jeudi 12 décembre 2013

L'Eau Vive (Profondeville, Belgique) en cuisine

Ce fut une surprise à la base. Destination inconnue même si les panneaux sur la route aidant, la cible paraissait de plus en plus clair. En arrivant à l’Eau Vive restaurant au sud de la ville de Namur, le cadre est enchanteur avec cette eau qui coule, mouline, entourées de vieilles pierres rénovées et d’ensembles modernisés. Y venir l’été par beau temps doit être très agréable.
Le salon d’accueil est au papier-peint un peu osé, du moins original, noir, traits de couleurs diverses et formes ovoïdes.
 
J’ai la surprise de me voir proposé un champagne de petit vigneron que ma famille avait l’habitude de consommer à l’époque de mon grand-père. Impression positive de voir que les grandes maisons n’occupent donc pas tout l’espace de ce restaurant deux étoiles Michelin. Ensuite l’arrivée en cuisine, nous étions à la table d’hôte, c’est à dire bel et bien dans les cuisines. Plus un mot, ou en tout cas pas un mot sauf des bonjours et salutations courtoises. “Tu penses que c’est toujours aussi silencieux ?” Discipline de fer. 
Nous étions nous aussi assez impressionnés de voir cette dizaine de personnes vaquer à leur tache sans frémir. Quelques instants plus tard, nous étions intégrés, dans les meubles, ou plutôt les pianos. Je demande en général dans ces bons restaurants à visiter la cuisine en fin de repas, pour une fois je demanderai à visiter la salle.
 
Première vue sur ce qui nous allait être servi. Impressionnante mécanique qui m’a semblé tout du long sans faille. J’ai du entendre à un seul moment un échange légèrement stressé mais pas beaucoup plus. Tels des abeilles dans une ruche au moment du dressage, la majorité de la brigade se regroupe afin de mettre tout en musique dans l’assiette au bon moment.
 
Malgré notre présence nous n’avions pas le temps de comprendre sur les premiers plats que le dressage concernait les nôtres. Après quelques mises en bouche bonnes mais sans réelle merveille la première entrée arrive. Et là choc et sourire béat à la première bouchée de ces huîtres pochées -bettes - lit de lomo et tomates avec une écume de mer. Un équilibre génial, une fin de bouche longue et iodée, parfaite. Un énorme moment de plaisir gustatif, du grand art. La suite était du même acabit, le filet de sole (plancha puis roulée en position centrale) accompagné de crevettes grises cachées sous un beurre blanc mousseux gourmand contenu dans une feuille de chou de Bruxelles. De la grande cuisine, très assemblée, harmonieuse. La cuisine de Pierre Résimont est plus une symphonie qu’un concerto.
Puis la viande, Chevreuil (selle) en deux déclinaisons, premièrement morceaux cuits à la perfection avec beaucoup de caractère (poivre bien, trop?, présent) et deuxièmement en civet sur lit de bulgur aux fruits secs où on passe plus dans la douceur après avoir eu ce choc giboyeux.
Beau plateau de fromage avec un large choix (dont un grand nombre de fromages locaux).
Le dessert s'inscrit bien dans la logique d’un long menu comme celui-ci, léger, créatif et frais. J’aurais sans doute préféré un dessert plus pâtissier et plus simple dans sa composition mais ce n’est qu’une histoire de goût.
 
Les alliances sont recherchées et le tout s’équilibre à merveille avec un style de cuisine moderne sans pour autant condamner les produits et plats de tradition comme ces saint-jacques, risotto, tuiles de parmesan et champignons des bois. Plat plus classique mais exécuté parfaitement.
L’accompagnement des vins était bien mené, des découvertes qui en valent réellement la peine. Comme ce vin de Grèce en accompagnement de la première entrée, un Robolla qui me rappelait le Roll avec une douceur non grasse parfaitement harmonieuse. Autre coup de coeur pour le Chardonnay du Jura de caractère parfait avec les noix de saint-jacques crémeuses.
Encore une belle merveille gastronomique cachée dans la campagne belge.

