lundi 24 septembre 2012

Caricature impossible

Ceux de ma génération ayant suivi leur scolarité en France ont tous eu à un moment un copain surnommé Momo. Le plus souvent venant du prénom d’origine arabe Mohamed, lui même émanant du nom du prophète de l’Islam. Prénom devenu extrêmement commun et que l’on peut comparer en nombre aux Aurélien, Alexandre de ma génération. Souvent plus doués au foot mais pas toujours, souvent discriminés, toujours. Malgré un cursus scolaire équivalent certains noms de famille ou prénoms aussi courants ne donnent pas les mêmes chances dans la vie.

Au niveau des chances à l’emploi, et j’aimerais qu’un jour un de mes amis proche rédige précisément l’étude sociologique dont il est victime malgré lui, ce n’est vraiment pas le plus porteur. Le sujet de mon billet n’est pas là même si on pourrait en écrire des tonnes et des tonnes. Ce qui m’importe ici c’est l’obscurantisme général qui s’épaissit, pléonasme affreux certes mais tellement réel. Nous voilà donc dans une société où la critique à défaut d’être piquante peut devenir destructrice, non pas par son impact intrinsèque, mais par l’emballement et l’embrasement qu’elle peut générer. Le film islamophobe diffusé récemment sur internet a  entrainé des réactions extrêmement violentes et angoissantes. Et voilà que Charlie Hebdo décide de faire un double coup, persister et signer sa défense de la liberté d’expression et aussi accélérer la progression de ses ventes. Je suis pour la première idée, un peu moins pour la seconde à ce moment précis. Il faut appeler un chat un chat, et relater et caricaturer ce qui se passe je suis plutôt pour. De même crever des abcès dans un pays laïque je suis pour. Pour finir la couverture est réussie. Si on réfléchit bien c’est caricaturer un juif en un jeune de banlieue pauvre qui vient en aide en poussant un musulman riche. Dans l’imaginaire caricatural populaire et l’inconscient collectif, sans doute influencés par ce qui se passe entre Israël et la Palestine, c’est bien souvent le contraire. Le jeu de mots avec intouchable, faisant allusion à la non évidence de faire de l’humour en ce moment autour des religions parachève le tout. Concernant les autres caricatures, on est dans le ton Charlie Hebdo, pas plus, pas moins. Pour ceux qui doutaient encore de la finesse de Charb, se fournir les albums de Maurice et Patapon est indispensable.
Ensuite côté timing ça ne tombe pas très bien.
J’ai revu récemment mon pote Momo, celui des petits ponts, qui m’a raconté sa mésaventure récente. En voyage avec son ami Danois, les voilà tous deux en amoureux se baladant sur la butte Montmartre. Comme tout jeune couple excité devant cette découverte de Paris qu’ils connaissaient surtout pour l’avoir vue à la télé, les voici sur cette fameuse place du Tertre. Comme tout bon touriste ils admirent les faux et quelques rares vrais peintres de la place y subsistant. Un en particulier attire leurs regards. Les portraits qu’il fait de ses cobayes sont plutôt drôles. Alors ils se jettent à l’eau. Après un temps d’attente où le soleil faisait hélas perler les gouttes sur le front de mon ami, risquant de compromettre toute l’aventure l’homme un brin austère leur assène avec un accent assez loin du titi parisien imaginaire, mais bien plus du slave (petit hommage à Céline impossible à cet instant, il ne parlait pas bien le parisien ce Russe d’autant qu’il n’avait sans doute pas été taxi à Beuzon) : « C’est pour qui ? ». L’enfantillage s’en suit, vas-y toi, non vas- y en premier je veux voir ta tête et bli et blo. “Aller Momo vas-y”. Il s’installe.
L’air offusqué, l’artiste ou apparenté tel quel, lui dit, avec cette fois-ci l’amabilité toute parisienne retrouvée : « Ah non, je veux pas de ça. Vous dégagez !!! Illico presto ». Un peu stupéfait : « Qu’est ce qui vous prend ? ».
Le moujik pas à un blasphème près : «  Momo, c’est pour Mohamed ou un truc du genre ? de dieu !!! Vous allez pas m’avoir comme ça, moi des caricatures de Mohamed j’en fais pas c’est comme ça, je veux pas m’attirer d’ennuis, si vous voulez vous faire tirer le portait allez voir ailleurs, mais ce sera pas moi qu’on aura sur ce coup là. Veux pas qu’on me brûle mes ustensiles moi. Sinon vais être obligé de les faire en poil de rats bientôt mes machins.» En fin de compte si, à un blasphème près...
Interloqué le couple s’en est allé. Avec des idées étranges dans la tête, rien de bien méchant, un sentiment d’absurdité, l’injustice ayant déjà été intégrée depuis belle lurette.
Voilà donc que même se faire caricaturer devint impossible pour Mohamed. Je suis de même interloqué par ces dérives, sans trop comprendre, sans approuver, avec le sentiment de ne pas y pouvoir grand chose, hélas ...

