lundi 3 septembre 2012

La nébuleuse du Crabe et autres récits autofictifs.

Je passe après la bataille vous me direz, près de 20 après la parution de ce roman d’Eric Chevillard La nébuleuse du Crabe. En pleine rentrée littéraire, pas très actuel, et pourtant quand on découvre un génie poétique on peut bien s’extasier avec un peu de retard. Peu de temps après avoir vu la poésie sur grand écran grâce à Holy Motors, je l’ai vue entre mes mains dans ce récit protéiforme d’Eric Chevillard. Chevillard qui est pour moi (et d’ailleurs pas que pour moi, ayant une large notoriété aujourd’hui, même si renommée n’est pas souvent égale de qualité) un des génies littéraires du moment. Je l’avais découvert par hasard avec Du Hérisson, pris par son style si juste, drôle et cruel. Cette histoire de hérisson qui apparaît sur la table d’écriture d’un auteur confronté à la page vide, cercueil créatif scellé par la présence inopinée de ce petit être mangeur de gomme m’avait happé. La beauté absurde et décalée m’avait subjuguée. Me demandant tout de même plusieurs fois si je comprenais bien ce que je lisais, me mettant à prêter à l’auteur tout une ribambelle d’allusions plus jouissives les unes que les autres, j’ai toujours gardé en tête ce créateur comme majeur, n’ayant pourtant lu qu’un de ces livres à ce moment là. 
Arriva ensuite Palafox, dans mon ordre de lecture, publié en 1990, livre où la cruauté et la monstruosité n’ont pas de bornes et pourtant livre angoissant, émouvant, amusant, dérangeant. En profitant des versions de poches de quelques unes de ces œuvres (hélas seulement un nombre limité) me voici donc en compagnie de Crab, véritable allégorie multiple, Protée d’apparence, de sentiments ressentis et communiqués. Comme si Crab était l’Homme dans son entièreté. Chevillard arrive à présenter en Crab l’humanité presque‘entière aussi bien dans sa superficialité condamnée que dans sa profondeur sentimentale. Ainsi comme le génère Oscar chez Carax, Crab nous fait vibrer, nous fait peur, nous donne envie de vomir, nous enchante, nous faire rire, suscite l’admiration, la crainte, l’indignation. 
N’est-ce donc pas ça la vraie beauté artistique, la communication des émotions, expérimenter les territoires avancés des sensations et les mettre à la portée du plus grand nombre. Pas besoin d’être un fin lettré, disciple du Littré pour comprendre Chevillard, son style est extrêmement limpide, précis, implacable à vrai dire. Il faut être ouvert d’esprit, prêt à lire un roman non romancé, sans véritable histoire linéaire, mais plutôt une série d’émotions. L’humour chez Chevillard, et cette prise de distance quant à son sujet sont exceptionnelles. Il est sans doute un homme d’une finesse extrême qui ne se dépense pas en histoires narcissiques infantiles. 
Merci M Chevillard d’avoir déjà fait tout cela, il m’en reste encore beaucoup à lire et c’est un plaisir de l’imaginer. Pour les plus curieux qui se demandent ce qu’il en est, commencez par son blog l’auto-fictif, duquel sont tirés régulièrement des ouvrages. Le format de trois paragraphes par jour, respecté à la lettre vous feront rentrer dans l’univers de ce grand écrivain. Le blog est ici. Et surtout si vous ne comprenez rien, arrêtez d’essayer de comprendre et laissez vous porté par la vague, vous ne le regretterez pas.

1 commentaire:

Philippe Louchet a dit…

Est paru aujourd'hui le dernier ouvrage d'Eric Chevillard, l'Auteur et moi. Voir une critique sur le blog de Pierre Jourde. Du hérisson sort aussi en poche.