dimanche 15 septembre 2013

Revue de critique - un conte de noël

Un conte de Noël d’Arnaud Dessplechin fut par la critique que j’en lu dans Telerama un film à voir en priorité. Ce film suscita une grande attente que je n’oubliai pas. Ainsi lorsqu’Arte le diffusa à nouveau je pu m’installer avec plaisir dans mon canapé, exultant de joie et d’impatience. Ça y est, enfin, après 5 ans (j’avoue certes ne m’être pas non plus jeté sur le DVD ne le trouvant sans doute pas dans les offres à moins de 5€), je vais pouvoir savourer. Au moment où le film commence je ne me souviens pas exactement de la critique de Pierre Murat et n’en suis plus pour le moins du monde sous l’influence. Me voilà a priori libre de jouir de ce plaisir cinématographique. Revoyant rapidement sur le programme la seule chose qui me revient est qu’il était noté comme chef d’oeuvre (le petit bonhomme qui sourit, bouche grande ouverte), ce qui est un saint Graal très rarement attribué.

Le film commence, les chapitres s’enchaînent. Je ne m’ennuie pas mais ne m’amuse pas non plus, je me dis que sans doute tout se met en place très lentement et que les choses vont exploser à la fin (non pas que je veuille que Stalone fasse irruption dans le salon entouré d’explosions, cela ferait un trop grand contraste avec l’esthétisme discret du film). Les acteurs, très belle distribution jouent bien, Mathieu Amalric a toujours eu ma faveur, Deneuve, Poupau, Mastroiani - fille, et même les autres jouent bien, et juste. Le rythme est correct, on pourrait plonger dans l’ennui à quelques moments, il en aurait fallu peu, mais le réalisateur nous sauve par des remarques, attitudes ou évènements décalés qui font sourire. Puis le film s’achève, ou plutôt le générique démarre. Pas de conclusion, même si l’histoire a avancé. La greffe a eu lieu. Bon. Voilà ce que j’aurais à en dire. Un film qui se laisse regarder, quelques petites drôleries à la Desplechin pas désagréable mais c’est tout. Un chef d’œuvre ? une merveille ? mais n'importe quoi !!! Il faut arrêter avec ce faux élitisme qui pousse ces critiques parisiens à crier au chef d’œuvre dès qu’un film rassemble quelques bons acteurs et ne tombe pas dans le mélo hollywoodien. Certes nous n’avons pas à la fin Brad Pitt et Angelina Jolie qui finissent par s’embrasser en s’envolant en hélicoptère, mais est-ce pour cela qu’il faut être aveugle devant la qualité réelle de ce film.

Quelques bonnes choses, je l’ai déjà dit, mais c’est un énième film sans fin, qui pose des questions sans faire avancer réellement qui que ce soit ni quoi que ce soit. La lâcheté comme valeur ultime du critique, une évidence vous allez me dire. Ou peut-être est-ce un autre syndrome, comme le critique n’a pas tout compris (ce qui est normal, le film laissant la place à l’interprétation) c’est que c’est génial. Un véritable kundélitch cinématographique.

Je souffre à relire la critique de Murat dans Télérama “Ce pourrait être du Tchekhov. C'est du Nietzsche “ non, non et non. Ce film n’est pas à ce niveau, peut-être le critique a-t-il projeté ses désirs sur ce film, mais c’est pur fantasme. Je l’invite à s’émerveiller s’il le souhaite sur le côté artistique les dessins de Dora l’exploratrice, il y verra sans doute un véritable Gauguin en animation fantastique. Les Teletubies ne sont-ils pas une allégorie positive des cavaliers de l’Apocalypse, après eux plus rien, magnifique encore. Et ne parlons pas non plus de Jean-Luc Reichman qui vaut bien Molière par sa qualité du comique (ah Victor Sauvage puisse tu revenir à l’antenne pour satisfaire nos bons critiques).

