dimanche 6 janvier 2013

Découverte de l'univers culinaire d'Yves Mattagne

Alors voilà, je sais qui est Yves Mattagne, enfin au travers de ses restaurants. Certes pas tous mais déjà trois d’entre eux, plus une expérience orchestrée par son atelier il y a quelques temps. Mauvais souvenir d’ailleurs d’une chute sur du verglas, voilà ce qu’il me reste de cette soirée, pour le reste c’était du tape à l’œil, du m’as-tu vu sans beaucoup de goût. C’est vrai que le cadre jouait aussi sans doute en la défaveur du repas.
Plus récemment c’est donc le restaurant Yu Me qui m’a nourri. Enfin, nourri il faut s’entendre. J’ai commencé par tester le Me, brasserie chic. Le cadre est assez sympa, le service correct, on ne peut espérer moins d’un lieu sous la houlette d’un chef en vogue qui a par ailleurs deux étoiles Michelin pour son restaurant à poisson du centre de Bruxelles. Ici, on a des frites en cornet, j’ai mangé un poisson poché au lait, bon dans l’ensemble, sauf qu’une partie devait être hors du liquide pendant la cuisson car totalement crue, bien dommage, car côté tarif là ce n’est pas un prix à demi. Le dessert sur une base de banane et de chocolat était tout de même remarquable. Puis quelques mois plus tard ce fut le tour du Yu, à l’étage du Me, qui est cette fois-ci un restaurant lounge asiatique. Attention, tout est dans le titre, c’est lounge, vous êtes dans un canapé, petite table basse, une seule assiette qui vous accompagnera du début à la fin, on mange avec les doigts ou les baguettes. La décoration en tant que telle est vraiment réussie, en revanche vous payez plus le cadre que les plats. Beaucoup de petits plats, tempura, poissons crus à la japonaise, et quelques pièces plus travaillés comme un Bœuf, petite portion, prix cependant élevé, qui est bon. On n’est pas dans de la grande cuisine, bien loin, c’est bon certes, après il faudrait que ce soit 1.5 à 2 fois moins cher pour vraiment valoir le coup, sauf bien entendu si vous faites partie de ceux qui s’en font jeter plein les yeux et qui ont un palais grossier, et vu le taux d’occupation du lieu, ça ne manque pas. Donc oui pour les m’as tu vu ? Pour les gastronomes, non, ou en tout cas pas en priorité.
Avec ces expériences je commençais à prendre Mattagne pour un business man ayant délaissé la qualité au profit du nom et du marketing, un peu comme le second de Gusto qui prit les reines du restaurant à la mort de ce dernier et qui faisait des plats pour chiens, encore merci à Rémi et Luigini. Je dérape, oui, désolé, c’est sans doute le fait de regarder Ratatouille tous les week-ends avec mon fils qui m’influence.
Rien de tel que d’aller au donjon pour connaître l’histoire du château, tiens ça pourrait devenir un dicton médiocre, alors me voici au Sea Grill, restaurant deux étoiles Michelin, sis en plein centre de Bruxelles dans un hôtel.
L’hôtel vaut déjà le détour, avec un puits d’espace qu’on n'aurait osé imaginer à cet endroit, des ascenseurs à l’américaine. Le restaurant est au fond, entouré d’un cours d’eau artificiel où naviguent des poissons qui doivent être bien heureux d’être à cette place et non en cuisine. Et puis nous voici dans le lieu. Sans doute le point faible du restaurant pour l'obtention d’une troisième étoile Michelin. Dans un hôtel moderne d’un grand centre ville pas évident que le lieu s’y prête naturellement. On reste dans des espaces plutôt géométriques et logiques, même si les concepteur et décorateur se sont donnés du mal. La décoration est sobre. Il y a de l’espace, en revanche pas de fenêtres.
Ca s’affaire autour de nous, ça défile, nous sommes dans l’axe de la sortie de cuisine, dommage, du coup on voit l’effectif, ça défile, j’aurais tendance à dire à manquer de discrétion mais ma vue directe sur l’entrée des cuisines explique cela. A part ce point particulier, très professionnel, présent, pas d’erreurs, on est dans la haute exigence.
Et le repas, le plus important tout de même. Cela restera un grand souvenir, une extrêmement belle expérience, plein d’inattendus, de finesse, de goûts, de techniques et de chaleur. Pour goûter l’expérience à fond, nous sommes partis sur le menu dégustation, nous faisant certes passer à côté des quelques grande références présentes seulement à la carte comme le homard bleu à la presse. Mais aucune déception sur notre choix. Commençons par les délicatesses qui plantent le décor. Le Sea Grill est donc un restaurant où la mer est à l’honneur, mais ces plats ont une modernité d’alliances, d’influences notamment asiatiques, de contrastes, saisissants. Les sens sont en éveil dès le début, le sucré, l’acide, l’amer se jouent de nous. Ils se croisent, se répondent, se quittent, se retrouvent pour exploser en bouche. La Daurade Coryphène à l’eau d’Huîtres, Saké, Yuzu (agrume asiatique), Wakamé (algue), … annonce le ton de la complexité, de la finesse. Les papilles vont bien. L’explosion fut pour moi les Langoustines, Carottes, Piment, Fruit de la passion, Caramel, Cacahuète, Sésame et une sauce magistrale. Il y avait tout dans ce plat. Le Saint-Pierre (photo) suivant, avec encornet, ail d’ourse, citron confit et Chorizo, traité comme une viande, avec la chaleur de la sauce était tout en force, impressionnant. Vint la viande avec le veau, tout de même, on sait aussi bien les cuire ici même si on n’oubliera pas de les associer avec une béarnais de Homard et cèpes, excellente.
Les desserts étaient très élégants, frais et goûteux. Avec tout cela certaines trouvailles du sommelier valent le détour comme ce Viré-Clessé du Domaine Guillemot-Michel qui fut la meilleure découverte (en association avec le Saint-Pierre). A la fin l’amabilité du service nous convia à un tour des cuisines, où dernier service de la semaine oblige, l’ambiance était à la fête. Un grand moment, et la logique voudrait que ce restaurant obtienne très vite sa troisième étoile.