mercredi 18 juillet 2007

Mais où est le sens ?

Les media commencent à en parler et les élus à s’en préoccuper. Aujourd’hui on peut lire dans le Monde : « Un ouvrier de 55 ans travaillant sur le site du constructeur automobile PSA de Mulhouse (Haut-Rhin) s'est pendu, lundi 16 juillet, dans un atelier. Cela porte à cinq le nombre de suicides de salariés de cette usine, dont deux à l'intérieur. », c’est tout de même assez terrorisant.
La question n’est pas de savoir si cette personne s’est donné la mort suite à des traumatismes professionnels ou personnels mais toujours est-il que le phénomène de souffrance psychologique au travail s’accentue de plus en plus, ou du moins, la prise de conscience de celui-ci. Le travail à la chaîne est clairement traumatisant et il est fortement compréhensible que dans une société qui prêche le pouvoir de l’argent, du paraître et du sexe pour mieux asservir ses troupes, une tâche répétitive et insensée soit difficile. Il paraît clair aujourd’hui que la course à la productivité et aux réductions de coûts ne va pas sans pertes, dans un premier temps les répercussions étaient des pertes d’emplois, augmentation drastique du chômage au sein de certaines catégories socioprofessionnelles mais ce second impact qui larve le monde de l’entreprise me paraît bien plus dangereux. Si avoir un travail est déprimant, démotivant, cassant tout ce sur quoi repose notre société capitaliste est bel et bien en péril. La France qui travaille, ceux qui se lèvent tôt … et bien il y a du boulot, c’est pas gagné.
Le pire c’est que ce phénomène ne touche pas seulement les ouvriers à la chaîne, les frustrations sont sans doute différentes, de même que les impacts, mais ce mal-être se retrouve aussi dans d’autre catégories jusqu’aux cadres (les plus touchés semblent être les 25-35 ans), qui malgré de bonnes formations et un avenir vendu comme prometteur ont le mal du travail. En regardant vite autour de moi il m’apparaît que plus de la moitié des mes amis ou anciens camarades de promo ne se sentent pas bien dans leur environnement de travail, et dont une bonne partie sont en proie à la mélancolie et pire.

Pourquoi ? C’est un peu la question à 10 000$. Si vous avez la réponse magique envoyez moi un mail, un commentaire mais ne me laissez surtout pas avancer à tâtons dans ce monde sinistre.
Une des raisons les plus plausibles selon moi est le manque de sens, de pourquoi, quel est le but de ce travail. Au sein d’une chaîne de montage on comprend bien le problème de sens qui peut exister si le travail de valorisation des employés n’est pas fait correctement, ce qui est hélas souvent le cas.
Dans d’autres fonctions au sein de sociétés internationales, le travail peut être si segmenté, si hiérarchisé et si contrôlé qu’il est très dur de donner du sens à sa tâche. Ce contrôle extrême, qui bloque le plus souvent les initiatives et cantonne les employés à leur strict devoir opérationnel, les recrutant pour leur matière grise mais leur imposant de la laisser au placard dès leur entrée en service, est un stigmate du monde capitaliste et de l’exigence du cours de l’action.
Où est le long terme, je dirais même où est le moyen terme ?
Des sociétés semblent s’en contreficher ouvertement et c’est bien souvent celles ou les phénomènes de démotivation se font le plus sentir. Il n’y a que très peu de mercenaires au sein des employés. Le sens, une relative sécurité, l’engagement mutuel et la confiance, la possibilité d’entreprendre et de développer ses qualités et savoir-faire, tout ça a une énorme importance. Il suffit de consulter un quelconque ouvrage de management pour voir ces notions rabâchées, pire il suffit de lire une offre d’emploi pour se rendre compte que les services Rh ont bien appris leurs leçons, mais qu’en est-il une fois dedans !?
C’est souvent bien triste et pour l’employé l’entreprise devient vite synonyme de presse-citron plutôt que de lieu d’accomplissement et c’est en cela que réside le problème. L’entreprise est de moins en moins vue comme un lieu d’épanouissement. Les méthodes d’une bonne partie des managers en place peuvent être remises en cause, certains ne se sont pas renouvelés et utilisent malheureusement les fausses promesses et l’autorité comme arme absolue mais ce n’est plus possible aujourd’hui.

