mercredi 13 janvier 2010

Histoire de mes assassins par Tarun J Tejpal

Pas toujours facile de trouver son bonheur dans la multitude de livres qui sont sur les étales. Et si vous n’avez pas de libraire à qui vous fier un tant soit peu vous êtes bon pour lire les ouvrages qui seront les plus médiatisés, de même si vous allez chez des libraires imbus d’eux-mêmes (voir article sur la Confession négative).

Alors voici un conseil de lecture d’un ouvrage dont mon libraire m’a parlé en des termes très justes : « c’est vraiment pas mal, l’histoire d’un type qui apprend sans trop comprendre qu’il y a eu une tentative d’assassinat contre lui. On suit l’histoire de chacun de ses assassins. Ca se passe dans l’Inde, et c’est pas mal foutu car si vous connaissez pas bien [l’Inde] ça vous fait découvrir le pays, et pas que les castes les plus aisés […] Oui, c’est quand même assez violent […] une traduction de l’anglais mais c’est pas mal écrit. Faut juste pas trop s’attarder en le lisant car il y a beaucoup de personnages et avec les noms indiens c’est pas toujours simple de s’y retrouver ».

Tout ça m’a semblé bien résumé à la lecture. Malgré un certain temps pour rentrer dedans je ne peux que recommander ce livre où il faut réellement plonger tête la première et se fixer d’avaler les 600 pages en un temps bref (2-3 semaines) si l’on veut ne pas s’y perdre. On est bien loin du Taj Mahal et l’esthétique indienne présentée par l’auteur est tout sauf blanche, vêtue d’une pauvreté et d’une violence par moments terrifiantes.
L’histoire du journaliste, celui qui apprend à sa grande surprise qu’un assassinat a été fomenté contre lui sert à la fois de fil conducteur au parcours de cette Inde de basse caste et de référent contrasté, opposant le mode de vie « nanti » occidentalisé à la précarité des plus nombreux. D’un côté jeux politiques, délits d’initiés, services secrets, de l’autre poussière, décharge, quais de gare, prostitution et mort.
L’auteur évite fort heureusement de s’aventurer dans un système manichéen qui ne pourrait que lasser le lecteur mais y préfère fort justement une narration brute et directe, avec finalement très peu de parti pris. Le point commun des 5 histoires (4 plus exactement mais je vous laisse découvrir pourquoi) se trouve dans la relative fatalité de la trajectoire de chacun. Comme si toute qualité ne pouvait faire échapper une personne ordinaire à sa basse caste, à sa pauvreté et à l’ignominie des plus puissants. Ainsi Chaku, Kabir, Kaliya, Chini et Hathoda, coupables de tentatives d’assassinat sur le journaliste aux valeurs morales aléatoires, que l’on peut aussi bien aimer pour sa position première de victime que détester à cause de sa position attentiste, lointaine et nombriliste quant aux évènement qui lui sont rapportés, sont aux prises avec leur destins et vous verrez que même Vishnu y met son grain de sel, comblant de cruauté le dénouement de l’histoire.

Si vous êtes comme moi et n’avez de l’Inde que les images véhiculées par la chanson Kashmir de Led Zep, par le thé que vous en buvez et par l’histoire du mahatma, ce livre vous plongera dans la profondeur de ce pays. Vous sentirez à même votre peau la chaleur brûlante de la poussière, le dénuement face aux luttes d’influences et la vulnérabilité des mal-nés.
Encore heureux que ce pays ne compte pas près d’un milliard d’habitant, ni n’est une puissance économique émergente. Sinon nous aurions toutes les raisons d’avoir de profonds soucis vu le manque de respect des droits de l’homme et la corruption généralisée qui semble y régner. Et comme toujours il ne s’agit que d’un roman de plus et ne peut être pris au sérieux diraient les politiques …

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