lundi 23 juillet 2007

"Poker Face"

Qui n’a pas déjà senti, en négociation commerciale, un énorme doute devant les arguments de son interlocuteur ? « Qu’est ce qu’il me raconte, est-ce possible qu’il ait réellement une offre aussi avantageuse de la part de mon concurrent ? Qu’est ce que je fais maintenant ? Je m'en tiens là et je lui dis tant pis, ou je me couche et le laisse avoir les 10 % qu’il me demande ? Et pourtant mon produit est le meilleur, ou se pourrait-il qu’il ait encore mieux ? Possible ou pas ? »

Ces petites réflexions, qu’on soit commercial, acheteur professionnel ou simple citadin devant une quelconque négociation, nous les avons tous eu un jour. Le mot qu’on ne peut alors pas s’empêcher d’employer est bien celui de bluff. Et là on pense tout de suite au poker. Mais le bluff n’est pour moi qu’un des nombreux éléments qui lie ce jeu de cartes à notre vie de tous les jours.
Vous l’aurez compris j’ai succombé à cette vague effervescente de la poker-mania. J’avais bien joué quelques fois au poker étant étudiant mais il ne s’agissait que de poker fermé, qui se révèle bien différent du Texas Hold’em No Limit. Cette variante est sans aucun doute le poker le plus spectaculaire. Pour les non-initiés, je vous invite à visiter ce très bon site d’amateurs : http://www.wam-poker.com/ .
Ce poker n’est plus celui des arrières salles crasseuses, réservé à des caïds exhibant leurs liasses de billet, mais bel et bien un jeu de stratégie où les probabilités et les analyses psychologiques font part égale.
As-tu en effet un jeu plus gros que le mien ?
C’est la question qu’on doit se poser devant toute négociation.
Si vous êtes le leader sur le marché, que les concurrents sont à des années lumières technologiques, et que vos prix sont à peine plus chers, vous serez alors dans la position de celui qui touche un carré, qui peut certes être battu mais dont les chances de gagner sont monstrueuses. Dans ce cas, comme au poker, on peut (/doit) être sûr de soi et tout miseret faire en sorte de gagner un max.
Quand on a du gros jeu, c’est toujours plus simple. Mais pas besoin d’un carré pour emporter la partie. Dans ce jeu comme dans la vraie vie, vous ne savez pas ce que l’autre a réellement en main mais vous pouvez en déduire les probabilités si vous avez bien étudié son comportement et analysé sa façon de jouer. Mais lui non plus, à vous de bien cacher vos émotions.
Si vous êtes 30% plus chers sur le marché, que vous le savez mais que vous êtes presque certains que c'est vous qui avez la meilleure solution pour ce lient (que personne n’a une meilleur main sur cette partie) à vous de ne pas vous coucher et de suivre. Evidemment, on ne peut pas éviter les « bad beats » (mauvais coups) et de se faire battre, alors que vous aviez un full aux rois par un carré sorti sur les deux dernières cartes. Ca peut toujours arriver, mais sur l’ensemble des coûts, sur l’ensemble de vos négociations, bien jouer vous permettra de sortir gagnant.
Alors regardez les parties commentées par des experts, vous verrez que les plus grands pros comme Daniel Negreanu (photo) sont impressionnants et capables de lire à travers les cartes. En plus de la technique et des probabilités qu’ils maîtrisent à 100%, le moindre clignement d’œil, ton de voix qui change, ils analysent tout. C’est bluffant !
Je me suis déjà mis en condition comme si j’étais à d’une table. Evidemment en négociation le jeu n’est que très rarement dévoilé mais j’ai eu réellement l’impression que cela m’aidait, pas de budget mon œil !
Je suis certain qu'adopter cet état d'esprit, analyser tous les petits gestes en essayant de comprendre ce que veux nous faire croire l’autre est excellent pour tout acte commercial, ça ne suffit pas c’est certain mais cela peut permettre de gérer des situations tendues avec plus de sérénité. Ca émeut toujours de faire tapis, comme de claquer la porte d’un entretien en restant sur sa position (ça ou rien ?), mais c’est réellement cela qui fait la joie du jeu et du métier. Et puis si vous avez bien tout analysé et que vous le sentez, pourquoi ne pas faire tapis avec un 3 et 5 dépareillés et empocher le deal !

mercredi 18 juillet 2007

Mais où est le sens ?

