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mercredi 27 mars 2019

2018 – Deuxième partie de mon année gastronomique - Belgique, Bordelais et San Sebastian


Alors j’avais laissé mon récit d’expériences en Italie à Bologne au mois de juin 2018.

Bruxelles et ses environs :
L’été arrivant ce fut l’occasion de découvrir quelques nouvelles adresses à Bruxelles et dans ses environs. La première non loin du Châtelain est hélas fermée depuis. La Maison Blanche se voulait branchée et offrait des croquettes et notamment un plat de joues de bœuf cuites à basse température plusieurs jours délicieuses. Le service se voulait arrogant, je me la pète, est-ce cela qui tua le restaurant ou le modèle économique, ou une décision stratégique des actionnaires je n’en sais rien, mais dommage de voir un établissement à la cuisine intéressante disparaître aussi vite.

Plus stable et qui vaut le détour, le restaurant d’Alain Bianchin à Overijse, qui détient un macaron Michelin totalement mérité. Le chef avait déjà obtenu l’étoile à la Villa Lorraine et une fois mission accomplie était parti en proche périphérie pour faire une table selon ses envies. Une bien belle table, sans fioriture, certes sur des bases classiques solides mais en finesse. Les produits sont identifiables et mis en valeur, les dressages sont comme il faut et surtout les goûts sont au rendez-vous. L’entrée sur les tomates anciennes et glace burrata était somptueuse. Parfait accord entre fraîcheur, acidité, légère sucrosité relevée par des herbes et fleurs. Un thon aux notes fumées maîtrisées suivait ensuite. Le chef est un homme de produit, un travailleur qui ne fait pas dans le chi chi, au franc parler, on sent un fort caractère qui sait par ailleurs servir un menu calibré et équilibré. Une table de très bonne facture, qui mérite sa distinction sans problème, et même si je n’y suis allé qu’une fois, l’impression est que cette bonne expérience vécue n’est pas le fruit du hasard. Je dirai un restaurant une étoile plus.

En périphérie toujours mais plus au nord, dans la bourgade de Duffel (qui donna son nom au célèbre manteau Duffelcoat, si si ce n’est pas une blague) se trouve la table doublement étoilée de Thierry Theys, le restaurant Nuance. Egalement le classement Michelin me paraît tout à fait justifié. On est ici sur certains plats dans le magique. Se dégage de ce restaurant un très beau niveau de raffinement, en salle comme dans l’assiette. Le chef a travaillé sur la maîtrise et la limitation des matières grasses et ne s’en sert pas pour camoufler ou booster certains de ses plats (alors que pour faire manger des épinards aux enfants, rien de plus simple, les cuire croquantes et y mettre plein de beurre, c’est irrésistible, mais certes peu diététique). Le travail est fort présent, certains plats comme ce foie gras (fourré dans une coque de chocolat blanc) et abricot sont réellement géniaux. Une langoustine puis une volaille tout en finesse. De la fraîcheur et de l’acide (c’est la grande tendance) mais pas trop, ici on ne brûle pas vos papilles en vous disant que c’est le caractère du chef et que c’est comme ça (aberrant mais arrivé très récemment au restaurant La Canne en ville qui malgré quelques beaux plats ne mérite de ce fait aucune recommandation). Je ne vais tomber dans le travers stéréotypé de dire que c’est une cuisine très féminine, mais disons que la sensibilité du chef transparaît, une sensibilité qui se développe dans l’harmonie. Les produits sont beaux et associés à merveille, il peut y avoir du cru mais l’idée du menu que nous avions n’est pas de laisser le client seul avec son produit quitte à en être choqué parfois. C’est très travaillé, c’est bon, et le moment est génial. Le service était très gentil et faisait l’effort de parler français. Le sommelier était passionné et passionnant, attention car il aime partager et donc même si vous prenez un forfait Bob (demi-verres), l’enthousiasme aidant, il vaut mieux prévoir tout de même un Bob 100% pour rentrer sans mauvaise blague. C’est mon gros coup de cœur de haute volée en Belgique de l’année . Petit bémol, cette expérience se paie, donc prévoir le coup, mais ça le vaut vraiment.

Table non étoilée, mais pas inintéressante que celle du Sanzaru à Bruxelles (avenue de Tervueren). Il s’agit ici d’une cuisine du monde particulière, la cuisine Nikkei : qui vient de chefs Japonais émigrant au Pérou et travaillant les produits de ce pays sud-américain avec leurs techniques et leur rigueur. Ce restaurant occupe la place de l’ancienne brasserie bi-polaire d’Yves Mattagne (YU / ME). Le style et l’accueil se veulent branchés, les cocktails valent la peine (notamment celui au Mezcal fumé). Ensuite les plats sont de type fusion avec des goûts tranchants, acide, fumé. Bref ce qui est dans la mode et que j’aime bien. Mon bœuf fumé au malt de whisky était vraiment top. Ensuite attention, les plats sont à compléter par des accompagnements si vous voulez ne plus avoir faim du tout, et si l’on prend tout en compte, cocktail, puis entrée et plat et accompagnement on s’en tire pour une addition qui n’est pas loin d’une table étoilée. C’est sans doute un peu cher pour dire que c’est un bon plan, mais les goûts sont là, donc ce n’est pas une erreur d’y aller, vous y trouverez du plaisir, ensuite en rapport qualité prix il y a sans doute plus intéressant. Mais on va dire qu’ici on paye l’originalité.

Enfin pour terminer les tables remarquables que j’ai eu l’occasion de visiter, il y a le Bozar Restaurant. C’est j’avoue un restaurant sur lequel je lorgnais depuis longtemps, depuis la découverte (visuelle) du pâté en croûte champion du monde 2015 du chef Karen Torosyan. Vaut-il mieux être champion du monde de pâté en croûte ou champion du monde de foot ? Disons que cela mérite débat et j’espère que Thibault C. aura pu se consoler en allant goûter à la généreuse cuisine de ce chef hautement sympathique. Le menu (le plus court) offre un rapport qualité prix de très belle facture. Je m’attendais à être bluffé par les croûtes, mais c’est bien la finesse de l’ensemble qui me surprit agréablement. L’entrée sur sardines et tomates, le lapin et le dessert chocolat étaient très très bons. Pour le pâté en croûte j’en avais tellement fantasmé que j’ai été surpris par sa finesse, redéfinissant mes référentiels en la matière. Ce n’est pas le bon gros gras qu’on pourrait attendre mais une alliance de viandes cuites à la perfection, surprenant d’équilibre. D’autres pièces de bravoure telles que le bœuf Wellington, le pithiviers,  le millefeuille ont l’air de valoir le déplacement mais elles sont à commander à l’avance.  En plus de cela le chef est extrêmement gentil. J’y étais en famille et cela s’est très bien passé mais peut-être que la salle offre un cadre moins feutré et moins adéquat pour un dîner en amoureux que d’autres plus cossus.

Bordelais  :
Une escapade de deux jours dans le Bordelais, ça ne peut jamais faire de mal. Halte idéale sur le trajet de vacances estivales au Portugal nous avons pu profiter de deux restaurants agréables.
Le premier est un resto / Bar à vin de la ville de Saint-Emilion. Chai Pascal qui offre un plat du jour de très bon rapport qualité prix que l’on accompagne volontiers d’un vin choisi dans la longue liste de vins au verre de Saint-Emilion proposé. J’optai pour la Lamproie, plat typique endogène composé d’un poisson de type anguille mariné dans une sauce au vin rouge et poireaux confits. Très bon, le poisson garde de la mâche. Les salades étaient aussi tout à fait belles. Un restaurant qui n’a pas de terrasse mais la climatisation (utile en canicule) et très légèrement en dehors de la cohue. Pour ceux qui n’y ont jamais mis les pieds, Saint-Emilion est une ville qui vaut le détour même si on aime pas le vin. La ville faite de pierres est jolie et fort pentue, des cloîtres, des églises et un parcours sous-terrain très sympa. Les enfants se sont régalés à faire un jeu de piste qui nous permit de voir tous les points d’attentions de la ville. 
Un peu plus au sud dans le Sauternes, plusieurs châteaux ont ouvert des restaurants de bon standings ou carrément gastronomiques (comme Lafaurie Peyraguey dont le restaurant possède désormais une étoile), notamment le Château Guiraud, premier domaine dans l’appellation à s’être engagé dans le Bio et qui offre en plus d’une belle visite des caves, un visite des jardins, des vignes et une explication sur le dynamisme biologique du lieu. La Chapelle de Guiraud est le restaurant avec une terrasse et une vue magnifique sur les vignes. Il offre le midi un menu du marché très abordable et de qualité, ce qui permet de s’offrir quelques millésimes au verre du Sauternes. Une bonne combinaison que cette visite et ce déjeuner.

