucoup de démonstrations) mais historiquement ces populations se sont le plus appauvries sous des gouvernements démocrates (voir chapitre sur les Etats-Unis du livre Où en somme nous ? d’Emmanuel Todd où les chiffres sont mentionnés).

Non je pense à mon vieil ami Jerry. Jerry n’est pas très loin d’avoir 90 ans et il vit dans une petite maison en bois héritée de ses parents. Originaire de Virginie il vit aujourd’hui en Californie dans une bourgade calme dont il n’aurait pas les moyens s’il n’avait hérité. Jerry était professeur d’arabe littéraire. Relisez jute la phrase précédente, professeur d’arabe littéraire aux Etats-Unis. Je ne connais pas toutes les péripéties sauf qu’il a terminé sa vie active en faisant le guide touristique du Hearst Castle. Le foyer de Jerry aux Etats-Unis est plus que remarquable. J’espère d’ailleurs que dans leurs nombreux amis à travers le monde, je sais que certains manient bien la plume, certains leur consacreront un récit, un roman ou autre pour ne pas les oublier. Je ne vais pas me lancer ici dans des faits approximatifs car je ne connais que quelques bribes par ci par là, des années en Algérie, son épouse Olga descendante du dernier conseiller du dernier Tsar de Russie, capable de mixer français, russe et anglais dans le même phrase.

Quand je regarde mon bureau, ma bibliothèque ou des commodes remplies et qu’on me dit qu’il y a beaucoup de choses quand même, je me dis qu’ils ne connaissent pas la maison de Jerry et Olga, c’est à peine croyable, des témoignages de toutes leurs bontés, de leurs voyages ainsi que des piles de livres se succèdent. Un terrain de jeu, un voyage sans bouger.

La dernière fois que j’ai vu Jerry c’était il y a légèrement plus de 4 ans, en été 2016. Nous parlions de tout mais également de la future campagne présidentielle. Nous étions au début du mois d’Août et alors que l’opinion générale en Europe était qu’il n’y avait aucun risque, il angoissait. Il étudiait notamment à ce moment la montée au pouvoir du nazisme en Allemagne et me disait tristement : c’est très très inquiétant Philippe, j’ai peur que nous y soyons.  Il ne faut pas qu’il soit élu mais j’en ai grand peur. Je l’écoutais, je n’y croyais pas une seconde. Et puis c’est arrivé. Les impacts pour la planète ne sont pas directement mesurables mais certains signaux ont été forts (sortie de l’accord sur le climat, de l’OMS, soutien à des (pseudos) dictateurs). Je n’ai pas de nouvelles de Jerry depuis le début d’année, en général j’appelle une ou deux fois par an. Et là je me demande ce qu’il se passe. Il a forcément dû voter, oui forcément, même si ses jambes ne le portent plus il a trouvé un moyen. Et même dans l’adversité il doit toujours garder son sourire. Il a travaillé jusqu’à 80 ans et quelques, il n’avait pas le choix. Son épouse également. Ils n’ont jamais roulé sur l’or matériel, ça non jamais, pourtant c’est bien d’or qu’est recouvert le dôme de l’église orthodoxe dont son épouse et son fils ont en partie permis par leur énergie la construction.

Les traitements de leur fils coûtaient cher dans cette Amérique où deux métiers dans la culture et l’enseignement ne permettaient déjà pas à l’époque de palier à des dépenses imprévues. Donc pour toi Jerry, je sais que ça te ferait plaisir, j’espère que Biden gagnera. Ça ne changera pas grand-chose pour de vrai au niveau matériel, n’effacera pas le fait que tu doives faire le plein des promos de Costco pour t’en sortir, ni qu’Olga ne recycle tout perpétuellement, mais au moins ça te permettra de garder espoir. Aller Joe plus que quelques sièges et tu feras au moins des heureux.

mardi 3 novembre 2020

Si vous avez aimé mon précédent billet, vous aimerez celui-ci ... ou pas

"Si vous avez aimé Edga Allan Poe vous aimerez Tartenpionchski", accroche reprise en promotion d’une journaliste de ce magazine avant-gardiste et à la pointe de la littérature qu’est ELLE.

Cette promotion vue sur un réseau social numérique m’a fait sourire car elle est par essence totalement erronée. Il suffit de mettre la technique comparative assimilative dans un autre contexte : Si vous aimé la fille, vous aimerez la mère. On sent déjà le malaise poindre chez certains. Pour ceux qui sont  mal à l’aise avec la gérontologie, cela fonctionne aussi avec la sœur. Certes dans certains cas cela se produit mais cela reste anecdotique.

Cette formule qui doit bien avoir un nom faussement savant dans le domaine du marketing est très souvent déclinée pour les promotions d’œuvres … j’allais dire culturelles, disons plutôt classées dans le secteur culturel par le numéro SIREN ou NACE des entreprises qui en sont responsables pour être plus précis. Vous avez aimé Godfather vous aimerez Cars 2. C’est sans doute tout aussi crédible que de comparer deux auteurs dont la production s’étale sur des siècles différents.

Car reprenons la réflexion de ce Tartenpionchski (c’est un faux nom ne voulant pas donner l’impression de m’attaquer à une œuvre alors que je ne l’ai pas lue, et d’autant plus l’orthographe du nom est bien trop compliquée). Si il écrit comme Edgar Allan Poe, de fait les histoires ne seraient plus extraordinaires du tout mais en plus l’impression de répétition, de copie, au mieux de pastiche ne procureraient pas la même impression au lecteur. Je ne dis pas qu’Edgar Allan Poe est au summum et que personne ne peut le dépasser, mais l’expérience que nous faisons de certains livres est unique. Un livre du 19ème siècle a de plus une patine qu’il serait stupide de vouloir imiter sans se perdre dans du plagiat.

Cela m’est quelques fois arrivé, plutôt pour le cinéma de m’être fait prendre par ces arguments fallacieux et souvent ce furent de réelles déceptions. Car l’auteur d’une telle accroche ne peut voir juste sur ce qui a plu à chaque spectateur dans telle œuvre. Pour certains ce sont les scènes extrêmement lentes, et ils passeront sur les scène violentes ne les valorisant pas ou l’inverse. De même pour un livre, si vous prenez la Peau de Chagrin, il y a des tas de raisons de trouver ce livre génial, ou au contraire pesant. J’ai pris le parti du premier, mais je conçois que certains aient pu s’y perdre. C’est là le rôle d’un critique de donner des clés de lecture et pas de faire la promotion à tout prix pour se faire payer des bons restos. J’avais déjà abordé le sujet du rôle du critique par rapport au film Holy Motors de Leos Carax, film que j’avais adoré mais dont les critiques dithyrambiques ont sans doute pu mal aguiller certains spectateurs.

Faisons un petit jeu, essayons cette formule sur d’autres sujets et voyez si vous êtes convaincus :

Vous avez aimé le boudin noir, vous aimerez le boudin blanc.

Vous avez aimé Le discours d’un roi, vous aimerez Aya Nakamura.

Vous avez aimé Richard Millet, vous aimerez Catherine Millet.

Vous avez aimé le confinement 1, vous aimerez le confinement 2.

Vous avez aimé le 3ème Reich, vous aimerez la 3ème Macronie.