Les media commencent à en parler et les élus à s’en préoccuper. Aujourd’hui on peut lire dans le Monde : « Un ouvrier de 55 ans travaillant sur le site du constructeur automobile PSA de Mulhouse (Haut-Rhin) s'est pendu, lundi 16 juillet, dans un atelier. Cela porte à cinq le nombre de suicides de salariés de cette usine, dont deux à l'intérieur. », c’est tout de même assez terrorisant.
La question n’est pas de savoir si cette personne s’est donné la mort suite à des traumatismes professionnels ou personnels mais toujours est-il que le phénomène de souffrance psychologique au travail s’accentue de plus en plus, ou du moins, la prise de conscience de celui-ci. Le travail à la chaîne est clairement traumatisant et il est fortement compréhensible que dans une société qui prêche le pouvoir de l’argent, du paraître et du sexe pour mieux asservir ses troupes, une tâche répétitive et insensée soit difficile. Il paraît clair aujourd’hui que la course à la productivité et aux réductions de coûts ne va pas sans pertes, dans un premier temps les répercussions étaient des pertes d’emplois, augmentation drastique du chômage au sein de certaines catégories socioprofessionnelles mais ce second impact qui larve le monde de l’entreprise me paraît bien plus dangereux. Si avoir un travail est déprimant, démotivant, cassant tout ce sur quoi repose notre société capitaliste est bel et bien en péril. La France qui travaille, ceux qui se lèvent tôt … et bien il y a du boulot, c’est pas gagné.
Le pire c’est que ce phénomène ne touche pas seulement les ouvriers à la chaîne, les frustrations sont sans doute différentes, de même que les impacts, mais ce mal-être se retrouve aussi dans d’autre catégories jusqu’aux cadres (les plus touchés semblent être les 25-35 ans), qui malgré de bonnes formations et un avenir vendu comme prometteur ont le mal du travail. En regardant vite autour de moi il m’apparaît que plus de la moitié des mes amis ou anciens camarades de promo ne se sentent pas bien dans leur environnement de travail, et dont une bonne partie sont en proie à la mélancolie et pire.

Pourquoi ? C’est un peu la question à 10 000$. Si vous avez la réponse magique envoyez moi un mail, un commentaire mais ne me laissez surtout pas avancer à tâtons dans ce monde sinistre.
Une des raisons les plus plausibles selon moi est le manque de sens, de pourquoi, quel est le but de ce travail. Au sein d’une chaîne de montage on comprend bien le problème de sens qui peut exister si le travail de valorisation des employés n’est pas fait correctement, ce qui est hélas souvent le cas.
Dans d’autres fonctions au sein de sociétés internationales, le travail peut être si segmenté, si hiérarchisé et si contrôlé qu’il est très dur de donner du sens à sa tâche. Ce contrôle extrême, qui bloque le plus souvent les initiatives et cantonne les employés à leur strict devoir opérationnel, les recrutant pour leur matière grise mais leur imposant de la laisser au placard dès leur entrée en service, est un stigmate du monde capitaliste et de l’exigence du cours de l’action.
Où est le long terme, je dirais même où est le moyen terme ?
Des sociétés semblent s’en contreficher ouvertement et c’est bien souvent celles ou les phénomènes de démotivation se font le plus sentir. Il n’y a que très peu de mercenaires au sein des employés. Le sens, une relative sécurité, l’engagement mutuel et la confiance, la possibilité d’entreprendre et de développer ses qualités et savoir-faire, tout ça a une énorme importance. Il suffit de consulter un quelconque ouvrage de management pour voir ces notions rabâchées, pire il suffit de lire une offre d’emploi pour se rendre compte que les services Rh ont bien appris leurs leçons, mais qu’en est-il une fois dedans !?
C’est souvent bien triste et pour l’employé l’entreprise devient vite synonyme de presse-citron plutôt que de lieu d’accomplissement et c’est en cela que réside le problème. L’entreprise est de moins en moins vue comme un lieu d’épanouissement. Les méthodes d’une bonne partie des managers en place peuvent être remises en cause, certains ne se sont pas renouvelés et utilisent malheureusement les fausses promesses et l’autorité comme arme absolue mais ce n’est plus possible aujourd’hui.

Si j’avance que l’autorité est morte (pas le temps de développer ici) j’espère ne choquer personne. Je nuance tout de même, ces dernières décennies ont célébré le déclin de l’autorité, particulièrement en France. Le président nouveau a basé sa campagne sur un changement de cette tendance, nous verrons.
Toujours est-il que devant la rapidité des changements et leur succession l’autorité perd de sa superbe, les managers tournent, s’en vont, en cas de rachat il y a très souvent nouvelle donne ; il est dérisoire d’imaginer que tout homme est capable d’obéir corps et âmes à un nouveau chef tous les ans. Il faudrait passer à un mode de gestion plus participatif, au lieu d’un management direct le coaching participatif accompagne des success stories en montrant le sens de l’action et en ne l’imposant pas.
Quand je pense qu’il existe encore des managers qui imposent les objectifs aux forces commerciales sans consulter ces dernières et en décidant cela à la grosse louche, le chemin est encore long pour bien des entreprises. Il n’y a pas de recette magique, mon point de vue est qu’on ne peut plus imposer, qu’on doit faire participer et présenter à chacun le poids qu’il va avoir dans la réalisation des objectifs de la société. Envoyer un mail à l’ensemble des salariés en les félicitant des magnifiques résultats part d’une bonne intention mais mieux vaut y préférer des attentions managériales participatives de tout les jours, à tous les niveaux hiérarchiques, reconnaître l’autre en tant qu’individu unique et pas comme un simple rouage, lui faire partager sa vision et la vision de la société, en gros communiquer, souvent et honnêtement en écoutant toujours et encore.