San Sebastian :
Petite excursion d’une journée, ce n’est pas assez pour y multiplier les expériences mais il faut dire que même s’il fut bref, ce passage me permit de découvrir la passion des basques pour leur gastronomie, entre les pintxos, petites miniatures d’accords de mets (des tapas mais en fin et gastronomique) proposés par les bars à pintxos et restaurants, les restaurants et les produits du coin, c’est un régal.
Une superbe expérience avec un menu (du soir) avec un rapport qualité prix difficilement égalable, 18€ pour entrée-plat-dessert, eau et une demie-bouteille de vin par personne. Sur le vin rien de génial mais franchement correct et les plat sur la base d’un œuf parfait, de la joue en sauce, et une brioche perdue (torrijas) du cru étaient vraiment bons. Il s’agit du restaurant Morgan dans le vieux centre.

Concernant le reste il y a le Portugal, avec  pas mal de choses à dire surtout sur Lisbonne. Tout comme sur Venise où j’ai passé des jours géniaux. Ces destinations méritent un billet à elles seules, donc encore un peu de patience pour que je termine 2018. Pour vous rassurer, certaines raisons m’ont fait m’éloigner quelque peu de mon intérêt gastronomique, donc les prochains résumés seront plus lights. 

lundi 4 mars 2019

2018 - Résumé d'une année gastronomique première partie


Si je veux me tenir à laisser quelques commentaires et conseils sur mon année gastronomique je me rends compte qu’il vaut mieux couper en deux car ça pourrait faire un peu long et indigeste, ce qui serait un comble. Certes les quelques amis qui me suivent ont l’impression que je ne fais que ça de ma vie  d’aller dans de bons restaurants, j’aimerais certes bien même si je ne suis pas convaincu d’avoir l’endurance physique nécessaire hélas. Alors voilà tout de même les quelques moments dignes d’intérêts qui ont émaillé mes 6 premiers mois de l’année 2018.

A Bruxelles :
Gramm nous avait enthousiasmé et même si j’avais confirmation de la qualité du lieu pas quelques amis y étant allés entre-temps je n’ai pas résisté à la tentation dès la reprise de janvier d’aller vérifier et de voir quelle impression allait se dégager de ce bis repetita. Et bien aucune déception, même si certes moins surprenant une seconde fois. Le menu était toujours très équilibré, avec des belles idées et de l’inattendu. Un œuf parfait qui vaut toujours la peine d’être rajouté au menu, un cabillaud génial et un dessert à l’ananas et poivre de Timut qui était à tomber. Coup de cœur confirmé. Entre temps un couple d’ami s’y est rendu et était également conquis, mais avec une nuance, la quantité semblait limite (je n’avais pas du tout eu cette impression lors des deux soirées, mais je suis intéressé si vous avez d’autres retours de la sorte).
On ne pourra hélas pas parler de cette année sans les grandes disparitions notamment celle de Paul Bocuse au mois de Janvier. J’y étais allé en 2011 (article ici) et j’avais eu la chance de voir Monsieur Paul qui faisait le tour des tables et ne perdait pas l’occasion, malgré son âge avançant déjà, d’avoir l’œil et la répartie vive, échangeant avec nous quelques mots sur le vin que nous avions sur table, un Côte Rôtie de chez Jamet dont il approuvait totalement le choix.

En hiver toujours les hasards et les évènements m’ont amené plusieurs fois à déjeuner au café Victor, restaurant sis au Palais Bozar et qui est non loin du restaurant étoilé de Karen Tsakaryan. Brasserie soignée, certes pas donnée, les plats sont goûteux, j’ai eu une légère sensation de trop peu (on y revient) mais à part ça c’est une bonne halte ou un point couru à juste titre pour un déjeuner de semaine ou un avant / après concert.

A Leuven :
Le Bistro Tribunal est un lieu sympa où l’on peut choisir sa pièce de viande dans le frigo destiné à cet effet. C’est bon, ils ont si je ne me trompe un bib michelin ou sont dedans, c’est mérité et c’est un spot qui paraît fiable à Leuven.

A Reims :
En cette année, j’avais envie de profiter des quelques moments exclusifs pour me refaire plaisir, et donc comme je l’avais fait avec Gramm retenter une deuxième visite, cette fois-ci à l’Assiette champenoise d’Arnaud Lallement à Reims (Tinqueux). Déjeuner dans un autre contexte, à une autre saison, et même constat, repas génial, avec un chef toujours à la pointe de la générosité, une entrée à base d’asperge et de jaune d’œuf totalement magistral. Ce restaurant mérite réellement le déplacement (ce n’est que 2h30 de route de Bruxelles pour info). C’est une cuisine qui me parle beaucoup, des beaux produits évidemment comme dans tout restaurant auréolé de trois macarons par la guide Michelin, et une approche respectueuse qui va rehausser les produits avec des pointes d’assaisonnement plus modernes (recherche d’accords de poivres). Les accords champagnes notamment celui d’une raviole d’arachide au verjus avec un Veuve Cliquot millésimé qui était sur l’acidité était monstrueux. L’entrée avec les asperges vertes de saison et l’œuf était magique, le gâteau de volaille somptueux et le dessert citron en trompe l’œil une merveille. Comme quand on voit un film pour la deuxième fois, l’effet de surprise étant passé, la critique peut se faire plus acérée. Ici, un nouveau bonheur et l’envie d’y retourner encore une fois.

En Bretagne :
Je ne vais pas mentir, une des motivations pour aller passer une semaine de vacances à Cancale était la présence d’Olivier Rollinger, et de ses établissements. Une envie de jeunesse avec comme cible la table du Château de Richeux, le Coquillage, table simplement étoilé (qui a eu sa deuxième dans le guide 2019, aller je me fais une petite fleur, j’avais annoncé que le menu dégusté était largement d’un niveau deux étoiles) certes alors qu’il fut un trois étoile dans plus médiatiques, et tenue par son fils Hugo. Cancale est une petite ville idéale pour y passer quelques jours et profiter de très bons mets, l’huître de Cancale (creuse – les plates étant réintroduites au fur et à mesure) se déguste sur le port même, pour quelques euros seulement un plateau de 12 ouvertes, on jette les coquilles vides dans la mer à marée haute, et sur des tas formant des contreforts nacrés à marée basse. C’est tellement frais, prélevées le matin même, c’est iodé, c’est un régal.

Des crêperies évidemment il y en a et ça fait toujours du bien, notamment le Ty Skorn qui est une crêperie qui travaille dans le respect des terroirs et avec des produits durables. En revanche celle du Breizh Café, qui possède une table étoilée à l’étage n’est pas immanquable. C’est cher, certes c’est fait avec une angle différent mais est-ce vraiment meilleur, pas certain.

Après être passé dans les boutiques d’épices de Saint Malo et de Cancale, il fallait donc goûter ces fameuses épices d’Olivier Rollinger sur les plats. Le Coquillage est sis dans une très belle demeure entourée de beaux jardins donnant sur la baie de Cancale (et du Mont Saint-Michel au loin donc).
Le grand menu offert par cette demeure corsaire est à base de fruits de mer, coquillages et crustacés. Une Saint-Jacques de fond d’une incroyable fraîcheur avec un goût beurré et de noisette, dû à l’ouverture minute, des langoustines magistrales et un oursin et jaune d’œuf à pleurer de bonheur. Le restaurant propose également un menu enfant d’un rapport qualité prix enthousiasmant pour les plus jeunes (et même si on le servait aux adultes). Le service est attentionné sans être guindé. On sent qu’il y a à la fois de la maîtrise liée à l’expérience du père mais aussi de la jeunesse et de la fougue grâce au fils qui tient maintenant les cuisines. En arrivant dans le domaine, nous avons eu la chance de saluer Olivier Rollinger et d’échanger quelques mots, invitant les enfants à aller découvrir le domaine, la ferme et les animaux. Pour terminer le repas, un grand charriot de dessert avec des services minutes (profiteroles) est rassasiant et gourmand (il faut goûter le Paris-Cancale). Un endroit qui vaut le voyage à lui seul pour résumer.

A Paris :
Et puis quelques semaines plus tard, le père Noël mit en place son cadeau, ce qui allait être un des dîners les plus luxueux et les plus somptueux chez Guy Savoy à l’hôtel de la Monnaie. Le restaurant était élu une deuxième fois par le classement la Liste, meilleur restaurant du monde (il vient de l’être une troisième fois). N’étant pas au fait de la destination jusqu’au dernier moment, je fus saisi par l’entrée majestueuse de l’hôtel de la monnaie, un escalier aux larges colonnes et tapis rouge, le calme absolu, et puis une porte, dans un style ancien mais neuve qui s’ouvre automatiquement sur une comité d’accueil avec en première ligne le chef lui-même au large sourire, à la veste d’un blanc immaculé et à la barbe bien taillée. Surpris et surtout ravi de le voir car peu de temps (quelques jours) avant je suivais son périple dans la délégation du Président à Washington. L’endroit est très luxueux, refait à neuf et composé de salons, ayant chacun sa décoration propre et sa vue. Cette séparation permet au restaurant d’accueillir jusqu’à 100 convives sans donner l’impression de taille. Le grand menu en 12 services offre d’incroyables émotions. Le style est assez marin mais tout en finesse, pas de violence ni d’iode cinglante ici mais une multitude de petites notes qui sont en harmonie et offrent au palais une douceur, une longueur et une profondeur incroyables. Le service est très précis et sait s’adapter, l’un des anciens de la maison d’origine berlinoise, Hubert si je me souviens bien jouant quelques blagues avec son accent notamment.

