dimanche 11 octobre 2020

Nouvelle - Histoire de Rien 4

Histoire de Rien – 4 – Nouvelle - Fiction

Je me disais que si lui ne pouvait pas savoir d’où je venais, il ne subsisterait que  peu d’espoir pour moi dans cette quête. J’avais essayé plusieurs techniques, passant par des docteurs, des scientifiques afin de retrouver cette mémoire qui me faisait tristement défaut. Sans succès hélas. Donc avoir l’homme dit le plus puissant du monde sous la main me paraissait imparable. J’ai donc assisté à plusieurs meetings de sa campagne élective. Comme je le disais l’ambiance était chaleureuse, personne ne portait de masque, on se prenait dans les bras après de très longs applaudissements liés à je ne sais trop quoi. Je ne comprenais certes pas toute cette langue, mais les émotions étaient bien présentes. Il y eut beaucoup de hués également, les gens paraissaient s’accorder sur le sujet. Je n’ai posé aucune question.

Et puis la foule aidant, au fur et à mesure je me suis rapproché de l’équipe. Sans faire de bruit je fus comme accepté dans le décorum. J’étais étonné, moi qui avait tant entendu sur la sécurité et tout plein de choses. J’étais là, présent avec eux et je me voyais promettre l’accès à la Maison Blanche. Donald Trump hors caméra passait sa vie à dormir affalé dans un fauteuil, j’aurais bien aimé lui poser dans questions mais ça n’était jamais le moment. Et à un moment il y eu une réunion avec tout plein de nouveaux. Ils étaient tendus, certains portaient de beaux uniformes, Donald n’avait pas l’air en forme. Il annonçait qu’il était malade. Voilà bien ma veine, alors que j’étais proche du but, voici l’homme le plus puissant de cette planète qui a un passage à vide. Pourtant je le voyais dormir comme d’habitude, pas plus, pas moins. Je trouvais exagéré que certains ne le traitassent avec autant de distance, venant masqués au bureau et dans les appartements. Il me fallut donc quitter ce lieu de pouvoir qui me promettait tant. Après avoir pérégriné encore dans les pays des libertés personnelles et du rêve, me voici donc à rentrer vite en Europe. J’évitais l’Asie depuis un petit moment même si mes premiers souvenirs s’y trouvaient et quelle ne fut pas ma surprise de trouver à nouveau ce monsieur à l’air d’extraterrestre et ses sbires faire des annonces anxiogènes. Voilà, j’étais parti plutôt tranquillement, et à mon retour je trouve des pays qui décident une nouvelles fois de se priver de leur humanité. Car je ne sais si dans ma vie d’avant j’étais un habitué des cafés mais c’est une invention quasi divine. Un lieu, hors propriété individuelle où des personnes de différents milieux, avec différentes histoires peuvent échanger, se connaître, créer des liens, modérer leur véhémence résiduelle liées aux déceptions de la vie. Et me voilà à peine à prendre un café avec quelques nouvelles connaissances, qu’on me met dehors, la voix désolée, déçue, les larmes aux yeux.  J’aurais eu envie d’aider ce monsieur, aux tempes grisonnantes, aux rides profondes, et aux bras de camionneur qui est venu dire à la table que la tournée était la dernière, mais pas la dernière de la journée, la dernière tout court, qu’il jetait l’éponge, et pourtant il ne se trouvait nullement à la plonge à ce moment précis, qu’il avait assez de dette pour déshabiller ses enfants pour toute leur vie. Nous sommes donc partis sans payer, la parole troublée.

C’est beaucoup moins drôle de marcher devant ces devantures qui donnent du souffle aux villes, qui sont autant d’îlots d’espoir que des écueils de désillusion. Mais voilà, ils semble que je ne connaisse que des pays en tension. J’aimerais bien me souvenir de temps plus heureux, moins inquiets. Car les dernières discussions que j’ai pu captées dans le café tournaient autour du sujet, si j’ai bien compris les gouvernements, sans doute sous le joug d’une domination extraterrestre ou juive, les deux messieurs moustachus qui discutaient au comptoir n’étaient pas d’accord avant que le serveur ne vint les mettre d’accord leur disant que c’était sans doute la même chose et qu’il ne cite Al Quaïda et les Chinois, prennent la décision d’empêcher les enfants et les gens de vivre normalement et donc de préparer les générations futures afin de protéger les plus vieux qui ont déjà un pied dans la tombe. Et à ce moment ils se sont tournés vers un certain René, un vrai vieux, qui tient debout essentiellement grâce à la résistance qu’offre le flipper à son dos qui ne cesse de vouloir s’évader en arrière. René s’exprima, enfin il me parut qu’il grommela : «  M’en fous moi, je préfère sucer des bites que porter un masque, et quand j’étais jeune j’ai plusfgeoajgoeaj greugmaosnfz […] pas peur moi ! »

Je me demande ce que fait René aujourd’hui, seul chez lui. Au moins au café, il n’était pas seul et les serveurs qui le connaissaient bien arrivaient à le modérer, le rasseyait par moments et finalement confessaient aux autres clients que le whisky coca devenait du coca seul au fur et à mesure de la journée, déplorant certes qu’il ne puisse trouver le sommeil à cause de la caféine. L’un avait essayé une boisson décaféinée et René l’avait craché directement. Pauvre René, j’espère qu’il s’effondre au moins sur son canapé.

Aucun commentaire: