dimanche 16 mars 2008

Le blabla du quitus

Le quitus, je crois que est le plus gros évènement de la soirée. C'est un mot prononcé par François Hollande qui, sauf si mon ignorance est plus étendue que constaté par le passé, n'appartient pas au langage commun auquel nous sommes habitués par ces politiques d'aujourd’hui, nous ne reviendrons pas sur les tentatives à la Céline du président Sarkozy d’introduire plus d’humanité et de proximité dans ses propos. Dans quel contexte cela a-t-il été prononcé, de plus par un homme, qui ne m'avait jamais fait ouvrir mon dictionnaire ? Quand on analyse vaguement son discours, et celui des ses acolytes d’ailleurs, on se rend compte que ces élections ne sont pas présentées comme une série de victoires locales mais bel et bien comme un procès en place de grèves du gouvernement actuel et du Président de la République gagné par le peuple. Guillotin quand tu nous tiens ! On critique son comportement, puis deux mots plus tard on s'aventure à une phrase avec quelques mots d'un niveau de langage plus élevé qu'à la normal. Manipulation d'un discours qui illustre l'esprit de chasse ouverte faite au pouvoir actuel.
Pourquoi pas, je suis tout aussi estomaqué par les attitudes de notre nouveau despote. Mais n'avancer aucun programme, aucune solution, et faire d'acteurs locaux, qui sont pour la plupart ancrés de longue date, des messagers d’un mouvement de contestation globale me semble peu crédible. Ca ne constitue en rien un programme ni aucun avancements, ni de réformes pour résoudre les disfonctionnements du pays. C'est inquiétant, car comment choisir entre le pur néant et ce qui est en place, que ça nous plaise ou non. Evidemment si le choix était à refaire, il se passerait la même chose et la même élection qu'en 2007. Tant que l'opposition ne prendra pas le temps et la peine de se pencher sur de réels problèmes et d'apporter des solutions et non des mots du dico, nous n’aurons hélas pas d’alternative. Croire que voter orange en est une est une erreur. Ce mouvement n’existe qu’à cause de la haine viscérale du sacro-saint leader du milieu envers le despote et d’une volonté de puissance et de reconnaissance personnelle.
En regardant de loin les débats de ce soir, ne pouvant souffrir plus de deux minutes d'absurdité à la suite, il n'en est rien ressorti de tangible. Bataille perdue, enjeu national ou local, camouflet, expression du peuple en (dé)faveur du gouvernement, sanction, on ne parle que de ça et cela n'apporte absolument rien. Doit-on accorder autant d'importance à des personnages qui sont capable de parler trois heures sans ne rien dire : Pierre Moscovici qui dit : « Réformer oui, réformer bien sur, mais est-ce les bonnes réformes ? NON ! » Merci Pierre, vous nous sauvez et « Il faut en tirer des leçons ! » « Du travail, du travail et beaucoup de travail » Hum, et puis on parle lutte de pouvoir, Pierre, Manuel ou Ségolène en tête de liste pour 2012 on y revient, chacun cherche son chat pour lui brosser le dos dans le sens du poil. Je préconise « du travail collectif ». Hervé Morin ne fera pas bien mieux à la suite, bien que les réformes en cours auquel il participe auraient pu lui offrir plus de substances, on approche du fond, mais duquel. Toute cette soirée de débats pour commenter des résultats qui sont. Occuper de l'espace audiovisuel alors qu'un documentaire sur les loutres ou un bon inspecteur Barnaby, sucré aux aficionados par deux fois nous auraient comblé. Aller un Besancenot finit de m'achever, le pire c'est qu’il est le seul à parler des choses concrètes (employés de Tefal) et il nous sort un grand « Vous êtes dans le best of » à l'attention d'Hervé Morin. Et oui nous y sommes, tout ça pour être dans le best of, si seulement leurs parents leurs avaient payé des cours de guitares on aurait pu avoir un bon concert. Du show, du spectacle, Messieurs et Mesdames les directeurs de rédaction il faudrait changer les plateaux pour leur permettre d'atteindre leur rêve, être dans le best of et en couverture de Public. Une idée me vient, au lieu d'élection et de soirées débat nous devrions reprendre la recette magique de Takeshi Kitano dans Takeshi's castle (http://www.youtube.com/results?search_query=takeshi%27s+castle&search_type=) et mettre nos hommes et femmes politiques tous au départ et leur faire passer les épreuves les unes après les autres avec, pour prendre la couronne un combat final au laser contre l'empereur en place. Ce serait beaucoup plus drôle tout de même et pas moins efficace.
J’espère néanmoins que ce que nous voyons n’est qu’une partie émergée de l’iceberg et que du travail s’accomplit réellement en profondeur, il y a des choses à faire, dire lesquelles n’est pas évident, donc chapeau à ceux qui seront en mesure de trouver et de garantir à notre pays le meilleur équilibre possible. Est-ce facile avec un despote qui est par nature déséquilibré ? Nous verrons, les premières mesures, même si elles se justifient par le dynamisme sous-jacent des réformes amorcées, me semblent contraire à cette recherche d’équilibrage des forces et des avantages de notre pays. Gérer une nation comme une entreprise n’est pas une fin en soi, à moins qu’on ne veuille finir par la vendre pour plus qu'une poignée de dollars !