Je suis extrêmement lassé d’observer le manque d’ouverture et de fait de distinction de ces personnes, qui pensent tenir le tout Paris artistique dans leur main. Hélas cette autosatisfaction et ce manque d’ouverture tue le réel talent créatif et porteur. Un chef d’œuvre se doit d’être universel, ce n’est pas le cas de ce film qui est ne vous y méprenez pas un bon film, qui fonctionne, où on ne s’ennuie pas vraiment ou pas longtemps, mais ce n’est pas un chef d’œuvre. Ce film est sans doute dimensionné pour un public parisien qui s’est perdu dans son jugement afin de se croire plus intelligent et plus au centre du monde qu’il ne l’est. Ce film n’est pas Bregmanien non plus, quel besoin de toujours vouloir ressortir des noms qui font bien, c’est un film de Desplechin où l’on retrouve son style et certaines appétences, un film de famille bourgeoise, bo-bo et un peu snob. Ah oui, j’imagine que de mettre cette maison bourgeoise à Roubaix et de filmer deux barres d’immeuble devait être rassembleur. Je n’en suis pas dupe. Du vent.

Si vous ne l’avez pas vu, pourquoi pas mais ne faites pas comme moi ne vous attendez pas à voir LE film de votre année.

Monsieur Murat au plaisir de vous éclairer sur ce qu’est le monde en dehors de Paris et d’Hollywwod.

Le retour des champignons - éloge de l'attention

Il y a plusieurs années de cela, une conversation entre l'hôtelier qui m’hébergeait et l’un de  ses amis m’avait profondément marqué d’où mon billet la sagesse des champignons.
En proie à la frénésie du travail, au rythme parfois quasi insoutenable je me suis mis récemment à fantasmer sur un rythme plus lent et ces champignons me sont revenus à l’esprit.
Une angine  a cette fois eu raison de ce rythme trop pressé. Obligé de se calmer donc, ne pouvant faire autrement que d’essayer tant bien que mal d’enlever une par une  les aiguilles qui assaillirent ma gorge la nuit précédente. Me voilà donc à faire l’éloge d’une certaine lenteur. Plus précisément d’une certaine attention qu’on doit porter au monde. Car la vitesse c’est subjectif.
La lenteur pour moi pourra vite correspondre à l’état du plus grand stress auquel a été soumis un professeur qui fit toute sa carrière dans la fonction publique à 18 heures par semaine. Non pas que ce ne soit pas du travail, ni difficile, au contraire, mais le rythme n’est pas le même. Ces personnes ont du temps à gaspiller à s’attarder sur des choses d’une absurdité sans nom comme de faire des votes sans fin pour savoir si la serrure des nouveaux casiers de la salle des profs doit mieux être à gauche ou à droite de la porte, les un disant oui mais moi je prends mon café de la main droite, et moi ma cigarette de la gauche, alors comment je fais ?
A cela, en son temps, le temps où l’on fumait dans les salles de profs, j’aurais répondu, avec tes fesses ! Aller on met ça à droite un point c’est tout pour faire avancer les choses. Bien sur la majorité des professeurs étant à cette époque de gauche, on aurait hurler:” Facho, collabo, et la gauche alors ? Tu crois qu’elle est morte ? Elle est au pouvoir maintenant avec Mitterrand ! Ahaha vous l’avez eu dans le cul comme tu disais !”. Bref, à droite et puis c’est tout.
Mais ces gens là ont du temps et l’utilisent souvent mal. Ces remarques sont considérées comme sérieuses, s’en suivent des débats, des votes, des manifestations, des grèves, des menaces, des bombes placées sous le véhicule de l’intendant qui n’en peut mais, la bombe éclate et souffle par la même occasion le stock des nouveaux casiers qui étaient entreposés sur la place vacante de l’intendant adjoint, qui fut quant à lui victime d’un empoisonnement par les professeurs de chimie du dernier étage pour avoir osé leur commander des becs Bunsen (ces savants professeurs ayant toujours gardé au plus profond de leur cœur une dent contre l’Allemagne, bien qu’ils mirent leurs enfants en Allemand première langue, l’éducation n’a certes jamais été à un compromis près). Affaire close, argent publique gaspillé mais climat social apaisé. La repentance sera faite aux obsèques, c’était un homme droit (sans doute un peu trop pour y mettre de ce côté les serrures), il avait certes des allures fières, mais cela se comprend, il gérait la bourse, ne le fait pas qui veut. On pleurera un coup, et puis on passera à un autre problème, bien plus grave, devons nous ou non placer la machine à café à l’entrée ou à la sortie de la salle des profs. Après de maints échanges, des menaces, le proviseur ayant reçu la protection des forces de l’ordre, les clans s’accorderont sur le fait qu’il n’y a à vrai dire qu’une porte qui remplit les deux fonctions, et que donc les deux sont possibles, mettons donc la machine aux deux endroits. Le nouvel intendant par mesure d’auto protection demandera alors s’il faut bien commander deux machines à café.

