samedi 17 mai 2008

Michael Kenna, photographe de l'absolu

Cela fait déjà trop longtemps que j’arpente les rayons des livres dédiés à la photo pour ne pas me soumettre aujourd’hui à mon désir de rendre hommage à ce photographe aux clichés somptueux qui semblent pourtant être jusqu’à ce jour passés inaperçus.

Et pourtant, Michael Kenna est un photographe à part. Pourrais-je dire un photographe du vide splendide ? Ce ne serait pas exact et certains pourraient voire pointer le spectre du monochrome de Whiteman derrière cette dénomination approximative.

Alors que de nombreux photographes surchargent leurs clichés aidés par le numérique, de personnages qui se répètent, de nature déformée et étrange, les clichés de Kenna, nous font réaliser que la plupart de ces photographes comblent leur manque d’inspiration et de vision par tout ce que la technologie leur apporte, ils pensent se sauver en se cachant derrière la technique, mal du XXIe sicèle ? Le stress de la photo blanche, Kenna ne l’a pas, au contraire.
J’ai découvert ce photographe dans une revue (Réponses Photo, sans aucun doute la meilleure revue photo francophone à ce jour). Il y avait alors des extraits de son livre Japan (2003) et je me suis dis, ça y est, c’est ça ! Ces photos sont magiques, elles me révèlent la beauté d’une nature absolue, d’un espace hypnotique. La beauté et (est) la sérénité. J’ai eu la même sensation que lors de la lecture d’un ouvrage qui m’avait à l’époque conquis, Le poète de Yi Munyol. J’avais été à l’époque pris par cette poésie, cette recherche de la communion absolue avec la nature, le poète allant jusqu’à se fondre dans l’environnement, disparaissant alors à l’œil du non averti. Les photos de Kenna ne se fondent pas dans la nature mais sont elles-mêmes la nature, l’absolu. Non pas de beaux paysages a priori, quelques piquets sortant de la neige, mais l’expression de tous les possibles. Une nature, splendide, souvent lointaine et abstraite, comme non maîtrisée par l’homme et non asservie. La beauté dans son état premier. Non pas une beauté brute que l’on a souvent décrit comme non accueillante ou sauvage au sens péjoratif du terme, mais bien l’absolu du calme, comme si jamais l’homme n’avait pu la remettre en question.
Sa publication que j’apprécie sans doute le plus jusqu’à présent est Hokkaido (2006), qui est un développement (aboutissement ?) de la démarche japonaise de Michael Kenna. L’abstraction des nombreux sujets emporte le spectateur, on se sent bien, calme, coupé du bruit et de l’agitation stressante. Ces photos muettes nous reposent.
Si vous ne connaissez pas : http://www.michaelkenna.net/
Récemment un nouvel ouvrage est paru et il semble plus facile à trouver que ses prédécesseurs. Le succès se généralise sans doute enfin, et la distribution suit. Ce nouveau livre sur le Mont Saint Michel bénéficie d’une édition remarquable qui flattera les amateurs de beaux livres. En revanche je suis obligé de concéder qu’au fur et à mesure des pages on n’y retrouve pas la même magie. Peut-être est-il plus dur de faire ressortir la pureté si bien apprivoisée lors du cycle japonais de créations humaines ou peut-être est-ce la mystique du lieu qui demande au lecteur de s’attarder plus longuement, de se laisser pénétrer par une autre ambiance moins « naturelle » où les vestiges de l’homme ont plus de place.
Ce photographe est absolument à découvrir. Il est pour moi l’un des rares à être capable de susciter autant d’émotions, non pas une émotion mise en scène, mais bel et bien simplement pure.