jeudi 20 septembre 2012

Le guide des meilleurs vins de France.


Le meilleur guide des vins de France.
Ce n’est pas marqué comme cela sur la couverture mais il s’en faut peu. Le guide des meilleurs vins de France 2013 vient de paraître et augure d’une fin d’année riche en folles dépenses tant les vins du millésime 2010 ont atteint des prix astronomiques. Ce guide, donc le numéro 1 (des guides d’auteurs en France, c’est marqué en haut à droite) qui émane de la très sérieuse et estimée revue des vins de France offre un article aux 1300 meilleurs domaines, les classant en étoiles, copiant en cela la bibliothèque du bibendum. Sommaire très bien fait, couverture large des vignobles même si le fait de ne pas tout y retrouver frustre forcément quand on s’attend à voir figurer dans ces pages l’un des domaines qui nous avait enthousiasmé lors des vacances précédentes où les caves aidèrent à supporter les fortes chaleurs et à se désaltérer. D’où un souvenir magique.
Scène d’intérieur : Non j’ai regardé à “Le domaine...” à “Château de …” chérie je le trouve pas. Le doute s’installe alors, avons nous eu bien fait de laisser la trottinette chez mamie pour laisser la place à 6 cartons de ce vin, qui manifestement ne fait pas partie des 1300 meilleurs domaines de France, et c’est le meilleur guide des vins de France qui le dit. En fonction de votre chance au grattage vous aurez en retour, soit un “je te l’avais dit qu’il avait un drôle de goût, comme un goût de champignons un peu vieux” soit “ il y sera l’année prochaine, tu sais ces guides …”
Là n’est pas mon sujet et pour ne pas avoir lu les autres guides cette année je ne peux pleinement le consacrer, même s’il est très bien et s’il remplit parfaitement son usage avec pour la quasi totalité des vins une dégustation annotée de tous les millésimes disponibles (dégustation des primeurs comprise). 
Et pourtant c’est un coup de gueule. J’en reviens d’ailleurs à mon propos précédent sur la mort du langage (lien). Ce guide fait pour les érudits, les nobles de la dégustation … et les autres quand même aussi car il faut bien faire du volume pour vivre, n’en reste pas moins le théâtre dramatique de la régression de la qualité d’expression des écrivains en France. N’entendez pas ici par écrivains, les romanciers ou les lettrés mais bel et bien tout ceux qui écrivent un texte mis à disposition d’un large public. Je n’ai pas encore fait l’inventaire complet, et heureusement car ce livre serait déjà enterré mais disons que grosso modo, chaque petit article offre hélas une faute de grammaire, de syntaxe ou carrément un oubli de plusieurs groupes de mots. J’entends déjà les pourfandeurs de la médiocrité me dire : Mais attends ! C’est pas du Shakespeare et bli et blo. Là n’est pas le propos. Le travail de relecture devrait être présent avec un haut niveau d'exigence. De cet ouvrage lire à l’occasion une critique par jour peut passer, même si lire que c’est le Chaval Blanc qui coûte 1000€ la bouteille (ça doit tout de même écorner les oreilles des  propriétaires Arnault et Frère) est assez irritant. Reprenons la même scène un peu plus tard , chéri tu t’es fait avoir tu sais. Ton Cheval blanc bah c’est pas ça qui vaut la peine, c’est le Chaval Blanc, je n’ose imaginer les joutes qui peuvent s’en suivre.
Mais quand on veut se plonger dans une lecture d’une région, en prenant les domaines les uns après les autres, c’est dérangeant, puis agaçant, puis énervant et on laisse l’ouvrage à son rôle de guide pratique ponctuel. Qu’a donc fait l’éditeur ? A priori il doit être occupé à licencier ces correcteurs qui ne servent à rien et ne représentent pour lui qu’un coût financier, et pourtant ce ne serait pas en vin de les garder ...