Les assiettes sont très complexes et l’on comprend pourquoi ils sont une cinquantaine en cuisine, c’est bluffant quand on y pense, mais on n’y pense plus tellement c’est bon. Il y a l’emblématique soupe d’artichaut truffe noire et parmesan avec sa brioche et beurre truffé qui est en effet, à tomber, tellement gourmande, un délice absolu. Avant et pour débuter les huitres froides et condiments, les pommes de terres au caviar et sabayon avec une présentation joueuse (le sabayon étant mis dans un œuf, cassé tout juste devant pour le service), le filet de saint pierre, le multicolore de légumes avec un travail bluffant, le saumon cuit sur glace et cette cannette maturée, une des meilleurs viandes que j’ai pu manger, tout ça accompagné du Riesling Osterberg 2012 de chez Kientzler. Les desserts très aériens, sur le miel et le chocolat, la rhubarbe et le brocciu et enfin le chariot de dessert en prime. Nous n’avions plus faim c’est certain. Moment réellement magique, alors oui ça coûte un bras, mais c’est bien meilleur à manger.

Bologne : week-end idéal pour prendre le temps de vivre et profiter de la meilleure cuisine italienne.
Dur d’attribuer à une ville le titre de capital de gastronomie Italienne tant la botte est pourvue de cuisines locales qui servent toutes des plats sublimes. Lors de différentes discussions j’avais pourtant retenu que s’il devait y en avoir une, ce serait Bologne d’où en partie la raison d’y passer un week-end. Bologne n’est pas une ville gigantesque mais assez grande et pourvue d’histoire pour y passer plusieurs jours sans se lasser. La taille permettant de tout faire à pied (mais prévoir de bonnes chaussures car on a vite fait de marcher plus de 15 kms en une journée). Comme dans d’autre villes l’aperitivo est de mise, vous prenez un verre et un buffet de bruschetta s’offre à vous gratuitement, les vins de la région sentent le soleil et les tartines sont aux saveurs du sud, tomates, huiles d’olives aux bonnes touches amères, et la charcuterie magique du coin (mortadelle) et d’un peu plus loin (Parme). Un des endroits comme la Bella Vita non loin de la Piazza Maggiore est parfait pour commencer la soirée (peu cher). La première soirée c’est l’Osteria Bartolini, plus excentrée non loin de la Basilica di San Francesco, dans un décor soignée qui nous ouvrit les yeux sur les prix pratiqués à Bologne dans la restauration. Ce restaurant à poisson était bien dans le ton de ce qu’on allait voir n’offrant que très peu de plats ayant des prix à deux chiffres ce qui me valut l’incompréhension du serveur quand je lui demandai combien de plats il fallait prendre par personne (croyant que c’étaient des tapas et que l’on devait en prendre plusieurs pour constituer un repas). Des grillades, des fritures de poissons, des pâtes de la mer délicieuses et des desserts typés pas loin du niveau de restaurants gastronomiques.
Entre autres, grosse émotion sur des Gramignia con Salsiccia (pâte mi-longues creuses au milieu comme des coquillettes avec une garniture à la chair de saucisse) à tomber, un pur bonheur et qui vaut presque le déplacement à lui seul à l’Osteria Del Cappello, restaurant simple mais de qualité. Et autre coup de cœur pour La Sberla Bistrot où les deux propriétaires, le mari en cuisine et la femme en salle, parlent très bien français ayant travaillé plusieurs années en France. C’est donc de la cuisine bolognaise avec des influences françaises, cela fait une association rêvée avec des assiettes goûteuses et structurées. Des poissons cuits parfaitement, des gnoccis à la ricotta de fou, tout cela avec de bon conseils sur les accords mets et vins. C’est un peu plus cher, mais ça garde un rapport qualité prix inédit en Belgique.
D’autres petits bonheurs comme l’espresso à 1€ à l’Antico Caffé Scaletto où l’on sent le cœur de la ville battre, les pâtisseries et les pâtes de Paolo Atti e Figli et les assiettes de dégustations de chez Tamburini. Un vrai bonheur pour la bouche. Côté culturel il y a de quoi faire, côté shopping également et côté gastronomique c’est le pied, c’est une ville où l’on se dit que c’est difficile d’y manger mal. Il y a un vol de Zaventem qui part le vendredi après-midi et retour dimanche après-midi, parfait pour un bon week-end.

To be continued avec encore quelques étoilés en Belgique, du pâté en croûte champion du monde et Belge (comme quoi c'est possible - spéciale dédicace à Thibault C.) et un périple à Venise avec de belles découvertes.

jeudi 4 janvier 2018

2017 - Résumé d'une année gastronomique.

L’année passée, 2017, je n’ai pas pris le temps d’écrire sur les expériences gastronomiques. Alors pour ne pas oublier ces bons moments et pour conseiller les quelques fidèles du blog voici un peu dans tous les sens un résumé de ces expériences pour la plupart réjouissantes. En pleine saison de la truffe, il me fallait enfin passer la porte de la Truffe noire à Bruxelles, c’était l’hiver dernier. Accueilli par son chaleureux et maniéré propriétaire j’y ai passé une bonne soirée. Evidemment beaucoup de truffe. D’un point de vue culinaire c’était bon mais c’est tout de même la truffe qui l’emporte et qui fait s’envoler l’addition. Comme souvent lorsqu’on traite ce type de produits la question se pose de savoir si l’addition en valait la peine. Moment cependant feutré et agréable.

Ce même hiver, dans les Alpes pour se réchauffer de la neige / pluie glacée un bon dîner aux Cornettes à la Chapelle d’Abondance fut de mise. Rien de gastronomique ici mais une bonne pension à l’ancienne. Le rapport qualité prix du menu est à souligner. C’est certes rustique mais les portions sont réellement généreuses et j’ai trouvé qu’il y en avait beaucoup dans l’assiette pour notre argent, avec de bons produits. A faire donc si vous y passez.

Entre deux trains j’ai également apprécié pour une halte rapide la brasserie de passage lancée par Thierry Marx à la Gare du Nord de Paris, l’Etoile du nord. Le service y était très courtois et le cadre offre un moment de paix dans le tumulte des flux de personnes et de trains. Idéal pour un petit en-cas, certes sans doute 10% plus cher que les voisins en face de la gare, mais c’est assez goûteux et avec des produits qui paraissent de qualité, c’est soigné. Bien entendu, vérifier si cela tient la durée (rien à voir avec les macarons).

Revenons à Bruxelles. Le restaurant Alexandre, tenue par l’ex-femme du candidat Top Chef Alexndre Dioniso qui opère à la Villa in the Sky qui obtint  à ma réelle surprise une deuxième étoile, lui n’en a plus d’étoile. Il pourrait très bien la reprendre pourtant. Cette catégorie des restaurants avec une étoile est tellement large qu’elle réserve des surprises, bonnes et beaucoup moins parfois. Ici, pas de tromperie, c’est bon. Un plat (filet de sole) même aurait pu figurer dans un tout grand restaurant.

A la mode et avec un concept sympa de bols, le Restaurant San Sablons à Bruxelles (il y en a également un rue de Flandres), ouvert par le chef doublement étoilé de l’Air du temps, San Degeimbre, offre un menu qui se mange à la cuillère. C’est bien fait et assez goûteux, les plats sont soignés, de belles touches. Cependant, même si c’est bon j’ai trouvé que la magie n’opérait pas. Est-ce réellement le format idéal pour prendre son pied. L’enchainement des plats était-elle la meilleure ? C’est très bien attention, mais l’on va dire pas mon préféré de l’année.

D’autant qu’il souffre de la comparaison avec mon coup de cœur de l’année, fait quelques jours avant. Gramm, situé lui rue de Flandres à Bruxelles et qui s’il n’est pas étoilé offre toute une palette de découvertes qui font du bien. L’impression de déjà-vu est le pire qui puisse arriver lorsque vous décidez de casser la tirelire pour faire un restaurant gastronomique. Ici aucune chance, on sent que la créativité déborde des assiettes et pour un prix réellement intéressant quant à la qualité des plats (menu à 49€). L’association avec des vins « nature » est très bien faite. Et ces plats, j’en ai encore l’eau à la bouche.Ces carottes dans la crème de vieux comté (si je ne me trompe), et cet œuf (à prendre en plus mais allez-y c’est magique). Le lieu ne se la raconte pas, c’est plutôt à la cool tout comme le chef nippon-breton d’origine. A la base un artiste qui s’est mis dans la cuisine. Du très bon goût, et des dispositions intéressantes. Certains amis y sont ensuite allés et en sont ressortis enchantés. J’ai hâte d’y refaire un tour. Erwan Kenzo Nakata a d’ailleurs reçu le prix du jeune chef de l’année de la région par Gault&Millau.