samedi 3 mai 2008

Pros and Cons

La vie professionnelle se résume à ça, des pour et des contres.
Lors d'une conférence, de piètre qualité hélas, sur la nouvelle génération, la génération Y (les personnes nées peu avant et après 1980 dont je fais d’ailleurs partie), j'ai réalisé que la plupart des mes contemporains ne trouvaient que peu de joie dans leur vie professionnelle.
Je n'avais jamais réellement envisagé ce malaise sous un angle générationnel.
Je m’évertuais à chercher une explication plus personnelle et singulière. Allant jusqu’à supposer que tel ou tel n'était pas fait pour ce type d'entreprises, pour ce type d'exigences, de même pour moi. Sans d'autres repères je ressentais ces écarts entre les souhaits professionnels et leurs désillusions comme un facteur de culpabilité persistante. Cette culpabilisation qui entraîne le malaise du jeune salarié est des plus destructrices et anti-productives. Un employé persuadé d'être en marge des us et coutumes de sa société aura malgré tous ces efforts de grandes difficultés à rester concentré et il ne s'agira plus que d'une spirale infernale.
Alors, excepté le manque de profondeur de la présentation qui était décevant, j'ai été rassuré car j'ai compris que ce problème de motivation au travail de mon cercle social était un problème beaucoup plus vaste, et vécu par la plupart des personnes du même milieu. Cette génération Y (née non loin des 80's et ayant suivi un parcours académique abouti) a été abreuvée par le confort que venait de gagner ses jeunes parents qui ont eu la chance de ne connaître ni la guerre, ni de grands troubles économiques ; et qui, pour s'amuser, se sont fait vivre en mai 68. Peut-être ferons nous plus tard le procès de cette génération 68 qui est pour moi l'une des plus immatures, qui s'est totalement fait posséder par le confort et le consumérisme et qui s'est laissé vivre jusqu'à aujourd'hui, espérant encore bénéficier des dernières douces et longues retraites qui seront accordées avant la mort de notre système. Cette génération a eu le mérite d'abreuver les Y de tout ce qui pouvait les éveiller : sport, arts et culture, les deux derniers passant d'une élite à une consommation de masse, aidés par ou aidant ce phénomène.
L'orateur nous parlait de sa fille qui faisait du cheval, du tennis, de la peinture et autres et qu'employée depuis peu elle ne pouvait concevoir de tout laisser tomber pour travailler éperdument à sa réalisation professionnelle. " I created that monster !" et tout le monde de s'esclaffer, rire sans doute de rejet devant l'incapacité à se projeter solutionnant ce problème. Comment faire cohabiter des personnes, moins formées moins ouvertes qui ont tout donné pour leur réalisation professionnelle avec des Y qui veulent se réaliser en préservant cette diversité qui coule dans leur sang depuis tout petit. Pour dissiper touts soupçon, la population sondée était constituée des diplômés des MBA les plus prestigieux. Il ne s'agit donc pas d'une génération de flémards invétérés, du moins pas a priori, mais plutôt de nos leaders économiques de demain.
Ces Y veulent évoluer sans cesse, découvrir de nouvelles choses, développer de nouvelles compétences, apprendre et communiquer. Une structure professionnelle idéale serait donc une organisation résolument orientée projet, avec une hiérarchie très plate, où un jour le manager peut se retrouver expert ou même novice le lendemain sur une nouvelle mission. Les hiérarchies fortes induisent souvent des manques de communication ainsi que des organisations statiques, chacun défendant son petit jardin de privée de despotisme exécutif (voir Etienne de la Boétie - Discours de la servitude volontaire).
Pour le moment, peu de mes proches ou de mes connaissances ont eu la chance de travailler dans des organisations principalement tournées vers la génération Y, il faudra encore du temps pour que les entreprises s'adaptent, peut-être faudra-t-il même attendre la départ à la retraite des 68, de ce papy boom de jouisseurs, pour enfin passer à des choses plus humaines et sociales en profondeur.
Ce qui me fait espérer c'est que si les études s'avèrent justes, cette génération sera moins que les autres à la recherche d'un accomplissement personnel par de l'obtention du pouvoir et de la puissance, mais bien plus d'un épanouissement éthique en accord avec son environnement. Vous me direz, il s'agit des pensées d'un Y, ouvert et naïf qui espère beaucoup.
Pour le moment, des pours et des contres, mais surtout des pros et des cons !