lundi 3 septembre 2012

La nébuleuse du Crabe et autres récits autofictifs.

Je passe après la bataille vous me direz, près de 20 après la parution de ce roman d’Eric Chevillard La nébuleuse du Crabe. En pleine rentrée littéraire, pas très actuel, et pourtant quand on découvre un génie poétique on peut bien s’extasier avec un peu de retard. Peu de temps après avoir vu la poésie sur grand écran grâce à Holy Motors, je l’ai vue entre mes mains dans ce récit protéiforme d’Eric Chevillard. Chevillard qui est pour moi (et d’ailleurs pas que pour moi, ayant une large notoriété aujourd’hui, même si renommée n’est pas souvent égale de qualité) un des génies littéraires du moment. Je l’avais découvert par hasard avec Du Hérisson, pris par son style si juste, drôle et cruel. Cette histoire de hérisson qui apparaît sur la table d’écriture d’un auteur confronté à la page vide, cercueil créatif scellé par la présence inopinée de ce petit être mangeur de gomme m’avait happé. La beauté absurde et décalée m’avait subjuguée. Me demandant tout de même plusieurs fois si je comprenais bien ce que je lisais, me mettant à prêter à l’auteur tout une ribambelle d’allusions plus jouissives les unes que les autres, j’ai toujours gardé en tête ce créateur comme majeur, n’ayant pourtant lu qu’un de ces livres à ce moment là. 
Arriva ensuite Palafox, dans mon ordre de lecture, publié en 1990, livre où la cruauté et la monstruosité n’ont pas de bornes et pourtant livre angoissant, émouvant, amusant, dérangeant. En profitant des versions de poches de quelques unes de ces œuvres (hélas seulement un nombre limité) me voici donc en compagnie de Crab, véritable allégorie multiple, Protée d’apparence, de sentiments ressentis et communiqués. Comme si Crab était l’Homme dans son entièreté. Chevillard arrive à présenter en Crab l’humanité presque‘entière aussi bien dans sa superficialité condamnée que dans sa profondeur sentimentale. Ainsi comme le génère Oscar chez Carax, Crab nous fait vibrer, nous fait peur, nous donne envie de vomir, nous enchante, nous faire rire, suscite l’admiration, la crainte, l’indignation. 
N’est-ce donc pas ça la vraie beauté artistique, la communication des émotions, expérimenter les territoires avancés des sensations et les mettre à la portée du plus grand nombre. Pas besoin d’être un fin lettré, disciple du Littré pour comprendre Chevillard, son style est extrêmement limpide, précis, implacable à vrai dire. Il faut être ouvert d’esprit, prêt à lire un roman non romancé, sans véritable histoire linéaire, mais plutôt une série d’émotions. L’humour chez Chevillard, et cette prise de distance quant à son sujet sont exceptionnelles. Il est sans doute un homme d’une finesse extrême qui ne se dépense pas en histoires narcissiques infantiles. 
Merci M Chevillard d’avoir déjà fait tout cela, il m’en reste encore beaucoup à lire et c’est un plaisir de l’imaginer. Pour les plus curieux qui se demandent ce qu’il en est, commencez par son blog l’auto-fictif, duquel sont tirés régulièrement des ouvrages. Le format de trois paragraphes par jour, respecté à la lettre vous feront rentrer dans l’univers de ce grand écrivain. Le blog est ici. Et surtout si vous ne comprenez rien, arrêtez d’essayer de comprendre et laissez vous porté par la vague, vous ne le regretterez pas.

vendredi 24 août 2012

Batman 1789 : The Dark knight rises

Batman, the Dark knight rises, encore un film sur la révolution Française.