Le Café des spores, si vous aimez les champignons, c’est bon. Mais pas besoin d’en dire plus.
Un petit tour sur l’île d’Islay en Ecosse, réputée pour ses whiskies, notamment tourbés m’a également égayé les papilles. Certes les whiskies, mais aussi des plats copieux avec des produits locaux. Alors si vous y allez (on ne peut s’y rendre par hasard) c’est bel et bien pour les distilleries. En quelques mots, c’est génial ! Les gens sont accueillants et la bonne humeur règne. Certaines sont mieux armées que d’autres pour accueillir les touristes. Sans doute la visite de Laphroaig est-elle la plus complète, ils produisent un volume conséquent et maltent encore 20% de leur orge eux-mêmes. Vous pouvez même aller couper la tourbe le matin à 09h00 arrosé d’un brut de fût, le Cairdeas du Feis Isle de l’année, bu en botte sous la pluie, top. Belle expérience. Pour déjeuner dans la zone le restaurant d’Ardbeg est très bien. Je me souviens encore de ce cheese-cake chocolat blanc parfumé au Ardbeg Dark Cove. La visite également est très généreuse en terme de dégustation – les touristes allemands qui léchaient le comptoir après avoir renversé du Supernova Committee release 2015 ne peuvent dire le contraire. Toutes les distilleries ont leur charme. Une mention spéciale à cette dégustation et accords chocolat whisky chez Caol Ila. Ce chocolat noir citron vert avec la Caol Ila Moch, mais quelle expérience, la tourbe et le citron vert, je n’aurais parié dessus, mais là, pfiou un délice. L’hôtel restaurant de Port Askaig a lui tout un charme désuet, on se croirait bel et bien 40 ans en arrière, avec la vieille dame qui boîte et qui vient apporter vos plats avec un large sourire. Le bar est digne d’un film de pirates et les plats servis au restaurant sont réellement rustiques, mais tellement généreux. Ce n’est pas donné, comme partout en Ecosse, mais le nombre de coquillages ou crustacés de la pêche du jour qu’ils vous mettent dans l’assiette est impressionnant. Et si vous êtes très gourmand, le dessert traditionnel Cranachan est à prendre (sans doute mieux vaut-il le partager à deux), c’est de la crème, du miel, du whisky et des fruits rouges pour la bonne conscience et la fraîcheur acide.  Si l’attente n’avait pas été siiiiii longue j’aurais aussi mis quelques lignes de plus sur le Ballygrant hôtel, les plats y sont bons et ils ont toutes les bouteilles possibles sortant d’Islay, mais le service une catastrophe, dommage pour ce lieu qui fut élu whisky bar de l’année 2015. En parlant de whisky bar de l’année, celui de 2016 est the Pot Still à Glasgow et il vaut le passage, avec un dram of the day très attractif (le jour où j’y étais c’était un Old Pultenney à moins de 3 pounds le verre).

A Bruxelles, le restaurant étoilé Wine in the City ne manque pas d’originalité de par son cadre. Il est en effet sis à l’intérieur d’un caviste et vous dinez au milieu des bouteilles qui sont classées par type d’accompagnement (viande rouge, dessert, etc …). Il est intéressant de prendre évidemment l’accompagnement de vins avec des belles découvertes. Un rapport qualité prix tout à faire honnête pour ce niveau et les vins dégustés.

Autre coup de cœur gustatif, mais moins gros que Gramm car ne bénéficiant pas du même rapport qualité prix, c’est le restaurant Racines non loin de la place Flagey à Bruxelles. Quand vous entrez, ne faites pas demi-tour c’est bien là, le tout commence par une épicerie puis une cuisine, la salle est à l’arrière. C’est une cuisine très goûteuse et chantante. Les vins associés étaient réellement de très haut niveau avec de très beaux accords. Les produits, pour arriver à de tels goûts, sont comme en Italie dans les petits villages lorsque vous tombez sur un restaurant pépite. La cuisine est engagée niveau goût et c’est vraiment bon. Attention à l’addition cependant.

Un passage en Toscane cet été et là on réalise qu’on y mange très bien et pour des prix bien inférieurs à la moyenne de ceux pratiqués en Belgique, et dans une moindre mesure en France. De très bonnes expériences par ci par là. A San Gimignano il y a le double champion du monde de glaces - la Gelateria Dondoli et j’ai mangé un steak fumé magique au Peruca Ristorante. A Tavernelle Val di Pesa, la Fattoria est un restaurant de campagne qui cuit la viande à la braise dans une grande et ancienne cheminée ouverte, les côtes de sangliers et la côte de veau sont à tomber. Plus au sud, à Montepulciano la visite des caves qui pour certaines datent des étrusques (Ricci) vaut le détour tout comme le petit bar à vin E Lucevan le stelle pour y boire un verre et y manger une salade en terrasse. A Arezzo le restaurant sur la belle place que l’on retrouve notamment comme décor du film La vie est Belle, La Lancia d’Oro est très chic, avec des tables sous les arcades et un service attentif, mais attention aux prix élevés avec un service en sus. Pour finir sur une touche sucrée ce récit d’escapade dans la région du Chianti, la Gelateria dei Neri à Florence vaut les 5 minutes de marche depuis la sortie de la Galerie des Offices. Côté vin, c’est tellement peu cher par rapport à la Belgique et la France, un exemple, le premier soir dans une bonne pizzeria de village, La Fornace à Tavernelle,  nous prenons une bouteille d’IGT à 14€, je parle bien d’une bouteille de 75cl, à 14€ dans un restaurant. Et quand je l’ai goûté, j’eus un sourire bête étant certain qu’il ne pouvait s’agir que d’une erreur car le vin était très bon. Si vous en trouvez un jour il s’agit d’Il Corzanello de la Fattoria Corzano e Paterno à San Casciano (leur chianti est aussi très bon).

De retour à Bruxelles avec l’institution qu’est le restaurant Comme chez Soi. C’est plus espacé qu’à l’époque, ils ont supprimé quelques tables et ça en devient plus agréable. Lionel Rigolet tient toujours ses deux étoiles dans un registre relativement classique. Sans doute que ce soir-là j’aurais aimé plus de surprises, mais c’est ici simplement une histoire de goût. C’est très précis, les assiettes sont à la fois très jolies et très équilibrées. Dîner très classe. Mais (et je suis loin de connaître leur critère) je ne le vois pas repasser trois étoiles, et peut-être ne le cherche-t-il pas.

Autre restaurant gastronomique, certes pas étoilé mais qui en a le prix, Bouchéry. Il y a du bon, même parfois du très bon. Oui il pourrait être étoilé. Mais je garde une réserve. Disons que ce n’est pas l’endroit à prix plus ou moins équivalent où j’ai eu le plus de plaisir. Après il faut bien entendu faire attention aux jugements liés à une seule expérience. On voit que ce restaurent veut épater, d’ailleurs c’est très présomptueux de la part du service de dire en vous installant : «  vous allez vivre une expérience extraordinaire et découvrir des choses… », ils ne savent pas si ils n’ont pas un chef multi étoilé en face, résultat il n’y a qu’un aliment, un chou fermenté que je n’avais jamais goûté, donc dois-je considérer avoir été subjugué ? Bah non, promesse non tenue ! Et puis des petites erreurs d’exécution, rien de bien important, mais des petites amertumes désagréables sur une cuisson, un aliment mal assaisonné, des équilibres qui ne le sont pas et on se dit, que finalement, plus d’humilité dans l’approche  du restaurateur et le prix ou plus de perfection dans l’exécution sont nécessaires.

Et enfin, sans doute l’apogée de mon année 2017 en termes d’émotions gastronomiques. L’Assiette Champenoise à Reims (Tinqueux très exactement pour les puristes). C’est le top du top. C’est tellement bon et gourmand. A l’image du chef qui est venu plusieurs fois nous rendre visite tout sourire. Il est certain que les menus ne sont pas sponsorisés par Weight Watchers mais quelle claque. Ces tomates et eau de tomate purifiée servie dans une flûte, chaque tomate étant fourrée différemment, venant d’un maraîcher local l’alimentant lui principalement et quelques autres grands chefs comme Gilles Goujon (si je ne me trompe), et ces encornets à la brisure de brioche et ces sauces (aux coquillages sur les encornets, au poivre sur le poisson, …) et la suite également avec une tourte de viande héritée du père et un citron en trompe l’œil très goûteux en dessert. Un vrai délice. Ces petites casseroles de sauce laissées sur la table, que nous mangions à la cuillère, quel bonheur, et sans aucun doute quel travail, je n’ose imaginer combien de réductions nécessaires pour arriver à de tels résultats. Comme l’a dit lui-même le chef lorsque nous essayions de comprendre : « Laissez tomber la technique, profitez ». Arnaud Lallement est un grand chef, qui tient de l’aubergiste bonhomme tout comme du perfectionniste et du travailleur de l’ombre. Du talent, du goût et de la bonne humeur. Un de mes meilleurs repas. A refaire (à bon entendeur …).

