mercredi 27 mai 2015

Les BDs au service de l'histoire.

Dans un temps trouble et obscur où les visions de l’histoire et de son enseignement sont chahutées, mises à mal et où l’on a un peu vite tendance à éteindre les Lumières, des lectures récentes m’ont pourtant rassuré.
La présence d’un marchand de Bds dans ma rue depuis peu y a fortement contribué. D’ailleurs pour les Bruxellois n’hésitez pas à lui rendre visite plutôt que d’aller chez un grand distributeur qui vous sortira comme perle inconnue le dernier Larcenet et rien d’autre. Pas que le dernier Larcenet soit inintéressant. Il faut lui accorder que graphiquement le tome 1 de l’adaptation du roman de Paul Claudel le rapport de Brodeck est à la pointe. Ces noirs sans nuance sont assez bluffants. En revanche pour les bouffées d’air signalées par un vague rond je ne suis pas fan. Sinon concernant l’histoire c’est pas très passionnant. Je n’avais pas lu le roman et peut-être que tout sera dans le tome 2. Donc c’est un bel objet mais pas ce qui m’a rassuré récemment.
Dans deux styles graphiques totalement distincts et l’Or et le Sang et Gaza 1956 m’ont beaucoup plu. La première série composée de 4 tomes est très romancée, série d’aventure sur fond de réalité, commençant dans les tranchées de la première guerre mondiale et s’achevant avec l’écrasement de la république du Rif marocain avec l’utilisation d’armes chimiques en 1927. Outre le fait que le dessin est très dynamique, que les héros, personnages fictifs sont intéressants j’ai découvert un pan de l’histoire qui m’était totalement inconnu, non traité par les cours d’histoires que j’ai suivi à l’époque. L’art, et notamment la BD  joue ici un rôle primordial pour aider la mémoire à se souvenir d’un moment particulier de l’histoire coloniale.

Plus lourd et plus dense, véritable ouvrage d’investigation historique, Gaza 1956 de Joe Sacco est un livre spectaculaire. Déjà la taille, pas loin de 400 pages avec un dessin en noir et blanc très précis et très détaillé. Ensuite le sujet, deux massacres perpétrés dans la bande de Gaza en 1956 et qui n’ont pas été particulièrement mis dans les livres d’histoires : ceux de Khan Younis et de Rafah. C’est un sujet très délicat bien entendu et extrêmement clivant. Cependant Sacco traite cela tel un historien et essayant de recouper les témoignages et ne garde que ce qui est corroboré par différentes sources. Il se dessine lui aussi au milieu des ruines, allant à la rencontre des anciens, témoins ou s’imaginant tels quels, se confronte au réel de conditions humanitaires dramatiques et inhumaines. La région est sinistrée mais le fait de traiter ces deux évènements explique en partie d’où vient la haine qui peut animer ces peuples humiliés, parqués et mal traités. Le point de vue adopté est celui de Gaza et non pas celui d’Israël et il ne faut pas oublier que les horreurs sont dans les deux camps, que les cartes sont brouillées depuis très longtemps. Mais pour en revenir au sujet et à la façon de le traiter, j’ai été totalement bluffé par ce que Sacco a réussi à faire. Je me sentais réellement plongé au cœur de la bande de Gaza et arrivait à comprendre (et pas prendre partie) certaines haines et certains mécanismes qui tendent à déstabiliser le Moyen-Orient et bien au-delà. Le sentiment était proche de celui éprouvé lors de la vision de grands films sur des journalistes couvrant des conflits majeurs. La différence ici étant le traitement en format dessiné et aussi cette recherche de ce qui s’est passé il y a 50 ans. C’est une Bd qui reste très lourde et qui est moins détendante qu’un Boule et Bill. Ce n’est donc pas à lire de la même façon mais c’est captivant et aussi particulièrement utile dans cette période où les politiques semblent vouloir nous servir une histoire aseptisée et se voiler la face. Donc avis à ceux qui ne souhaitent pas devenir des moutons ignorants, lisez des Bds !

mardi 12 mai 2015

Le dernier arbre de Tim Gautereaux

Je ne vais pas y aller par quatre chemins, ce livre est excellent. C’est un livre très complet et qui aborde un nombre très étendu de sujets : les traumatismes de la Grande Guerre, la ségrégation aux Etats-Unis, la corruption, les marais (faune et flore), l’exploitation forestière, les progrès techniques des années 20 (développement des nouvelles télécommunications et des nouveaux moyens de transport), les mafieux, la prohibition, les règlements de compte, la prostitution, le désir de filiation et les problématiques d’hérédité. Pour résumer les relations humaines dans un monde entre sauvagerie et développement. Cela fait déjà plusieurs mois que j’ai terminé ce livre et je ne peux totalement m’en défaire d’où ce billet en guise d’hommage.
S’agissant d’une traduction il est toujours difficile de juger le style. Rien de magique dans l’agencement des mots donc mais rien non plus de frustrant ou de rédhibitoire. La façon de raconter est très descriptive mais laisse place à l’interprétation des sentiments que peuvent ressentir les personnages clés. Il n’y a rien de plus désagréable qu’un livre où l’auteur pour combler de l’espace explique chaque mouvement de ses personnages. Dans ce livre, rien de tel et la place à l’interprétation du lecteur est préservée. Bien entendu il y a par moments des sentiments qui sont plus clairement exposés et des situations qui ne laissent pas l’ombre d’un doute. Le personnage de Byron est partiellement expliqué au fur et à mesure au travers des dialogues qu’il peut avoir avec son frère et de certains stigmates dus à des réminiscences. Petit à petit, on comprend en partie la raison de cette forme de perdition dans laquelle il a inscrit sa vie jusqu’à la fin où …
Ce serait criminel d’en dire plus car ce livre recèle d’un nombre de rebondissements assez incroyables. C’est un livre tendu jusqu’au bout où planent diverses menaces, le stress monte et nous tient en haleine. On ressent aussi très aisément la douleur physique des héros.
J’espère réellement qu’un studio achètera les droits pour une adaptation télévisée (il me paraît impossible de faire tenir cette histoire en un film sans en perdre la richesse). Ou sinon cela ferait une très bonne série en bande dessinée. Le récit est tellement visuel qu’un dessinateur à l’adapter y prendrait son pied. De plus le récit est rythmé par des évènements marquants, des suspens haletants mais trouvant une fin qui permettent de subdiviser le récit en plusieurs tomes. Achetez-le, il est sorti en poche récemment, vous ne serez pas déçu.