jeudi 29 octobre 2020

Nouvelle - Histoire de Rien 10

Histoire de Rien – 10 – Nouvelle – Fiction

C’est un nouveau printemps. Les arbres sortent de leur fausse torpeur, les animaux de leurs terriers, et moi avec eux. Il fait déjà bon. Je n’ai pas pensé à grand-chose, juste résister, attendre des temps plus propices. Hiberner en quelque sorte. La vie m’est devenue plus délicate depuis que je suis privé de l’homme. Je guette pourtant. Mais les contacts sont inexistants. Nous n’en voyons tout simplement plus, en tout cas plus de près. Les chemins ont été recouverts, on peut à peine discerner les précédents élagages. Grâce à un petit mulot me voici dans la gueule d’une chouette. Je ne sais si je vais pouvoir y prospérer. C’est la nouveauté, l’aventure. Des sensations garanties et puis si ça fonctionne j’aurais assuré mes prochains mois, voyageant dans les airs, allant plus loin que mon hibernation ne me le suggérât. Avec un peu de chance j’apprendrai ce qu’il s’est passé chez mes anciens colocataires.

Ici il y a tout ce qu’il faut, les rongeurs ne rongent plus leur frein depuis belle lurette. Ils se méfient des renards tout de même qui ont quitté les villes depuis longtemps et qui après une période d’adaptation sont devenus à nouveau de véritables prédateurs. Ils sont beaux avec leur pelage et leur longue queue. En revanche dès qu’ils ouvrent leur gueule ils m’insupportent au plus haut point. Tant, que j’ai déserté leur entourage. C’est une chouette, sans doute plus téméraire que les autres qui m’a permis de voir de quoi il en retournait. Au petit matin, une course au travers de grands pins, anciennement plantés par l’homme m’a amené en bordure de forêt et là nous fumes surpris par ce qui s’étendait devant nous. Des baraquements à perte de vue derrière de hauts grillages. Je fus pris d’effroi mais d’appétit aussi. Il me fallait passer chez les rongeurs pour pénétrer dans ce camp hautement surveillé. Des grillages électrifiés, des gardes et même le bruit assourdissant d’un hélicoptère vint perturber mon hôte qui se cacha en pénétrant dans la cime des arbres.

Cela me prit encore du temps, mais le temps n’est pas mon ennemi comme vous l’avez vu. Aurais-je la possibilité de remonter à mes origines grâce aux hommes que j’allais retrouver. Ce sont les mustélidés qui m’ont ouvert les portes du temple. Un terrier, mais surtout des conditions de vie exécrables qui poussaient les hommes à dévier et à tenter de filouter, ne pouvant se sustenter de leurs seules rations quotidiennes.  

Me voici à nouveau parmi eux, mes nouveaux amis. Personne ne m’a encore vu et je me ballade allégrement entre les bâtiments. Les sourires n’existent plus, j’ai affaire à des zombies. Hommes ils n’en ont plus que le nom, enfin ce nom que moi je leur donne car ces hommes ne parlent plus. Ils ont chacun un bracelet qui s’anime à toute parole non autorisée en envoyant une décharge fatale. C’est efficace, il n’y a pas un mot. Parfois la nuit, certains maugréent des bribes dans leur sommeil comme des réminiscences d’un temps passé. Les organisateurs dans toute leur mansuétude n’électrocutent point dans ces moments inconscients. J’espère bien aller derrières ces portes, voir ce qu’il se passe, se rapprocher du pouvoir et retrouver mon espoir. Je ne baisse pas les bras. Je suis toujours là et pour un moment.

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