Cela fait déjà assez pour cet article, si certains veulent en savoir plus sur Islay, le Chianti et Montepulciano qu’ils me contactent directement.  Pour résumer, si vous voulez bien manger à Bruxelles allez chez Gramm et faire un des meilleurs restaurants au monde allez à l’Assiette Champenoise à Reims (du moins dans mes découvertes 2017).


mercredi 22 mars 2017

Hommage à mon ami Pierre Zuber, le caviste qui faisait aimer la bière et la vie

Hommage à mon ami Pierre Zuber, décédé ce dimanche 19 mars 2017.
La première fois que j’ai vu Pierre je ne savais pas ce qui m’attendait, ni que ça allait devenir l’un de mes points d’ancrage à Bruxelles, ni l’ami par qui naîtrait une passion contagieuse jusqu'à tous mes amis.
C’était en 2004 lors d’une balade dans le centre ville de Bruxelles, il était encore à son ancienne adresse, de l’autre côté de la grand place si l’on compare à sa dernière installation dans le haut de la rue des Bouchers. J’avais dû acheter, encore novice en la matière une Saint Bernardus et une Gulden Draak ou quelque chose du genre. Et puis quelques mois se sont passés, j’ai quitté Bruxelles, puis suis revenu l’année d’après pour m’y installer jusqu’à aujourd’hui. Avec Jérôme  nous arpentions à l’époque la cave du Delirium Café qui était encore bien souvent vide, nous allions au Moeder Lambic qui était encore encombré de toutes ses vieilles bandes dessinées et des ses bouteilles vides exposées comme des trophées. 

Nous avons donc rencontré Pierre à la recherche d’un lieu de découverte et ce devint vite le lieu d'un rendez-vous extrêmement fréquent. Sa boutique et lui nous aimantaient. Pierre était et restera dans les cœurs LE caviste à bière de Bruxelles. 
Dans les hommages post-mortem il est tellement fréquent de dire du bien des gens fraîchement disparus que cette généralité pourrait déforcer mon message, il m’incombe donc d’insister et de témoigner. Pierre est sans doute l’une des personnes les plus gentilles, douces et à l’écoute des autres qu’il m’ait été donné de rencontrer. C’était un commerçant magnifique, et pas dans le sens d’être un bon commercial, ça, la rentabilité, la performance ce n’étaient pas sa préoccupation. Il avait une telle générosité que même si vous n’aimiez pas la bière en ressortant de sa boutique, vous ne pouviez que  ressortir conquis. Il pouvait vous parler deux heures avec le sourire même si vous n’achetiez rien, chez lui aucune animosité. Sa boutique, même si l’agencement s’est amélioré grâce, je l’ai toujours suspecté, à l’apport d’une touche féminine, était faite de brics et de brocs. On se faufilait entre les casiers en attente de délestage. 
Je me souviens que lors de nos discussions qui duraient des heures, je l’aidais discrètement à avancer les bouteilles de ses rayons pour qu’elles prennent place aux premiers rangs désertés par l’achat des clients de la journée, ou peut-être même de la veille. Ces étagères en bois brut et un peu branlantes, je les connaissais par cœur. 

Un de mes premiers souvenirs marquant, fut lorsque nous achetèrent avec Jérôme (qui fut caviste par la suite à son tour) notamment une Oude Kriek de chez Boon, la couleur de cette bière ... Mais il faut tout replacer dans le contexte, Pierre était un pionnier. Il aimait les produits et le travail des hommes derrière, il découvrait et faisait découvrir bien avant tout le monde. Même tout suisse qu’il était, il était plus belge que tous ceux que je pus croiser par la suite, et connaissais les produits et les brasseries sur le bout des doigts. Il faisait ses tournées au moins deux jours par semaine et allait à la source. Ce n’était à l'époque pas encore la grande mode dévastatrice des bières distinguées. Il ne thésaurisait d’ailleurs pas et n’exploitait pas ses découvertes ni les raretés pour faire de grosses marges, à l’inverse de certains scandaleux qui n’hésitaient pas, quand c’était encore possible, à piller Westvleteren et à vendre cela à prix d’or. 
Tous mes amis qui ont appris à découvrir la bière belge le doivent finalement à lui, ainsi que tous les excès qui purent s’en suivre. Sachant qu’à l’époque boire des bières qui titraient plus de 7° était très très rare en France, un bon nombre fut surpris.

Pierre était un bavard. Là je vois déjà ceux qui me connaissent se dire oula, si Philou dit ça, lui qui est déjà capable de tenir 2 heures sur n'importe quel sujet, ça devait être quelque chose. Et j’avoue, il me surclassait, à tel point que mon épouse, qui n’était encore que ma petite copine à l’époque voyait le traquenard arriver dès que nous nous rapprochions de la ruelle et essayait d'éviter le chemin qui s'achevait par deux heures de discussions sur la bière et autres sujets philosophiques ...
Je pense qu’il était quasi impossible de ne pas tomber sous son charme. J’ai du amener plus d’une cinquantaine de personnes chez lui et à chaque fois le même effet, ouaou trop génial. Je lui dois beaucoup, lorsque j’avais un coup de mou, il avait toujours la patience pour écouter et c’est moi qui prenait le rôle du bavard. J’en ai passé du temps dans sa boutique. Et hélas, ces dernières années, sa réduction d’activité due à sa maladie ainsi que l’éloignement naturel du aux petites nuisances et préoccupations d’une vie plus chargée de responsabilités de mon côté, ne m’ont pas permis de passer assez de temps avec lui. Nous nous étions promis comme il ne travaillait plus le dimanche d’en passer un ensemble en familles. 
Lorsque j’ai appris sa disparition lundi matin j’en fus choqué, je n’avais pas suivi le parcours des dernières semaines, et bien évidemment je m’en veux de n’avoir pas su être là. Je n’y peux plus rien sauf penser à sa compagne Ann et à sa très jeune fille Zoé. 
Heureusement me reste un nombre incroyable de bons souvenirs que j’espère pouvoir raconter à sa fille quand elle sera en âge de poser des questions et d’avoir des souvenirs. Vu le nombre de personnes que Pierre a marqué positivement, je me dis qu’elle aura une image d’un superman joyeux avec un tablier de caviste en guise de cape. 

Je me souviens du jour où il m’expliquait que ses tournées prenaient un temps fou car les brasseurs étaient trop bavards, là je ne sais plus si nous l’avons pensé juste très fort mais nous avions à l'esprit - "euh tu veux dire encore plus que toi ?" Je ne l’avais pas cru sur le coup et puis un jour je me suis embarqué avec lui pour faire une tournée, et c’est vrai que je ne sais si c’est lui qui générait le climat parfait pour parler, mais j’ai vu qu’il avait bel et bien raison. Il était dur de rester moins de deux heures chez un brasseur. Nous avions ramené à l’époque une étrange bouteille trouvée dans le fond du hangar d’un grossiste, une Lindemans Cassis vieille version brassée pour l’export, bière que nous bûmes quelques années plus tard et qui n’était pas si mauvaise. Mais côté coup de cœur C’est bien évidemment Pierre qui me fit découvrir les De Cam, Hanssens et Oude Beersel (ancien propriétaire), la GluhKriek de chez Liefemans, la Rochefort de Noël en magnum, la Lamoral D’Egmont, la Fantôme quand elle n’était pas loupée et tant d’autres merveilles, pour la plupart des versions éphémères que nous faisions vieillir.   
Avec son sourire, ses cheveux mi-longs plaqués de façon improbable il avait un style British, les fans de foot se souviendront qu’il était fan de Chelsea et qu’il prononçait le nom de son club favori avec un accent anglais tellement forcé. Dès lors, dès que j’entends dire Chelsea, je pense à lui.

Et puis c’est comme je l’ai dit grâce à Pierre que je pus devenir à un moment un vrai expert passionné de bière et animer notamment pour le mariage d’amis proches des séance de dégustation, des soirées de clubs d’anciens, etc …
C’est également lui qui m’aida pour mon mariage à trouver l’inspiration et le matériel de dégustation. J’ai une image de lui ce jour de bonheur, avec une veste saumon en train d’expliquer aux amis à sa table quelles étaient les deux bières que nous avions sélectionné pour accompagner le fromage (une Chimay rouge et une blanche de la brasserie Vandenbosche qui accompagnaient parfaitement les fromages sélectionnés, ces derniers en revanche je ne m’en souviens pas mais ils ont au moins servi de prétexte). Son visage s'illuminait, ses joues souriantes et qui me faisaient penser à celles d’un poupon rougissaient légèrement, et  ses yeux scintillaient quand il parlait de son sujet de prédilection. C’était un passionné passionnant qui inspira des vocations. Je me souviens encore d’une balade derrière les champs de l’auberge de Poteaupré alors que nous avions grâce à lui et au responsable commercial de Chimay visité l’abbaye, chaîne d’embouteillage mais aussi l’intérieur de l’abbaye ou la bière est réellement produite. C’est d’ailleurs ma consommation excessive de Chimay qui l’avait obligé à stopper le mini van, pour me laisser prendre l’air (seuls ceux présents sauront ce qui s’est vraiment passé). 
Je me souviens également de week-ends de la bière avec lui, de restaurants, de rencontres. C’était un fan du bon vivre, il avait passé son diplôme de cuisinier avec un stage notamment au fameux Restobières (ancienne adresse). Je suis aussi passé à la télé avec lui, pour une séance de dégustation dans l’émission Tournée Générale avec Ray Cox...
Pierre était devenu une institution à lui tout seul, une légende que j’espère il restera le plus longtemps possible. J’espère que certains brasseurs lui dédieront une cuvée, qu’on se souviendra de lui. En tout cas j’ai perdu un ami, quelqu’un qui faisait le bien autour de lui et qui était assez fort pour vivre en gardant sa gentillesse et sa bienheureuse naïveté. Quand il m’avait raconté la découverte de sa maladie il y mettait autant de gravité que le commun des mortels parlant de l’achat d’une machine à laver défectueuse. 