mardi 11 mars 2008

La soif des 3 dimensions

« Démocratie d’opinion » et « financiarisation du capitalisme » d’une part et « gouvernance et éthique d’entreprise », « développement durable » et « politique de civilisation (1) » d’autre part … qu’ont en commun ces thèmes aujourd’hui en vogue ? Ils mettent à mon avis en avant deux choses primordiales :
- le constat d’une certaine forme de tyrannie du myopisme, de la compartimentation de la pensée et du superficiel
- une volonté de plus en plus forte pour une action politique et économique qui résulte d’analyses approfondies, globales et qui intègre un horizon de réflexion plus ambitieux.

La prise en compte des 3 axes suivants me semble en effet incontournable dans toute action politique ou économique :
- l’horizon temporel. Le manque de prise de recul et l’obsession du court terme me semblent en effet suicidaires.
- le champ d’analyse de la réflexion préalable à l’action. Toute action naissant d’une vision fragmentée des choses est vouée à l’échec.
- la profondeur de l’analyse. Il est évident que la superficialité d’une analyse ne permet pas une action judicieuse

Cela vous semble couler de source et relever du bon sens…et vous avez raison !

Pourtant, de nombreux exemples montrent :
- qu’une partie ou la totalité de ces 3 dimensions sont très souvent (volontairement ou involontairement) délaissées.
- que cette carence n’est pas sans risque et sans conséquence, non seulement pour ceux qui prennent les décisions mais aussi pour ceux qui en subissent les conséquences.
- qu’il ne suffit pas d’avoir en tête l’importance de ces axes pour mettre en place avec succès une action.

Notre environnement (au sens large) porte en lui un grand nombre d’explications de ce myopisme ou de cette carence intellectuelle, à savoir :
- des changements de plus en plus rapides (accélération des évolutions technologiques, versatilité des marchés financiers, etc.)
- une certaine insécurité (terrorisme, catastrophes climatiques)
- des exigences de résultats accrues et sur le très court terme, qu’il s’agisse des actionnaires envers les dirigeants d’entreprise pour dégager plus de rentabilité et plus vite ou des consommateurs français qui s’exaspèrent de la baisse de leur pouvoir d’achat.
Ce voile d’incertitude et d’insécurité et cette pression du résultat expliquent en grande partie le manque de prise de recul et les analyses partielles ou superficielles car celles-ci sont consommatrices de temps et d’énergie… Ce cycle vicieux doit cependant être brisé dans l’intérêt du plus grand nombre.