Revenons à mon temps, à notre temps aujourd’hui. Bien loin des ces années 80 aux pulls débardeurs jacquards, nous sommes dans la décennie de la LED, des écrans et de l’information à tout va et sans arrêt. Ecran à LED, ampoule LED, c’est des fois laid mais pas possible d’y échapper. Tout ça pour ? Et bien tout connaître, tout avoir en temps réel même les choses les plus insignifiantes qui sont de réels polluants et freins au développement de la pensée.
Imaginez vous le pied que c’est de pouvoir suivre le tweet de Katy Perry annonçant à l’heure du goûter avoir mangé une banane - tous le bénéfice de cela : premièrement plus besoin d’éduquer les enfants, fini les campagnes onéreuses sur 5 fruits et légumes par jour. Katy mange une banane, trop ouf, aller je vais en acheter deux kilos. Pour les producteurs martiniquais, pareil, la publicité est faite. En revanche effet collatéral néfaste sur les media érotiques, les jeunes adolescents pourront se passer de commander un film X sur la VOD ou de passer en kiosque regarder les pages de Playboy. On ne peut pas gagner sur tout mais c’est déjà pas mal grâce à moins de 150 caractères.
La technologie, l’instantané c’est génial non ?!

Trève de plaisanterie et pour éclaircir mon point de vue cette instantanéité tue hélas notre attention, notre réel
désir de connaissance et d’approfondissement. Je peux tout savoir donc je ne sais rien réellement est la nouvelle devise dominante. Que vais-je m’embêter à apprendre alors que l’information est quelque part, regarde, en deux seconde je te dis que Trostky s’appelait Lev Davidovich Bronstein. Et qui était-il ? Bah je viens de te le dire. Et encore ? Alors, Lev Davidovich Bronstein dit Trostsky né en l’an … D’où un manque d’attention, une frénésie et une impression d’être dans le mouvement alors qu’in fine, rien ne se passe dans le cerveau de ces followers.
De plus le risque est la qualité de l’information disponible et son manque de profondeur. Si demain quelqu’un écrit Trostky fut un terroriste soviétique et c’est pour cela qu’il fut éliminer par Staline qui voulait pacifier le pays. Le lecteur s’arrête là, ne clique pas sur les hyperlinks qui mènent vers des centaines de milliers de documents illustratifs, véridiques, montrant les photos avant et après trucage, blablabla et passe à côté de l’histoire. La propagande gagne, non parce qu’elle existe encore, mais parce qu’on ne prend plus qu’une bribe d’information, la première, celle qui va nous être utile de suite, et que la masse disponible d’information est comme un magma dangereux dans lequel il peut paraître suicidaire de s’aventurer tant il est volumineux. Trop d’information peut tuer l’information. Je n’en suis pas fier de celle-là je vous promets et pourtant.