En allant voir Batman 3 je m’attendais à pas mal de choses devant les critiques globalement bonnes mais chez certains plus mitigées. Certes passer derrière l’épisode précédent est une gageure difficile à relever. Le chevalier noir était un film ultime de par son intensité et sa violence psychologique. Ce volet referme très honorablement la trilogie en faisant le lien avec les origines de Batman. Sur ce point les scénaristes ont fait du très bon boulot. La première partie du film avant l’explosion du stade est sans doute la meilleure. Nolan maître de la mise en place et de la montée sous pression des situations et des personnages ne se loupe pas. Les partis pris sur les nouveaux personnages, Catwoman, Robin et Bane peuvent se contester mais cela fonctionne plutôt bien. Hélas à traiter un nombre incroyable de seconds rôles qui ont tous une réelle épaisseur il oublie ses figurants. Cela ne fâche pas dans cette première partie, mais dans la seconde cela rend moins percutant les troubles auxquels est confrontée Gotham. Peut-être qu’un tas de scènes a disparu au montage. Si c’est le cas il sera intéressant de voir si une version longue sort un jour.
 
Ce qui m’a le plus interpellé dans cette deuxième partie c’est qu’on pourrait la qualifier de pastiche moderniste avec un faux air de terrorisme de ce que l’on voit dans les livres d’histoire en France sur la révolution de 1789. 
Lors de la conquête de Gotham par, on va les appeler ici, les méchants, tout commence par la prise de la prison de Blackgate et la libération des réprimés de l’ancien régime, ancien régime présenté comme corrompu, basé sur des mensonges sur la mort de Harvey Dent (aka Double Face). La volonté de Bane est d’abolir les privilèges, une véritable chasse aux nantis débute et un tribunal populaire officie dans une salle désordonnée et n’ayant que deux sentences prononcée par le docteur Crane, la mort ou … la mort. Il est question d’une nouvelle ère, une ère où les riches et privilégiés vont payer et blablabla. Certes on est dans la fiction, et derrière cela se cache pour que le spectateur fébrile n’adhère tout de même pas à ces idées, un destin anarchiste et terroriste. Mais comment ne pas penser à la prise de la Bastille, à la Terreur et ses multiples exécutions. Voir en Bane un Danton peut paraître fort et pourtant. D’ailleurs pourquoi ne pas voir en Batman un Napoléon, qui va finalement restituer une forme d’ordre porteur d’espoir dans la société, même si rien ne change vraiment.
 
Il est regrettable que Nolan n’ait pas passé plus de temps à dépeindre ces errements de la population pendant cette prise du pouvoir par les terrorévolutionnaires. Sa multitude de caractères à suivre (Bane, Tate, Fox, Batman, Robin, Gordon, Catwoman …) l’en empêche surement mais s’il avait pu réellement montrer le trouble de la population (en dehors des personnages principaux presqu’aucune scène ne relate la terreur des habitants, dommage d’autant plus qu’il y a quand même 12 millions d’habitants à Gotham), les pillages, les mises à mort des nantis par des personnes à la base comme tout le monde mais voyant leur énergie négative décuplée par le contexte... C’est ce qu’il avait réussi à faire dans le Batman 2 notamment avec les scènes des bateaux, ou l’un plein de prisonniers, l’autre de civils, tenus pour sauver leur peau d’appuyer sur un détonateur pour faire exploser l’autre bateau. Ce côté jeu du Joker, qui montre le début de l’horreur humaine n’a pas été ici abordé et c’est sans doute ce qui fait que The Dark Knight rises n’est seulement qu’un bon film. 
Si Nolan pouvait avoir vent de l’idée de se pencher sur la Révolution Française et d’oser, n’étant pas Français et pris par des préjugés, faire un film intransigeant et cruel, je pense que le résultat vaudrait réellement le détour.

jeudi 23 août 2012

La mort du langage et de la nuance.


