lundi 7 septembre 2020

Journal d'avant 40 - 7

Journal d’avant  40 – 7

Ce requiem de Verdi, ça dépote tout de même. Je suis tombé sur la rediffusion du concert en l’hommage aux victimes du Covid. Concert dans le Duomo de Milan avec l’orchestre et le chœur de la Scala, devant un public parsemé, précautions obligent. J’ai foulé pour la première fois il y a peu le marbre de cette impressionnante cathédrale. Un endroit grandiose et sombre à la fois, comme ce requiem qui vous met une claque et qui vous emporte en même temps. L’art tente de résister et de faire du bien, car oui franchement être en face d’un double chœur qui vous balance son Libera Me ça fait quelque chose, les poils se dressent, les larmes arrivent. Il y a de plus ces parties et ces lignes de chant intimes qui sont magnifiques. Milan renaît en partie à travers ce concert et montre que ce qui fait notre humanité ne doit disparaître. On peut reconnaître plusieurs tors à l’Italie, et nous fûmes les premiers dans nos pays à les condamner lors du début de la première vague, mal organisés, dépassés, alors que sans doute pas un pays d’Europe en première ligne et en pionnier ne s’en serait mieux sorti quand on voit le chaos que ce fut partout. Ils étaient juste les premiers. En dehors de ces reproches relevant plus du cliché que du réfléchi, les Italiens ont l’énorme avantage de considérer l’art comme faisant partie de la vie et n’étant pas ni anecdotique ni optionnel.

Je ne vais pas partir dans les a priori négatifs, mais vous me passerez d’en faire des positifs. J’ai cru remarquer que les conversations abordaient plus rapidement  la musique, la gastronomie, la peinture en discutant avec nos amis transalpins qu’avec le reste de l’hexagone et du plat pays. Bref je ne veux pas ici juger mais juste pointer que l’art ne doit pas être considéré comme optionnel. Les régimes qui l’ont contrit sont ceux qui ont ravagé la planète par des purges et des génocides. Ne pas prendre les demandes de relance des évènements et concerts est soit irresponsable soit criminel de la part de nos dirigeants. Cela revient, en plus d’enlever une certaine sève à la vie, à scier une partie du pacte social qui a régi nos sociétés du 20 et 21e siècle. Je parlais hier de David Graeber et des jobs à la con : si pour ceux qui en ont conscience vous leur ôtez leurs échappatoires que cela va-t-il donner ? est-ce viable ? est-ce stable ? Non sans doute. Et le tic-tac, et les jours qui passent dans cet état fortement dégradé deviennent de plus en plus insupportables.

L’épanouissement par l’art, sous quelque forme qu’il soit peut heureusement se faire de différentes façons. Certains diront même que des passements de jambe avec un ballon relèvent de l’art, peut-être pas directement mais si l’effet est assimilable, pourquoi pas. Le fait d’avoir à nouveau des matchs de foot a détendu certaines conversations qui ne tournaient qu’autour du Covid. Nous avons eu les matchs de champions’ league pour apporter sujets de discordes ou d’amour, et l’on parlait moins de ce virus. Du pain et des jeux. On peut remettre en cause cette société, c’est un autre débat, mais si l’on prend la même et qu’on l’ampute des jeux ce n’est pas tenable. Les politiques devraient y réfléchir. Certes oui l’usage de la force peut contraindre, mais c’est l’effet marmite. Et même si dans certains pays, les habitudes ne sont pas à la révolte, rien n’est immuable. Même dans un intérêt purement machiavélique les politiques devraient aider cette partie de nos vies qui fut jusqu'à présent sacrifiée. Et puis si ils veulent que les acteurs soient masqués, nous auront l’impression de repartir quelques deux mille ans en arrière dans le théâtre antique.

Si ce n’est pas le cas, dans un monde confiné ou proche de l’être, les livres, la littérature sont sans doute les plus grands alliés qui nous restent. Ils peuvent sauver, comme l’écriture aussi. C’est d’ailleurs le thème du roman de Joseph Ponthus que je lis actuellement : A la ligne. Il décrit le quotidien d’un homme travaillant en intérimaire à la chaîne et qui pour ne pas perdre sa santé mentale, nomme les choses, écrit et donne du sens à sa vie malgré ce travail abrutissant et déshumanisant. Intéressant et pertinent.

Sur ce à demain.  

Le concert mentionné ci-dessus est disponible jusqu'au 20 septembre sur : https://www.arte.tv/fr/videos/098914-001-A/requiem-de-verdi-au-dome-de-milan/

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