Si j’avance que l’autorité est morte (pas le temps de développer ici) j’espère ne choquer personne. Je nuance tout de même, ces dernières décennies ont célébré le déclin de l’autorité, particulièrement en France. Le président nouveau a basé sa campagne sur un changement de cette tendance, nous verrons.
Toujours est-il que devant la rapidité des changements et leur succession l’autorité perd de sa superbe, les managers tournent, s’en vont, en cas de rachat il y a très souvent nouvelle donne ; il est dérisoire d’imaginer que tout homme est capable d’obéir corps et âmes à un nouveau chef tous les ans. Il faudrait passer à un mode de gestion plus participatif, au lieu d’un management direct le coaching participatif accompagne des success stories en montrant le sens de l’action et en ne l’imposant pas.
Quand je pense qu’il existe encore des managers qui imposent les objectifs aux forces commerciales sans consulter ces dernières et en décidant cela à la grosse louche, le chemin est encore long pour bien des entreprises. Il n’y a pas de recette magique, mon point de vue est qu’on ne peut plus imposer, qu’on doit faire participer et présenter à chacun le poids qu’il va avoir dans la réalisation des objectifs de la société. Envoyer un mail à l’ensemble des salariés en les félicitant des magnifiques résultats part d’une bonne intention mais mieux vaut y préférer des attentions managériales participatives de tout les jours, à tous les niveaux hiérarchiques, reconnaître l’autre en tant qu’individu unique et pas comme un simple rouage, lui faire partager sa vision et la vision de la société, en gros communiquer, souvent et honnêtement en écoutant toujours et encore.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je viens de Viadeo et de la sur votre blog ma foi fort intéressant. Quelques réflexions sur le "sens au travail"...j'ai travaillé 13 ans en trois huit... fonderie... l'enfer. 1990, déjà des objectifs démentiels, des "petits chefs", des syndicats achetés, des crédits à payer... plus de grève...Mais beaucoup d'entraide entre nous, beaucoup d'échange et de présence... Je pense qu'on a isolé les gens sur leurs lieux de travail. Ils sont seul devant leurs objectifs...De mon temps il était encore possible qu'un collègue vous aide à finir la journée. On a "égoïser" les gens pour mieux les dominer. Ce qui a beaucoup changé (c'est que les anciens me disent) c'est l'absence de solidarité au travail. Et puis l'impression de s'être fait avoir par de belles promesses de lendemains meilleurs.... Nous aussi on nous a proposé la participation, les cercles de qualités…. Tout ça pour mieux nous « foutre à la porte » …. (J’ai été licencié économique après avoir multiplié la production de mon secteur par 2 et divisé l’effectif par 4 !!!) L’Entreprise moderne enferme les gens dans diverses névroses (Je ne suis pas psy) Par exemple On vous demande de travailler plus et tout vous semble plus cher. Vous voulez un gros salaire mais que tous soit gratuit…. Les contradictions se transforment en frustration puis en dépression. Il ne faut d’ailleurs pas isoler le problème à l’entreprise car je pense que si les travailleurs vivaient de façon équilibrée à l’extérieur, ils pourraient mieux supporter les contraintes mais la réalité pour un type de 35 ans aujourd’hui c’est parfois (souvent ?) un boulot qu’il n’arrive pas à faire (trop dur et il est mal préparé …), un divorce en cours, des enfants qui au mieux l’ignore…. Ou lui demande de l’argent….Quand on sait que jusqu'à 20 ou 25 ans la plupart de ces gars on été dorloté dans un confort ouaté par des parents aimant………C’EST DUR NON ? (Personnellement, lycéen à 15 ans c’était jardin et bucheronnage tous le week-end... j’ai détesté mais plus tard devant l’établi, j’ai compris que manger un peu de vache enragée affermit le caractère) Et pour la femme, une course contre la montre permanente entre l’emploi, les travaux ménager, et la peur de manquer pour l’éducation et l’épanouissement de ses petits chéris, et la pub qui vous fait croire que vous êtes le dernier des idiots si vous n’avez pas le dernier ceci ou cela….etc etc ……Moi je m’étonne au contraire de la résistance des gens et je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas plus de suicide en entreprise… Voila ces quelques réflexions pour vous dire que ce problème est fort complexe et que chacun doit trouver sa voie. 1 suggestion cependant REMETTRE AU GOUT DU JOUR LA PHILO AU LYCEE POUR TOUS ET SURTOUT POUR LES FUTURS TECHNICIENS ET DECIDEURS. Je rencontre de plus en plus de JEUNES « gros » décideurs dotés d’un sens moral, critique, ….Inexistant….et dont la force morale semble très en dessous du niveau de leur salaire! Gare à la chute ! Quelques lectures de bases me semblent quand même minimal e pour aborder un peu plus « sagement « la vie. Mais comme dit l’autre : « Bah l’histoire, la Philo, ça sert à rien tous ça…. Fais du commerce ! » et puis est ce que le système a réellement besoin de citoyens équilibrés, éduqués, critiques, responsables….avec ce genre de personnes je pense que 80% des services et biens de consommation ne serait tout simplement pas achetés !!!!!!!!!!! hum… pas bon ça !
Bon web end et peut être à bientôt.

Thierry Carmaux, 49 ans, Chef d’entreprise autodidacte, 1300 euros/mois, pas de télé, pacsé et toujours amoureux, beaucoup d’amis (des vrais), dernière lecture « les Bienveillantes » de Jonathan Litvel, un auteur de votre génération, je crois.