dimanche 15 septembre 2013

Le retour des champignons - éloge de l'attention

Il y a plusieurs années de cela, une conversation entre l'hôtelier qui m’hébergeait et l’un de  ses amis m’avait profondément marqué d’où mon billet la sagesse des champignons.
En proie à la frénésie du travail, au rythme parfois quasi insoutenable je me suis mis récemment à fantasmer sur un rythme plus lent et ces champignons me sont revenus à l’esprit.
Une angine  a cette fois eu raison de ce rythme trop pressé. Obligé de se calmer donc, ne pouvant faire autrement que d’essayer tant bien que mal d’enlever une par une  les aiguilles qui assaillirent ma gorge la nuit précédente. Me voilà donc à faire l’éloge d’une certaine lenteur. Plus précisément d’une certaine attention qu’on doit porter au monde. Car la vitesse c’est subjectif.
La lenteur pour moi pourra vite correspondre à l’état du plus grand stress auquel a été soumis un professeur qui fit toute sa carrière dans la fonction publique à 18 heures par semaine. Non pas que ce ne soit pas du travail, ni difficile, au contraire, mais le rythme n’est pas le même. Ces personnes ont du temps à gaspiller à s’attarder sur des choses d’une absurdité sans nom comme de faire des votes sans fin pour savoir si la serrure des nouveaux casiers de la salle des profs doit mieux être à gauche ou à droite de la porte, les un disant oui mais moi je prends mon café de la main droite, et moi ma cigarette de la gauche, alors comment je fais ?
A cela, en son temps, le temps où l’on fumait dans les salles de profs, j’aurais répondu, avec tes fesses ! Aller on met ça à droite un point c’est tout pour faire avancer les choses. Bien sur la majorité des professeurs étant à cette époque de gauche, on aurait hurler:” Facho, collabo, et la gauche alors ? Tu crois qu’elle est morte ? Elle est au pouvoir maintenant avec Mitterrand ! Ahaha vous l’avez eu dans le cul comme tu disais !”. Bref, à droite et puis c’est tout.
Mais ces gens là ont du temps et l’utilisent souvent mal. Ces remarques sont considérées comme sérieuses, s’en suivent des débats, des votes, des manifestations, des grèves, des menaces, des bombes placées sous le véhicule de l’intendant qui n’en peut mais, la bombe éclate et souffle par la même occasion le stock des nouveaux casiers qui étaient entreposés sur la place vacante de l’intendant adjoint, qui fut quant à lui victime d’un empoisonnement par les professeurs de chimie du dernier étage pour avoir osé leur commander des becs Bunsen (ces savants professeurs ayant toujours gardé au plus profond de leur cœur une dent contre l’Allemagne, bien qu’ils mirent leurs enfants en Allemand première langue, l’éducation n’a certes jamais été à un compromis près). Affaire close, argent publique gaspillé mais climat social apaisé. La repentance sera faite aux obsèques, c’était un homme droit (sans doute un peu trop pour y mettre de ce côté les serrures), il avait certes des allures fières, mais cela se comprend, il gérait la bourse, ne le fait pas qui veut. On pleurera un coup, et puis on passera à un autre problème, bien plus grave, devons nous ou non placer la machine à café à l’entrée ou à la sortie de la salle des profs. Après de maints échanges, des menaces, le proviseur ayant reçu la protection des forces de l’ordre, les clans s’accorderont sur le fait qu’il n’y a à vrai dire qu’une porte qui remplit les deux fonctions, et que donc les deux sont possibles, mettons donc la machine aux deux endroits. Le nouvel intendant par mesure d’auto protection demandera alors s’il faut bien commander deux machines à café.