Pas besoin de travailler pour TNS Sofres ni pour le ministère de l’éducation nationale pour observer la tendance de notre société à délaisser son propre langage. Les medias, qui n’ont jamais été les plus doués, semblent ne plus avoir de relecteur ni de censure dans la médiocrité dès que le medium d’expression n’est pas payant. Et encore, les journaux papiers payants sont bourrés d’erreurs. 
J’ai récemment parcouru quotidiennement un journal en version électronique, pas le plus réputé, mais tout de même un journal ayant pignon sur rue et la nausée venait en général au bout d’une quinzaine de lignes. Que de formules toutes faites, de synonymes utilisés pour d’autres sens, j’en reste sans voix … Il est vrai qu’il a toujours été commun d’avoir un pourcentage de journalistes n’ayant pas suivi de cursus de formation long, mais faut-il avoir faire Normal sup pour apprendre à lire et écrire. Bien sur que non, de nombreux exemples remarquables d’amoureux des lettres n’ont même pas leur Bac. Les fautes d’orthographes pures sont moins fréquentes, dans ce cas merci au correcteur automatique mais pour le reste, l’emploi des temps, les pièges usuels, l’articulation de la phrase, un naufrage. Je ne souhaite pas avoir un Proust comme rédacteur sportif pour nous relater les propos du célèbre humoriste et révolutionnaire de la langue Franck Ribéry. Mais faire une faute par ligne et compromettre la bonne compréhension de ses propos c’est bien trop. 
Alors que nous passons dans la société de l’hyper communication, les communiqués n’ont jamais été aussi mal écrits. La pléthore de possibilité d’expressioon semble cruellement grever le potentiel d’expression correcte. Le niveau général semble être en chute libre. Les mots utilisés de plus en plus standardisés et les messages courts finissent d’accélérer cette descente aux enfers. Ces textos qui parlent en phonétique, une horreur et tout ça pour économiser 2 caractères.  
Les canaux de la communication sont ouverts et pourtant ce qu’il en sort ressemble plus aux égouts d’une ville sordide et lugubre qu’aux canaux propres et soignés d’Amsterdam, certes il peut y avoir débat sur ce point. A banaliser le médiocre et à présenter comme nouveaux héros de jeunes demeurés, les chaînes télé avec leur Secret Pourri ne font encore une fois que le jeu des puissants, en n’offrant aucunement au plus grand nombre de possibilités de s’élever. Cette maîtrise des masses par l’abrutissement qui n’a jamais été aussi prononcé que sous l’ère de Sarkozy 1er ne semble hélas pas prête de s’arrêter. Et elle se poursuit à tous niveaux. 
Comment oser laisser passer les classes à des jeunes enfants qui ne peuvent qu’à peine déchiffrer des écritures simples. C’est comme les amener à l’abattoir. C’est par là, allez-y, ce n’est pas grave si vous avez commis des fautes sur le formulaire d’enregistrement, de toute façon ça ne sert à rien, vous allez à l’abattoir, l’ascension social n’y comptez pas, c’est une légende, écrire, vous n’en aurez plus besoin. La communication et l’expression sont les éléments qui permettent à chaque personne d’évoluer dans son milieu social et familial. L’expression des sentiments dans une multitude de nuances est le garant de la paix. Imaginons que quelqu’un ne sachant que peu utiliser de synonymes puisse avoir du mal à exprimer ses idées, ne puisse utiliser ces nuances, il n’a plus qu’un seul recours pour assouvir sa crispation de ne pas s’être bien fait comprendre, la violence. 
Ca parait très prof 68ard  de gauche de dire que le langage et sa maitrise adoucissent les mœurs et pourtant, j’en suis convaincu. Il serait de responsabilité publique que de prendre des mesures drastiques pour améliorer les exemples en libre service, je parle des émissions télés, supprimons cette télé poubelle et pour une fois essayons de tirer les gens vers le haut. Arrêtons les dégâts, choisissons mieux les programmes jeunesses pour débuter. Quand on voit la qualité et le niveau de langage de dessins animés des années 1980 comme par exemple les trois mousquetaires (en version chien), qui tout en étant bien compréhensible est constituée d’un vocabulaire bien supérieur à celui des dégénérés de TF1 ou de Dora qui au lieu de s’essayer à l’anglais ferait bien d’introduire plus de 15 mots dans son vocabulaire usuel, on se rend compte que c’est possible, reste à trouver la volonté.