Il avait la grande classe, la classe des gens qui arrivent à garder le sourire. 

Pierre tu vas terriblement me manquer. 

mardi 22 novembre 2016

L'Arpège, Alain Passard

Alain Passard, Arpège, ça vous dit forcément quelque chose. Même si ce n’est pas le chef des plus médiatiques ni le restaurant où vont forcément les stars bling bling, un coin de votre tête vous dit, oui mais si ça me dit bien un truc … Et pour un restaurant qui fête ses 30 ans et ses 20 ans en tant que triplement étoilé c’est la moindre des choses. Pour faire vite, l’apparition du foin dans la cuisine, c’est lui, le corps à corps canard poulet c’est lui aussi, et surtout le développement de la passion du légume en cycle utra-court avec les deux (même trois maintenant)  jardins en région (comme l’on dit maintenant) qui alimentent tous les jours le restaurant avec des légumes de saison cueillis ou coupés le matin même c’est lui aussi. Aujourd’hui bon nombre de chefs à succès sont passés dans cette maison et font de belles carrières.
Alors oui, vous ne voyez pas souvent Alain Passard sur les plateaux télé, ni n’avez de brasseries disséminées partout sur le globe avec sa patte, mais ce n’est que pour mieux le trouver avec quasi-certitude en salle auprès de ses hôtes.

Un de mes amis étant fan et suivant le chef sans y être encore allé m’a convaincu d’y réserver et de se faire une soirée entre potes dans ce restaurant qui restera sans doute l’un de mes plus beaux souvenirs gastronomiques.
Je n’ai pas mis sur ce blog d’articles sur toutes mes expériences gastronomiques mais je commence à avoir un référentiel non négligeable au niveau des grandes tables en France et en Belgique et là je peux dire qu’on est dans la très haute gastronomie.

Nous voici Rue de Varenne, passant devant l'hôtel de Matignon et  voyant au coin de la rue attroupés un groupe de jeunes hommes à la porte, groupe voulant sans doute essayer de s’imposer sans avoir réservé (soit par bravade soit pas ignorance) et c’est le chef lui même qui les prend par l’épaule pour les éconduire avec toute la sympathie et la bonhomie d’un tenancier d’auberge où il fait bon vivre, leur indiquant un autre lieu dans les environs où il pourrait y avoir de la place. Au milieu de cette animation nous nous faufilons et entrons.

J’avoue avoir été surpris par la salle, car on y rentre directement, c’est assez serré, c’est Paris dans un quartier où même ici on ne peut pas se permettre de prendre trop d’espace. Le cadre est cependant très soigné avec des incrustations de Lalique dans les murs parés de bois, mais il est certain que ce n’est pas le cadre qui fait la légende du lieu. C’est juste ce qu’il faut.
Nous nous installons, il y a un grand nombre de serveurs et sommeliers, c’est très vivant, et le chef est donc bien là, dégageant à la fois une passion et une sympathie communicative.
La carte arrive, avec un menu découverte et un menu de légumes. En effet, si ce n’est pas malgré ce que pensent les mal-informés un restaurant seulement végétarien le travail des jardins et les produits arrivés cueillis le même jour sont l’essence et la particularité du lieu. Concernant les vins j’ai entendu et lu beaucoup de choses disant que c’était impayable, alors oui crevons l'abcès de suite c’est cher. Les menus complets des trois étoiles à Paris sont au minimum à 300€, on n’y coupe pas ici et pour le vin de très belles bouteilles se succèdent. Cependant nous avons réussi à nous faire plaisir avec deux bouteilles dans un budget tout à fait raisonnable pour la qualité, l’accord et le lieu.
Le service tout comme service excellent s’adapte à notre table et comprend que nous sommes là pour prendre du plaisir, qu’il n’y aura pas de snobisme déplacé et que nous n’économiserons pas nos “miams” et autres sons liés aux vifs plaisirs gustatifs.

En apéritif, le champagne blanc de blanc Terroirs d’Agrapart & Fils est un beau choix, choix certes d’une maison qui a le vent en poupe mais c’est frais et tendu.
Nous commençons avec un œuf chaud-froid 4 épices, et là, première claque, qu’est-ce que c’est long en bouche, ahah, un truc de dingue (pour vous plonger dans l’ambiance de notre table), c’est fou, ça reste, c’est bon, miam, et ce n’est que le début. Ensuite les Saint-Jacques en ceviche sont très élégantes avec un travail sur le cru (notamment de l’accompagnement de légumes finement taillés) et l’acide. Puis premier moment subjuguant et gourmand, plat en trompe l’œil avec des tagliatelles de céleri Monarch, on en aurait repris et repris. Les ravioles de légumes sont aussi à tomber avec un consommé extrêmement surprenant, à base de légumes racines, le résultat est étonnant (je n’ose laissé ici à quoi cela pouvait faire penser pour vous laisser la surprise). Le gratin d’oignon ensuite, extrêmement fin, au parmesan est un bonheur de gourmandise, on est bien, dans le chaud, dans le bon gras. Et puis clac, rattrapés par la patrouille, totalement rafraîchis par des petits poireaux parfaitement apprêtés et une émulsion d'huîtres. Ça contraste, ça tranche même, les papilles sont réveillées et l’on sent toute la force du poireau très croquant, sans aucune amertume, pur plaisir terre et mer. Et ce n’était que pour annoncer un des plus beaux moments, un tartare végétal fait de betteraves. En prenant la première bouchée la complexité du goût de la betterave convie à l’extase, on sent le fumé du bois de hêtre qui a caressé le légume pendant l’après-midi sans le choquer. Je ne vais pas tout décrire pour ne pas vous gâcher toute surprise mais c’est sublime. Le poisson ensuite a une texture ferme et jouissive, accompagné de petites pommes de terre à tomber ainsi que d’une purée de légume avec une longueur exceptionnelle encore une fois. Pour la viande nous avions demandé le corps à corps, c’est impressionnant.

Et les desserts, ce paris-brest à la crème de BIP (à vous de découvrir), non sucré de fait, un régal. Je pourrais encore écrire sur la pâte feuilletée, le plat crémeux et glacé très gentiment offert ainsi que des mignardises exquises, mais ce serait trop. Vous l’avez compris, un régal avec un service très sympathique et un chef d’exception de par son travail, mais aussi de par sa prise de conscience de la durabilité de l’écosystème et le changement de cap qu’il a osé faire début des années 2000. La terre nous offre de meilleur ce qui est de saison, et quand on voit à quel point sont magnifiés les légumes qu’il nous sert, on ne peut que le suivre. Cela fait une très bonne raison d’y retourner à une autre saison. Donc merci Chef pour cette belle découverte et ce régal et j’espère à bientôt.

lundi 20 juillet 2015

La Grenouillère d'Alexandre Gauthier - Montreuil


Récemment j’ai eu l’occasion de faire plusieurs découvertes gastronomiques intéressantes. Une grande table classique triplement étoilée, De Karmeliet à Bruges, une table de proximité ayant récemment pris un macaron, Le monde est petit à Bruxelles et enfin un restaurant improbable, situé à l’arrière d’une presse, De Maurice à Olivier, ayant lui un bib gourmand. Ce qui les lie, c’est ici le Michelin. Dans le premier, la table classique un peu froide cependant offre un menu très délicat et très bon. Savoir s’il tient bien son rang dans les trois étoiles, c’est moins évident, je ne suis pas critique gastronomique et encore moins du guide rouge. En tout cas le rapport qualité prix me semblait bon.
Pour le nouveau venu des étoilés, l’ambiance était très agréable et quelques très bonnes idées. La Pina Colada revisitée en dessert était parfaite. Mais on ne voit pas comment ce restaurant (et ne le veut-il pas sans doute) pourrait aller plus loin.
Pour finir, cette énigme, où ce restaurant caché en arrière salle offre malgré un service assez en retrait un menu dégustation au rapport qualité/prix difficilement battable. C’était très bon, sans doute au niveau de l’étoilé précédent, mais le cadre ne pourra jamais le faire être discerné de la sorte. En tout cas très bon bib gourmand. A faire pour les papilles, mais peut-être pas pour le reste.