Revenons à mon temps, à notre temps aujourd’hui. Bien loin des ces années 80 aux pulls débardeurs jacquards, nous sommes dans la décennie de la LED, des écrans et de l’information à tout va et sans arrêt. Ecran à LED, ampoule LED, c’est des fois laid mais pas possible d’y échapper. Tout ça pour ? Et bien tout connaître, tout avoir en temps réel même les choses les plus insignifiantes qui sont de réels polluants et freins au développement de la pensée.
Imaginez vous le pied que c’est de pouvoir suivre le tweet de Katy Perry annonçant à l’heure du goûter avoir mangé une banane - tous le bénéfice de cela : premièrement plus besoin d’éduquer les enfants, fini les campagnes onéreuses sur 5 fruits et légumes par jour. Katy mange une banane, trop ouf, aller je vais en acheter deux kilos. Pour les producteurs martiniquais, pareil, la publicité est faite. En revanche effet collatéral néfaste sur les media érotiques, les jeunes adolescents pourront se passer de commander un film X sur la VOD ou de passer en kiosque regarder les pages de Playboy. On ne peut pas gagner sur tout mais c’est déjà pas mal grâce à moins de 150 caractères.
La technologie, l’instantané c’est génial non ?!

Trève de plaisanterie et pour éclaircir mon point de vue cette instantanéité tue hélas notre attention, notre réel
désir de connaissance et d’approfondissement. Je peux tout savoir donc je ne sais rien réellement est la nouvelle devise dominante. Que vais-je m’embêter à apprendre alors que l’information est quelque part, regarde, en deux seconde je te dis que Trostky s’appelait Lev Davidovich Bronstein. Et qui était-il ? Bah je viens de te le dire. Et encore ? Alors, Lev Davidovich Bronstein dit Trostsky né en l’an … D’où un manque d’attention, une frénésie et une impression d’être dans le mouvement alors qu’in fine, rien ne se passe dans le cerveau de ces followers.
De plus le risque est la qualité de l’information disponible et son manque de profondeur. Si demain quelqu’un écrit Trostky fut un terroriste soviétique et c’est pour cela qu’il fut éliminer par Staline qui voulait pacifier le pays. Le lecteur s’arrête là, ne clique pas sur les hyperlinks qui mènent vers des centaines de milliers de documents illustratifs, véridiques, montrant les photos avant et après trucage, blablabla et passe à côté de l’histoire. La propagande gagne, non parce qu’elle existe encore, mais parce qu’on ne prend plus qu’une bribe d’information, la première, celle qui va nous être utile de suite, et que la masse disponible d’information est comme un magma dangereux dans lequel il peut paraître suicidaire de s’aventurer tant il est volumineux. Trop d’information peut tuer l’information. Je n’en suis pas fier de celle-là je vous promets et pourtant.

L’un des principaux danger vient du fait qu’en ligne l’éditeur est en partie mort et absent. On passe vite, on a tellement d’informations à connaître, un éléphanteau est né en captivité dans le zoo de Bali, bravo, les Australiens ont entièrement rénové l’opéra de Sidney, visite de Zinédine Zidane dans les banlieues de Marseille, saviez vous qu’on peut maigrir en se brossant les dents !!! Snif, snif, snif, on avale, mais on ne vomit hélas pas. En tout cas pas en direct. Ca rentre, pourrit, et puis vous contamine l’esprit, les idées ne sont plus claires, on s’improvise commentateur d’information, mais d’informations inutiles.

“ Il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose”. Blaise Pascal (1623-1662).
Les détracteurs de cet article pourrait reprendre cette citation à leur compte mais attention aux dates. Oui, c’est ça, le 17e. A l’ère d’internet cela ne fonctionne plus, car c’est trop. Attention, cette citation à un réel sens valable encore aujourd’hui mais le tout disponible est simplement devenu bien trop large. Pascal ne devait pas consommer de kiwis en buvant un sencha, en lisant un ouvrage sur le manchot d’Antarctique tout en regardant une émission télévisée sur le robot envoyé sur mars alors que son épouse lui demande s’il faut opter pour la géothermie ou le solaire, et qu’il enfile ses chaussures en gore-tex. Encore que, cela est gérable, mais peut-être que tous les esprits n’ont pas cette disponibilité car engorgés par d’autres pensées imposées.  Reprenons s’il vous plaît le temps de s’attarder pour ne pas oublier de comprendre, d’aller plus en profondeur et nous trouverons de plus beaux et plus nombreux champignons. Enfin vous voyez où je veux en venir, ou presque ?
To be continued.



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