mercredi 22 août 2012

Holy Motors de Leos Carax


Devant les critiques quasi unanimes qui prédisaient un avenir doré à Cannes pour ce film présenté comme un véritable chef d’œuvre je n’ai pu résister à l’envie d’aller le voir sur grand écran.

Récolter une 20aine de notes maximales, 5 étoiles ou éclats de joie dans la presse française relève de l’exploit. Il n’y eut que Métro, ou presque, pas forcément considéré comme le plus fiable critique d’art qui osa aller contre en parlant d’une fable frôlant le ridicule. Heureusement. Non pas que j’ai trouvé ce film ridicule, au contraire, mais je peux comprendre que 95% des spectateurs le pensent à un certain moment, d’autant plus si ils s’attendent à prendre leur pied sans précautions préalables. Le plus grand péché des critiques, c’est souvent de ne voir que par leur système référent propre, système expert et très souvent coupé de la réalité. A moins que ces 20 magazines, journaux et sites internet ne s’adressent en fait qu’aux 5% de cinéphiles avertis de la population. Et si c’est le cas n’allez pas chercher bien loin les causes de la décroissance des média payants en France.
Il n’est pas impossible de faire aimer ce cinéma, qui en vaut la peine car étant l’essence même de la création libérée, à un plus grand nombre, mais il faut lui donner les clés et l’avertir. On apprend à lire à l’école, à déchiffrer des textes, à reconnaître des figures de style, à comprendre qu’on peut jouer avec les mots, faire des métaphores pour étayer un discours, y glisser de l’humour, de la mauvaise foi grâce à certains procédés stylistiques, ce qui consciemment ou inconsciemment va aider à aborder par la suite une multitude d’auteurs. Certains capituleront devant des styles ou des vocabulaires trop élaborés, mais ils ne cracheront pas sur ces œuvres, en disant Proust de toute façon c’est du grand n’importe quoi. Alors que dans le cinéma,  pas de bases prodiguées à l’école. Autodidacte on peut se faire un avis et une cinémathèque grâce à des recommandations de critiques, ou sous la pression de la machine commerciale qui sert en général les films où le cerveau du spectateur peut rester dans la voiture.
Donc présenter un tel film de la sorte sans avertissement préalable, le condamne presque à être rejeté du plus grand nombre non averti. Je n’ai que trop rarement lu une critique disant, attention ce film est génial mais il nécessite une certaine ouverture au 7ème art, pour ça je vous conseille de voir auparavant ces quelques films, grand classiques et d’en donner les clés. Après libre au spectateur de faire ce que bon lui semble, mais il sera moins surpris, et les portes d’accès vers ce septième art, qui peut être le summum de l’expression artistique, intégrant la poésie, la musique, l’image, la narration et l’intrigue pourront s’ouvrir.
Concernant ce film, il vaut la peine d’être vu. Non pas qu’il s’agisse d’un futur grand classique, il est de pas son essence condamné à rester relativement en marge, mais c’est un hymne du cinéma au cinéma. Pour plus de blabla sur tout ce qu’a réussi à faire Carax allez sur ce site et vous aurez votre lot de phrases et formules toutes faites pleines d’emphase.
Pour être précis ce qui m’a réellement subjugué est cet élan de liberté créatrice, sans tabous, sans trop de limites, même si chacune des aventures de Monsieur Oscar, qui interprète une multitude de vies est l’incarnation d’un genre cinématographique bien identifiable. L’inattendu est là, souvent avec humour. L’originalité nous fait éprouver des sentiments vifs et qui se contrastent. La scène érotique de motion capture est des plus sensuelles et des plus originales. Et la scène du cimetière, d’un humour subjuguant avec une photo incroyable, un des moments les plus esthétiques et intenses du film, qui dit tant de choses, au niveau du corps, des désirs, des sentiments, de la perception de la société, des traditions et de la religion. Certains y verront sans doute une critique de l’extrémisme islamique, d’autres y verront celles de la perte de la religion catholique, encore d’autres l’éloge de la beauté féminine,  et d’autres une métaphore de l’égarement masculin quant à son désir. La scène d’entracte est l’une des plus jouissives, dénuée de tout, juste pour se faire plaisir, et ça marche. Certes on peut aussi y voir toute une série de métaphores religieuses et sur le sens de la vie, mais quelques fois il est bon de prendre les émotions telles qu’elles sont. Il y a plein d’autres trouvailles, de scènes inventives ou au contraire très classiques (comme cette scène de comédie musicale dans une Samaritaine désœuvrée). 