Et puis il y a eu ce samedi soir. Dans un restaurant arborant lui aussi une étoile, la Grenouillère d’Alexandre Gauthier à Montreuil-sur-Mer en France, ville où est célébré annuellement Victor Hugo. L’année passée mon passage avait été comblé par la visite du voisin Château de Montreuil. Sur cette Grenouillère, les avis étaient légèrement plus divisés, la plupart des critiques postées adorant, et certains détestant réellement. Donc forcément cela créé une petite méfiance. Un de mes amis y étant allé l’année passée m’affirmant s’y être extasié, je me décide et essaie d’obtenir une table dans ce lieu fort couru. Grâce à la gentillesse compréhensive de l’hôtesse (et à certains désistements) nous y parvenons. Et là, ce fut assez magique. Je ne suis plus réellement le dégustateur novice impressionnable par quelques paillettes et suis presque d’autant plus méfiant quand le cadre et l’ambiance veullent en mettre plein la vue. Donc je ne suis pas tombé dedans de prime abord mais c’est bel et bien l’ensemble et donc essentiellement la cuisine qui m’ont séduit et convaincu. Histoire de ne plus en parler, je ne comprends pas pourquoi ce restaurant n’a qu’une étoile. Ce n’est réellement pas correct et trompe le lecteur du guide rouge. Débattre s’il doit en avoir deux ou trois (car voudrait-il en avoir trois) c’est un autre souci. Mais seulement une, quand je vois ce que j’ai mangé dans les une étoile en général (même si certaines étaient parfaits comme d’ailleurs le Château de Montreuil) ce n’est pas du tout correct. Pour moi on est ici dans la grande classe.

Le cadre est très recherché, entre modernité, matériaux bruts et nature. Le service assez bien huilé. Les serveurs sympathiques. Et la cuisine … et bien je pense que c’est le restaurant le plus créatif, inventif que j’ai pu fréquenter (il faudrait cependant que je retourne à l’Air du temps qui était aussi très avant-gardiste mais cela fait déjà 5 ans que j’y suis allé et je n’avais pas les mêmes points de comparaison). Le menu 11 services se déroule sans accroc, à une vitesse parfaite. Les mets sont travaillés, travaillés, travaillés. On sent que derrière tout cet endroit il y a énormément de travail. Du travail sur les produits naturels, les herbes beaucoup. L’amertume et l’acidité sont au rendez-vous. Il faut évidemment avoir une petite ouverture d’esprit et je peux comprendre que ceux pour qui un bon restaurant rime avec filet entier, sauce, légumes et un féculent peuvent être perturbés. Il faut réellement se laisser guider, car derrière des présentations originales, des associations surprenantes il y a du goût, et plein de goût. La langoustine et melon d’eau offre une fraîcheur, acidité et douceur très agréable. Le petit pois et roquette, découvrant une sphère crémeuse avec cabillaud qui surprend agréablement. Premier gros moment d’émotion la vive au stilton (ok les bleus sont un de me péchés mignons). Ouaou. Le côté iodé, salé, frais du radis et du haricot, un vrai régal. Coup de maîtres ensuite l’huître grillée avec sa verdure (c’est moi qui l’appelle comme ça car je ne pourrais détailler tous les éléments dans cette assiette). Une bombe gustative. Il y en a eu encore d’autres comme une raviole jaune avec une acidité qui révélait magnifiquement le Châteauneuf du pape rouge servi avec. Une association magique. Et puis les desserts, dans la fraîcheur avec mention spéciale pour le baba vert. C’est du grand art, en dehors de l’expression courante, le mot art prend tout son sens. On est dans la création, la recherche. Et comme toute recherche elle peut diviser, faire peur à certains, c’est d’ailleurs peut-être pour cela que le guide Michelin demeure frileux à en être ridicule. Alors je me répète, je ne suis pas critique, et je n’y suis allé qu’une fois. Si certains préfèrent s’ancrer dans un obscurantisme culinaire qu’ils passent leur chemin.
Mais pour les autres en tant qu’ami ou comparse occasionnel de lecture,  je recommande vivement ce lieu au service d’une modernité se centrant sur ce que nous offre la terre de plus beau et de meilleur. Merci encore à la Grenouillère, au chef et à son équipe pour ce moment.


mardi 5 août 2014

Le Château de Montreuil à table

Le hasard fait parfois bien les choses et notamment d’un point de vue gastronomique. Exilé depuis dix ans j’ai toujours plaisir à remarquer que, où que j’aille en France, il y a toujours un ou plusieurs restaurants qui valent le détour. Ce n’est parfois pas facile de s’y retrouver mais les guides, avec leurs défauts certes, sont là pour nous y aider tout comme certains critiques gastronomiques. 
Le guide rouge  Michelin malgré quelques oublis et quelques critiques a le mérite d’avoir remarqué depuis plusieurs décennies l’établissement et le succès de lieux qui sont devenus des institutions gastronomiques. 
Récemment à Lyon, l’Auberge de l’Ile qui même si elle a perdu sa deuxième étoile récemment demeure une très belle place et nous a offert un menu du jour du midi 3 services à 35€ d’un rapport qualité prix simplement imbattable (où jamais encore battu lors de mes pérégrinations). Lyon est réputée pour sa gastronomie, les 3 étoiles aux alentours y sont assez nombreux mais ce week-end c’est une escapade dans le nord de la France qui m’a fait découvrir un restaurant étoilé depuis très longtemps et qui vaut à lui seul le détour. 
C’est l’article que le très sagace Gilles Pudlowski a rédigé il y a peu qui m’a convaincu d’aller découvrir le Château de Montreuil  et ce fut un très bon choix, un ravissement, où l’on aurait même envie que ce lieu soit encore plus distingué (même si l’obtention d’une deuxième étoile n’est sans doute pas recherchée et entraînerait en plus d’une augmentation des prix qui ne serait peut-être pas propice au lieu certaines remises en question alors que tout roule si bien).
Premièrement le lieu est charmeur, dans la ville haute, en haut des remparts, cette vieille bâtisse abrite un restaurant et un hôtel Relais et châteaux. Les dimensions de ce lieu ne sont pas gigantesques mais tout y est parfaitement agencé, la terrasse agréable, la petite piscine, les sols en brique séculaire. Le menu est fait de pièces de caractère, les abats y ont une belle part tout comme certains produits de la mer voisine. Optant pour le menu dégustation 7 services la première entrée qui sur le papier pouvait en dissuader certains s’est révélée extrêmement fraîche : tête de veau en terrine, haché d’huîtres et salicorne. Vint ensuite la deuxième entrée très généreuse, les ravioles aux fromages et truffes blanches d’été relevées par des fines allumettes d’un jambon cru ou proche. Une très belle harmonie qui m’a fait saliver de gourmandise. Le turbot, jeunes légumes grillés, sauce au chorizo et gingembre fut sans doute la plus grande découverte. J’avais déjà gouté plusieurs fois l’association chorizo et poisson mais cette fois-ci la vivacité de la sauce était impressionnante, un vrai régal, vif et puissant, tout en respectant les qualités du turbot parfaitement cuit. La pièce de viande, le veau et son ris de veau classique et tout en maîtrise. L’interlude fromage avec le chaud froid de fourme d’Ambert s’il n’apportait rien de surprenant était bien placé et permit de préparer la suite.
Car quelle suite, dans ces établissements gastronomiques il arrive que les desserts soient quelque peu en dessous. Là ce fut bien le contraire. Le premier dessert frais et plein de caractère, cerises au vinaigre balsamique et glace vanille, d’une apparente simplicité fonctionne très très bien. A ce moment, repus, le dernier dessert fut extrêmement persuasif et il fut impossible de laisser une miette de ce soufflé framboise, coulis de framboise versé en son cœur en salle + sorbet. Un moment magique pour terminer ce repas enchanteur. Le service est de qualité et le renouveau de quelques jeunes qui même s’ils ont encore pour certains des points à perfectionner apportent de la fraîcheur et cela crée une très bonne ambiance. Le vin conseillé, pas facile pour un menu 7 services, était très pertinent, le Cigalus blanc (assemblage de Chardonnay, Vionnier et Sauvignon) 2012. Aucune fausse note, des découvertes et du goût surtout. Rien d’insipide et de surfait. Un vrai plaisir tout du long. A faire et à refaire sans réserve.

jeudi 12 décembre 2013

L'Eau Vive (Profondeville, Belgique) en cuisine

Ce fut une surprise à la base. Destination inconnue même si les panneaux sur la route aidant, la cible paraissait de plus en plus clair. En arrivant à l’Eau Vive restaurant au sud de la ville de Namur, le cadre est enchanteur avec cette eau qui coule, mouline, entourées de vieilles pierres rénovées et d’ensembles modernisés. Y venir l’été par beau temps doit être très agréable.
Le salon d’accueil est au papier-peint un peu osé, du moins original, noir, traits de couleurs diverses et formes ovoïdes.
 
