jeudi 3 avril 2008

L'homme, un termite sur un radeau

C’est ce matin, une nouvelle fois coincé dans la rue, derrière un 4x4 (à prononcer quatre fois quatre comme le font si bien mes amis belges) que ça m’a pris. Evidemment pour des personnes ne connaissant qu’un centre ville surchargé aux rues étroites, c’est le moyen de locomotion idéal.
Quelle stupidité, idiotie, débilité profonde ! Les mots ne manquèrent pas pour exprimer ma rage, hurlant dans ma voiture, allant jusqu’à couvrir les analystes financiers débattant à la radio du pessimisme ambiant.
Enfin, après quelques hésitations, ça se débloque, ce monstre absurde passe enfin en ne manquant pas de chatouiller le rétroviseur d’un beaucoup plus petit gabarit qui lui n’avait rien demandé, dormant tranquillement sur le côté. Comme souvent la parole est aux grands et aux puissants.
Je redémarre mais me vois bloqué pas une seconde absurdité qui m’agresse, une publicité pour une solution d’investissement SGAM qui mise sur les denrées de première nécessité qui disait à peu près : dans ce climat d’incertitudes investissez sur des valeurs sûres, les denrées de première nécessité, avec la demande croissante des pays émergents vous gagnerez gros, un placement sûr et rentable. Ce que je traduis en : vous n’en avez pas assez d’avoir mis sur la paille de nombreux foyers et d’avoir prospéré en misant sur la misère d’autrui, et bien maintenant investissez et spéculez sur les grains de riz envoyés aux pays en voie de développement, vous verrez qu’après deux ou trois famines les prix vont furieusement monter et vous aller vous en mettre plein les fouilles !
Comment peut-on oser faire monter des prix de la sorte, comment oser ouvertement jouer du malheur et du désarroi de millions de personne, comment cela se peut-il, quelle est cette humanité. Sur la spéculation sur les denrées de première nécessité, si j’ai la chance d’être lu par des experts je suis réellement preneur de toute info. Après avoir lu plusieurs analyses, il m’a paru évident que cette hausse des produits comme le blé était essentiellement due à des mouvements spéculatifs et non à un décalage absolu et inéluctable entre l’offre et la demande.
Je suis donc un grand naïf.
Je m’en aperçois tristement tous les jours, quand je me permets d’adresser la parole à des personnes autres que mes supérieurs hiérarchiques et que je me vois toisé du regard par certains, qui eux ne s’abaissent pas à de telles considérations. « Attention à ne pas être trop social Philippe ! C’est bien mais il faut savoir aller au but. ». Mais heureusement je ne pourrais être autrement. Causer sciemment la ruine d’autrui me débecte. Quand je vois encore les bonus qui sont versés à ces messieurs les traders, qui, pour certains, ayant succombé et étant esclaves de leur propre pouvoir, font vaciller l’équilibre mondial, j’ai envie de vomir. Si encore ces personnes partaient la fleur au fusil … Nous en sommes bien loin, «s’il n’en reste qu’un je serais celui là ! »
De cela m’est venue lors d’un entretien avec un ami cette idée de termite anthropomorphique. Nous imaginions un scénario surréaliste et absurde, une fin du monde, un déluge puis une embarcation pour se sauver et puis les termites : « Ils seraient tellement cons ces termites qu’ils boufferaient tout le bois et finiraient par se noyer ! », hélas je connais beaucoup d’hommes qui ne résistant pas à leur appétit glouton sont encore plus voraces.