Je vous encourage donc vivement à y aller, mais attention c’est à prendre comme de la poésie, le sens paraît parfois extrêmement obscur mais c’est beau.
On se sent vivre devant ces tableaux et c’est bien là le principal.

mercredi 18 avril 2012

Décompte à rebours de la campagne présidentielle

Cette campagne électorale présidentielle française a un air helvète bien surprenant. Ce n’est pas la couleur rouge abandonné par Hollande, qui on aurait pu le comprendre aurait pu choisir le orange d’origine à défaut d’avoir pris le citron, qui me fait penser à nos amis neutres mais bien la technologie horlogère qui a été développé par toutes les grandes chaînes pour chronométrer, mesurer et comparer à la seconde près le temps de parole des candidats.

Alors j’ai investigué et me suis demandé d’où ça pouvait venir. Un peu perplexe de ne pas voir en gros à la fin de chaque générique d’émission politique les sigles des grandes marques horlogères, ayant appelé le siège de Cartier et n’ayant eu de réponse que : “Vous savez bien, en politique on ne fait pas de Cartier.” J’ai continué ma recherche.
J’appelle ensuite Hublot, qui me dit que c’est vraiment une attitude sournoise de vouloir regarder cette campagne par le trou de la serrure, évidemment que pouvais-je en attendre d’autre.

Je regarde ces émissions dont la précision me fascine, encore dernièrement, plus de dix chronomètres en simultané dans l'émission Mots Croisés, s’animant comme par magie dès qu’un candidat ou directeur de campagne émet un son. D’ailleurs je me demande bien si un profond grognement ou un éternuement bruyant cherché pour perturber l’autre est décompté du temps de parole. Ça devrait.
Je gravis les échelons d’une autre célèbre marque, monte en altitude et arrive chez Mont Blanc. Ils me disent que je ne manque pas d’air de leur poser la question.

Peu convaincu, je continue mon chemin et voici que je tombe sur ce gars là, ce vieux beau qui avait lors d’une émission télé parlé d’une condition sine qua non à la réussite d’un homme à 50 ans. Il cite même une marque. Je ne m’emballe pas, même si tout semble rouler dans cette direction. J’apprends même que ce Jacques aurait servi d’entremetteur à notre président actuel. J’apprends aussi qu’il fut derrière les manettes en 1981, réalisant un tour de prestidigitateur. Il faut se méfier, certains Midas de la communication peuvent arriver à tout. Il resterait même un ami un fidèle du couple présidentiel. Je regarde le poignet du premier homme de France, candidat à sa propre succession.

Ça y est je les tiens, c’est une conspiration effroyable, il faut avant qu’il ne soit trop tard que je relaie cette information au CSA. Tous les chronomètres seraient truqués, la belle manœuvre.
Mais que me dit-on, le président de cet organisme qui devrait par nature être indépendant, est nommé par le président de la république lui-même.
Comment avons-nous laissé cela arriver ? Tout est lié, nous sommes faits. Bientôt il nous manquera de temps pour réagir, ce temps auquel nous devons nous fier va filer et puis s’arrêter, les 5 années nous en paraîtront dix, nous aurons vieilli et nous aurons l’impression de travailler jusqu’à nos 80 ans.