L’un des principaux danger vient du fait qu’en ligne l’éditeur est en partie mort et absent. On passe vite, on a tellement d’informations à connaître, un éléphanteau est né en captivité dans le zoo de Bali, bravo, les Australiens ont entièrement rénové l’opéra de Sidney, visite de Zinédine Zidane dans les banlieues de Marseille, saviez vous qu’on peut maigrir en se brossant les dents !!! Snif, snif, snif, on avale, mais on ne vomit hélas pas. En tout cas pas en direct. Ca rentre, pourrit, et puis vous contamine l’esprit, les idées ne sont plus claires, on s’improvise commentateur d’information, mais d’informations inutiles.

“ Il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose”. Blaise Pascal (1623-1662).
Les détracteurs de cet article pourrait reprendre cette citation à leur compte mais attention aux dates. Oui, c’est ça, le 17e. A l’ère d’internet cela ne fonctionne plus, car c’est trop. Attention, cette citation à un réel sens valable encore aujourd’hui mais le tout disponible est simplement devenu bien trop large. Pascal ne devait pas consommer de kiwis en buvant un sencha, en lisant un ouvrage sur le manchot d’Antarctique tout en regardant une émission télévisée sur le robot envoyé sur mars alors que son épouse lui demande s’il faut opter pour la géothermie ou le solaire, et qu’il enfile ses chaussures en gore-tex. Encore que, cela est gérable, mais peut-être que tous les esprits n’ont pas cette disponibilité car engorgés par d’autres pensées imposées.  Reprenons s’il vous plaît le temps de s’attarder pour ne pas oublier de comprendre, d’aller plus en profondeur et nous trouverons de plus beaux et plus nombreux champignons. Enfin vous voyez où je veux en venir, ou presque ?
To be continued.