J’ai la surprise de me voir proposé un champagne de petit vigneron que ma famille avait l’habitude de consommer à l’époque de mon grand-père. Impression positive de voir que les grandes maisons n’occupent donc pas tout l’espace de ce restaurant deux étoiles Michelin. Ensuite l’arrivée en cuisine, nous étions à la table d’hôte, c’est à dire bel et bien dans les cuisines. Plus un mot, ou en tout cas pas un mot sauf des bonjours et salutations courtoises. “Tu penses que c’est toujours aussi silencieux ?” Discipline de fer. 
Nous étions nous aussi assez impressionnés de voir cette dizaine de personnes vaquer à leur tache sans frémir. Quelques instants plus tard, nous étions intégrés, dans les meubles, ou plutôt les pianos. Je demande en général dans ces bons restaurants à visiter la cuisine en fin de repas, pour une fois je demanderai à visiter la salle.
 
Première vue sur ce qui nous allait être servi. Impressionnante mécanique qui m’a semblé tout du long sans faille. J’ai du entendre à un seul moment un échange légèrement stressé mais pas beaucoup plus. Tels des abeilles dans une ruche au moment du dressage, la majorité de la brigade se regroupe afin de mettre tout en musique dans l’assiette au bon moment.
 
Malgré notre présence nous n’avions pas le temps de comprendre sur les premiers plats que le dressage concernait les nôtres. Après quelques mises en bouche bonnes mais sans réelle merveille la première entrée arrive. Et là choc et sourire béat à la première bouchée de ces huîtres pochées -bettes - lit de lomo et tomates avec une écume de mer. Un équilibre génial, une fin de bouche longue et iodée, parfaite. Un énorme moment de plaisir gustatif, du grand art. La suite était du même acabit, le filet de sole (plancha puis roulée en position centrale) accompagné de crevettes grises cachées sous un beurre blanc mousseux gourmand contenu dans une feuille de chou de Bruxelles. De la grande cuisine, très assemblée, harmonieuse. La cuisine de Pierre Résimont est plus une symphonie qu’un concerto.
Puis la viande, Chevreuil (selle) en deux déclinaisons, premièrement morceaux cuits à la perfection avec beaucoup de caractère (poivre bien, trop?, présent) et deuxièmement en civet sur lit de bulgur aux fruits secs où on passe plus dans la douceur après avoir eu ce choc giboyeux.
Beau plateau de fromage avec un large choix (dont un grand nombre de fromages locaux).
Le dessert s'inscrit bien dans la logique d’un long menu comme celui-ci, léger, créatif et frais. J’aurais sans doute préféré un dessert plus pâtissier et plus simple dans sa composition mais ce n’est qu’une histoire de goût.
 
Les alliances sont recherchées et le tout s’équilibre à merveille avec un style de cuisine moderne sans pour autant condamner les produits et plats de tradition comme ces saint-jacques, risotto, tuiles de parmesan et champignons des bois. Plat plus classique mais exécuté parfaitement.
L’accompagnement des vins était bien mené, des découvertes qui en valent réellement la peine. Comme ce vin de Grèce en accompagnement de la première entrée, un Robolla qui me rappelait le Roll avec une douceur non grasse parfaitement harmonieuse. Autre coup de coeur pour le Chardonnay du Jura de caractère parfait avec les noix de saint-jacques crémeuses.
Encore une belle merveille gastronomique cachée dans la campagne belge.

dimanche 6 janvier 2013

Découverte de l'univers culinaire d'Yves Mattagne

Alors voilà, je sais qui est Yves Mattagne, enfin au travers de ses restaurants. Certes pas tous mais déjà trois d’entre eux, plus une expérience orchestrée par son atelier il y a quelques temps. Mauvais souvenir d’ailleurs d’une chute sur du verglas, voilà ce qu’il me reste de cette soirée, pour le reste c’était du tape à l’œil, du m’as-tu vu sans beaucoup de goût. C’est vrai que le cadre jouait aussi sans doute en la défaveur du repas.
Plus récemment c’est donc le restaurant Yu Me qui m’a nourri. Enfin, nourri il faut s’entendre. J’ai commencé par tester le Me, brasserie chic. Le cadre est assez sympa, le service correct, on ne peut espérer moins d’un lieu sous la houlette d’un chef en vogue qui a par ailleurs deux étoiles Michelin pour son restaurant à poisson du centre de Bruxelles. Ici, on a des frites en cornet, j’ai mangé un poisson poché au lait, bon dans l’ensemble, sauf qu’une partie devait être hors du liquide pendant la cuisson car totalement crue, bien dommage, car côté tarif là ce n’est pas un prix à demi. Le dessert sur une base de banane et de chocolat était tout de même remarquable. Puis quelques mois plus tard ce fut le tour du Yu, à l’étage du Me, qui est cette fois-ci un restaurant lounge asiatique. Attention, tout est dans le titre, c’est lounge, vous êtes dans un canapé, petite table basse, une seule assiette qui vous accompagnera du début à la fin, on mange avec les doigts ou les baguettes. La décoration en tant que telle est vraiment réussie, en revanche vous payez plus le cadre que les plats. Beaucoup de petits plats, tempura, poissons crus à la japonaise, et quelques pièces plus travaillés comme un Bœuf, petite portion, prix cependant élevé, qui est bon. On n’est pas dans de la grande cuisine, bien loin, c’est bon certes, après il faudrait que ce soit 1.5 à 2 fois moins cher pour vraiment valoir le coup, sauf bien entendu si vous faites partie de ceux qui s’en font jeter plein les yeux et qui ont un palais grossier, et vu le taux d’occupation du lieu, ça ne manque pas. Donc oui pour les m’as tu vu ? Pour les gastronomes, non, ou en tout cas pas en priorité.
Avec ces expériences je commençais à prendre Mattagne pour un business man ayant délaissé la qualité au profit du nom et du marketing, un peu comme le second de Gusto qui prit les reines du restaurant à la mort de ce dernier et qui faisait des plats pour chiens, encore merci à Rémi et Luigini. Je dérape, oui, désolé, c’est sans doute le fait de regarder Ratatouille tous les week-ends avec mon fils qui m’influence.
Rien de tel que d’aller au donjon pour connaître l’histoire du château, tiens ça pourrait devenir un dicton médiocre, alors me voici au Sea Grill, restaurant deux étoiles Michelin, sis en plein centre de Bruxelles dans un hôtel.
L’hôtel vaut déjà le détour, avec un puits d’espace qu’on n'aurait osé imaginer à cet endroit, des ascenseurs à l’américaine. Le restaurant est au fond, entouré d’un cours d’eau artificiel où naviguent des poissons qui doivent être bien heureux d’être à cette place et non en cuisine. Et puis nous voici dans le lieu. Sans doute le point faible du restaurant pour l'obtention d’une troisième étoile Michelin. Dans un hôtel moderne d’un grand centre ville pas évident que le lieu s’y prête naturellement. On reste dans des espaces plutôt géométriques et logiques, même si les concepteur et décorateur se sont donnés du mal. La décoration est sobre. Il y a de l’espace, en revanche pas de fenêtres.
Ca s’affaire autour de nous, ça défile, nous sommes dans l’axe de la sortie de cuisine, dommage, du coup on voit l’effectif, ça défile, j’aurais tendance à dire à manquer de discrétion mais ma vue directe sur l’entrée des cuisines explique cela. A part ce point particulier, très professionnel, présent, pas d’erreurs, on est dans la haute exigence.
Et le repas, le plus important tout de même. Cela restera un grand souvenir, une extrêmement belle expérience, plein d’inattendus, de finesse, de goûts, de techniques et de chaleur. Pour goûter l’expérience à fond, nous sommes partis sur le menu dégustation, nous faisant certes passer à côté des quelques grande références présentes seulement à la carte comme le homard bleu à la presse. Mais aucune déception sur notre choix. Commençons par les délicatesses qui plantent le décor. Le Sea Grill est donc un restaurant où la mer est à l’honneur, mais ces plats ont une modernité d’alliances, d’influences notamment asiatiques, de contrastes, saisissants. Les sens sont en éveil dès le début, le sucré, l’acide, l’amer se jouent de nous. Ils se croisent, se répondent, se quittent, se retrouvent pour exploser en bouche. La Daurade Coryphène à l’eau d’Huîtres, Saké, Yuzu (agrume asiatique), Wakamé (algue), … annonce le ton de la complexité, de la finesse. Les papilles vont bien. L’explosion fut pour moi les Langoustines, Carottes, Piment, Fruit de la passion, Caramel, Cacahuète, Sésame et une sauce magistrale. Il y avait tout dans ce plat. Le Saint-Pierre (photo) suivant, avec encornet, ail d’ourse, citron confit et Chorizo, traité comme une viande, avec la chaleur de la sauce était tout en force, impressionnant. Vint la viande avec le veau, tout de même, on sait aussi bien les cuire ici même si on n’oubliera pas de les associer avec une béarnais de Homard et cèpes, excellente.
Les desserts étaient très élégants, frais et goûteux. Avec tout cela certaines trouvailles du sommelier valent le détour comme ce Viré-Clessé du Domaine Guillemot-Michel qui fut la meilleure découverte (en association avec le Saint-Pierre). A la fin l’amabilité du service nous convia à un tour des cuisines, où dernier service de la semaine oblige, l’ambiance était à la fête. Un grand moment, et la logique voudrait que ce restaurant obtienne très vite sa troisième étoile.