L’homme est au Zénith de son art et personne ne semble plus s’en méfier, on le voit perdant, mais comme tout maître du temps (Felindra tête de tigre), il nous mènera au moment venu devant nos désillusions.

mercredi 11 avril 2012

Un repas chez Loiseau

Voilà de nombreux mois que je me dois de porter par écrit les émotions procurées par mon séjour au Relais Bernard Loiseau et son restaurant trois étoiles à Saulieu. Arrivé par le sud Morvan et la petite route, il faut avouer qu’on a bien l’impression de se perdre dans la quête du Saint Graal gastronomique, affrontant les virages tortueux et les collines verdoyantes. Puis l’imposante façade aux couleurs très bourguignonnes surgit au milieu de la ville. L’accueil est agréable, loin des images du guindé des palaces parisiens.

Comme je ne vais pas trahir ma mémoire je vais à l’essentiel sur le lieu. Endroit magnifique, escalier extérieur en bois encadrant un ascenseur vitré, herbiers, canards, piscine extérieur, terrain de boule, si si, ça le fait, spa de qualité, chambres à tomettes et boiseries typiques, terrasse privative sur laquelle la petite déjeuner se prend en toute sérénité. Y passer une journée et une nuit vaut réellement le détour. Le lieu a été pensé avec vrai bonhommie et finesse. On se sent vite à l’aise et détendu tout en pouvant prendre soin de son corps. Et plus particulièrement de son estomac. C’est quand même bien là pourquoi nous nous y sommes rendus. Dans le souci de découvrir la pâte de Bernard Loiseau, style prolongé par son fidèle chef Patrick Bertron, nous optons pour un menu les Classiques de Bernard Loiseau comprenant les plats qui vingt ans auparavant ont permis d’obtenir la troisième étoile Michelin.

Première surprise, le ton du service, les blagues fusent entre le maître d’hôtel, les chefs de rang, le sommelier. L’humeur est à la rigolade,  ils nous jaugent et nous plaisantent très vite. Etonnant, agréable en fin de compte. On se sent chez soi, à la nuance près qu’ici sont accrochés au mur toute une collection de Buffet. Bernard Buffet ayant été un habitué, et payant ses repas à l’ancienne avec ses toiles, un ami du couple Loiseau.

La dégustation commence avec les Jambonnettes de grenouilles à la purée d’ail et au jus de persil. Un plat déstructuré et tout simplement génial permettant le bonheur de tremper à mains nues ces jambonnettes dans ces deux textures opposées et aux goûts si complémentaires. Un régal. Puis, grande révélation, Sandre à la peau croustillante et fondue d’échalotes, sauce au vin rouge. Grandes émotions pour ne pas dire plus, splendide, sublime. La réduction de vin de syrah (dix pour un), magique, répondant si bien à la fondue d’échalotes et à ce Sandre parfaitement cuit à merveille et à la peau croustillante. Un poisson sauce vin rouge, plat d’une extrême innovation il y a 20 ans et encore maintenant. Une vraie révélation pour moi. La suite avec la volaille et le foie gras avec la purée truffée, de très bonne facture, le plateau de fromage gourmand et ce dessert aux tuiles au chocolat, glace chocolat très très noir et coulis d’orange confite.

La bonne humeur que l’on voit dans la salle est palpable dans l’assiette. Le service comme je le disais plus haut, très proche du client. Et si je me souviens bien du prénom, merci à Julien qui nous a fait visiter l’ensemble du domaine et fait connaître tout un tas d’anecdotes utiles à la compréhension de l’histoire de ce haut lieu de la gastronomie française.

Evidemment quand on mange trois étoiles, on compte moins, mais si je compare à certains restaurants parisiens qui ne se sentent plus facturer, pour le prix d’un dîner dans la capitale, vous avez à Saulieu la nuit en chambre splendide et des soins au Spa en plus. Cela vaut largement la peine de prendre sa voiture et de se perdre quelques virages dans le massif du Morvant.
 Une seule envie aujourd'hui, y revenir au plus vite pour goûter le reste et se prélasser. Et la prochaine fois je prendrai mes boules.