dimanche 6 janvier 2013

Découverte de l'univers culinaire d'Yves Mattagne

Alors voilà, je sais qui est Yves Mattagne, enfin au travers de ses restaurants. Certes pas tous mais déjà trois d’entre eux, plus une expérience orchestrée par son atelier il y a quelques temps. Mauvais souvenir d’ailleurs d’une chute sur du verglas, voilà ce qu’il me reste de cette soirée, pour le reste c’était du tape à l’œil, du m’as-tu vu sans beaucoup de goût. C’est vrai que le cadre jouait aussi sans doute en la défaveur du repas.
Plus récemment c’est donc le restaurant Yu Me qui m’a nourri. Enfin, nourri il faut s’entendre. J’ai commencé par tester le Me, brasserie chic. Le cadre est assez sympa, le service correct, on ne peut espérer moins d’un lieu sous la houlette d’un chef en vogue qui a par ailleurs deux étoiles Michelin pour son restaurant à poisson du centre de Bruxelles. Ici, on a des frites en cornet, j’ai mangé un poisson poché au lait, bon dans l’ensemble, sauf qu’une partie devait être hors du liquide pendant la cuisson car totalement crue, bien dommage, car côté tarif là ce n’est pas un prix à demi. Le dessert sur une base de banane et de chocolat était tout de même remarquable. Puis quelques mois plus tard ce fut le tour du Yu, à l’étage du Me, qui est cette fois-ci un restaurant lounge asiatique. Attention, tout est dans le titre, c’est lounge, vous êtes dans un canapé, petite table basse, une seule assiette qui vous accompagnera du début à la fin, on mange avec les doigts ou les baguettes. La décoration en tant que telle est vraiment réussie, en revanche vous payez plus le cadre que les plats. Beaucoup de petits plats, tempura, poissons crus à la japonaise, et quelques pièces plus travaillés comme un Bœuf, petite portion, prix cependant élevé, qui est bon. On n’est pas dans de la grande cuisine, bien loin, c’est bon certes, après il faudrait que ce soit 1.5 à 2 fois moins cher pour vraiment valoir le coup, sauf bien entendu si vous faites partie de ceux qui s’en font jeter plein les yeux et qui ont un palais grossier, et vu le taux d’occupation du lieu, ça ne manque pas. Donc oui pour les m’as tu vu ? Pour les gastronomes, non, ou en tout cas pas en priorité.
Avec ces expériences je commençais à prendre Mattagne pour un business man ayant délaissé la qualité au profit du nom et du marketing, un peu comme le second de Gusto qui prit les reines du restaurant à la mort de ce dernier et qui faisait des plats pour chiens, encore merci à Rémi et Luigini. Je dérape, oui, désolé, c’est sans doute le fait de regarder Ratatouille tous les week-ends avec mon fils qui m’influence.
Rien de tel que d’aller au donjon pour connaître l’histoire du château, tiens ça pourrait devenir un dicton médiocre, alors me voici au Sea Grill, restaurant deux étoiles Michelin, sis en plein centre de Bruxelles dans un hôtel.
L’hôtel vaut déjà le détour, avec un puits d’espace qu’on n'aurait osé imaginer à cet endroit, des ascenseurs à l’américaine. Le restaurant est au fond, entouré d’un cours d’eau artificiel où naviguent des poissons qui doivent être bien heureux d’être à cette place et non en cuisine. Et puis nous voici dans le lieu. Sans doute le point faible du restaurant pour l'obtention d’une troisième étoile Michelin. Dans un hôtel moderne d’un grand centre ville pas évident que le lieu s’y prête naturellement. On reste dans des espaces plutôt géométriques et logiques, même si les concepteur et décorateur se sont donnés du mal. La décoration est sobre. Il y a de l’espace, en revanche pas de fenêtres.
Ca s’affaire autour de nous, ça défile, nous sommes dans l’axe de la sortie de cuisine, dommage, du coup on voit l’effectif, ça défile, j’aurais tendance à dire à manquer de discrétion mais ma vue directe sur l’entrée des cuisines explique cela. A part ce point particulier, très professionnel, présent, pas d’erreurs, on est dans la haute exigence.
Et le repas, le plus important tout de même. Cela restera un grand souvenir, une extrêmement belle expérience, plein d’inattendus, de finesse, de goûts, de techniques et de chaleur. Pour goûter l’expérience à fond, nous sommes partis sur le menu dégustation, nous faisant certes passer à côté des quelques grande références présentes seulement à la carte comme le homard bleu à la presse. Mais aucune déception sur notre choix. Commençons par les délicatesses qui plantent le décor. Le Sea Grill est donc un restaurant où la mer est à l’honneur, mais ces plats ont une modernité d’alliances, d’influences notamment asiatiques, de contrastes, saisissants. Les sens sont en éveil dès le début, le sucré, l’acide, l’amer se jouent de nous. Ils se croisent, se répondent, se quittent, se retrouvent pour exploser en bouche. La Daurade Coryphène à l’eau d’Huîtres, Saké, Yuzu (agrume asiatique), Wakamé (algue), … annonce le ton de la complexité, de la finesse. Les papilles vont bien. L’explosion fut pour moi les Langoustines, Carottes, Piment, Fruit de la passion, Caramel, Cacahuète, Sésame et une sauce magistrale. Il y avait tout dans ce plat. Le Saint-Pierre (photo) suivant, avec encornet, ail d’ourse, citron confit et Chorizo, traité comme une viande, avec la chaleur de la sauce était tout en force, impressionnant. Vint la viande avec le veau, tout de même, on sait aussi bien les cuire ici même si on n’oubliera pas de les associer avec une béarnais de Homard et cèpes, excellente.
Les desserts étaient très élégants, frais et goûteux. Avec tout cela certaines trouvailles du sommelier valent le détour comme ce Viré-Clessé du Domaine Guillemot-Michel qui fut la meilleure découverte (en association avec le Saint-Pierre). A la fin l’amabilité du service nous convia à un tour des cuisines, où dernier service de la semaine oblige, l’ambiance était à la fête. Un grand moment, et la logique voudrait que ce restaurant obtienne très vite sa troisième étoile.