Sur la scène politique, l’actualité du PS français illustre cette situation. Certes, le PS séduit encore à l’échelle locale (grandes villes et régions notamment) et il aura peut être une nouvelle occasion de le démonter dimanche prochain lors du 2ème tour des élections municipales mais ces succès sont davantage dus à la capitalisation sur le rejet de la droite qu’à l’adhésion à un projet socialiste en France… et le manque de réussite au niveau national s’explique fortement par l’absence de leader ou plutôt la multiplication de prétendants, le manque d’une vision politique partagée et l’absence d’un réel projet de société. En d’autres termes, le PS souffre :
- d’un champ de réflexion réduit par l’existence de nombreux prismes ou biais de réflexion (culpabilité de celui qui « gagne de l’argent », obsession de l’égalitarisme, dénonciation systématique du manque de moyen sans réflexion sur l’optimisation des ressources, etc.)
- d’un manque de profondeur de réflexion. La communication, le symbolique et l’émotion ont largement été privilégiés par la dernière candidate aux élections présidentielles, au détriment « du fond » des propositions.
- d’une difficulté à projeter son identité et ses valeurs dans les 5 années à venir. Le manque de visibilité sur la coloration future de la gauche française le démontre : entre le rouge-vert-rose traditionnel, le rose-orange souhaité notamment par Ségolène Royal ou encore l’arc en ciel (c'est-à-dire la coalition rouge-vert-rose-orange) prônée par Julien Dray, la toile socialiste n’a pas encore choisi sa palette de couleurs.

D'autre part, les français n’ont rien à gagner à l’avènement d’un pilotage politique « la tête dans le guidon » ou plutôt sur les baromètres d’opinion et autres suivis des côtes de popularité dont les médias français regorgent (hebdomadaires papiers, internet et TV).

Aussi, le rapport Attali n’a pas eu, à mon sens, l’accueil qu’il méritait car pour une fois, il était le fruit d’un travail global, approfondi, collectif et intégrant la dimension temporelle de ses propositions ainsi que leur "mise en musique" opérationnelle… on regrette qu’il doive se heurter aux crispations corporatistes françaises (pharmaciens, conducteurs de taxis, fonction publique, etc.)

Sur le terrain économique, les questions relatives à la croissance et à sa mesure qui mettent en lumière le besoin de nouveaux indicateurs de richesse moins « étroits » que le PIB, qui prennent d’avantage en compte le bien être des citoyens et qui permettent ainsi d’évaluer l’impact qualitatif des actions politiques économiques, illustrent cette volonté de « mieux » contre la dictature du « plus » et « plus vite ».

On peut trouver d’autres exemples dans le monde associatif ou dans l’entreprise ou regarder au-delà des frontières hexagonales, par exemple du côté des primaires américaines qui signent l’apogée du marketing politique, l’omniprésence des spin doctors et l’utilisation prononcée des symboles émotionnels (élire un président « black » ou une femme pour la première fois).

J’espère que les thèmes de « gouvernance et d’éthique d’entreprise », « développement durable » et « politique de civilisation » ne resteront pas de beaux concepts mais qu’ils guideront l’action politique et économique des années à venir…

(1) Edgar Morin décrit l’impasse actuelle dans ces termes : « Ainsi, on peut dire que le mythe du progrès, qui est au fondement de notre civilisation, qui voulait que, nécessairement, demain serait meilleur qu’aujourd’hui, et qui était commun au monde de l’Ouest et au monde de l’Est, puisque le communisme promettait un avenir radieux, s’est effondré en tant que mythe. Cela ne signifie pas que tout progrès soit impossible, mais qu’il ne peut plus être considéré comme automatique et qu’il renferme des régressions de tous ordres. Il nous faut reconnaître aujourd’hui que la civilisation industrielle, technique et scientifique crée autant de problèmes qu’elle en résout. »