mardi 19 janvier 2010

L'expert de Trevanian

Entre le classique du Giono et la sortie récente de Tejpal il restait à faire la critique d’une réédition, ou plutôt de la traduction dans notre langue d’un roman policier datant de 1974. Alors que les ventes de livres du secteur polar ont été redynamisées par les Millenium et les Camilla Läckberg ce type de roman a-t-il encore une chance ?

Pas évident. Pour une fois je vais vous parler d’un livre qui m’a peu emballé, pas au point qu’il m’en soit tombé des mains malgré tout. Certains passages valent le coup mais hélas peut-être est-il un peu tard de le lire en 2010 pour être surpris pas la noirceur, la violence et la crudité nue du parcours de cet agent spécial. En faisant un effort de recadrage par rapport à ce qui pouvait s’écrire dans les années 1970 dans ce style on peut être certes plus indulgent.

Trevanian est comme le dit la 4e de couverture l’un des auteurs les plus mystérieux de ces dernières années … Il eut un grand succès (des millions de livres vendus en 14 langues à travers le monde) et mourut sans qu’on sache trop comment, surement dans les Pyrénées. Certes cette mini-bio nous entraîne sur la voix de l’identification de l’auteur à son héros, Jonathan Hemlock, alpiniste de passion, expert et collectionneur d’art pour le grand public, et tueur à gages pour une cellule secrète du contre-espionnage américain. Et pour couronner le tout qui souhaite qu’on le laisse tranquille à la retraite.

L’expert est le deuxième ouvrage consacré aux aventure de ce héros et sans doute est-il préférable de commencer par le début c'est-à-dire La Sanction.
A part quelques violences physiques inédites, comme le supplice imposé à un agent découvert et le concept de pâturage, pas grand-chose de surprenant. Il y a des agents doubles ou triples, un héros super puissant qu’on sait déjà dès le début imbattable et beaucoup de morts. Sans doute la conception de nos héros a-t-elle changé. Les héros virils et tout-puissants sont moins à la mode et nous font plus figure de dinosaures que de modèle inébranlable. Le lecteur souhaite aujourd’hui pouvoir s’identifier à celui dont il suit les aventures, hors Trevanian par ce choix du héros absolu n’en offre pas la possibilité. Cela fonctionne malgré tout mais devait rencontrer plus de succès il y a quelques années. Aujourd’hui nous sommes trop habitués aux héros perturbés car ils ont fait caca-mou, qu’ils sont harcelés par leur patron ou parce qu’ils enchaînent les déboires sentimentaux. Les amateurs de Rambo y trouveront cependant leur compte mais pas forcément ceux de Snatch.

Il n’y a pas que cela, car bon nombre d’histoires avec des héros tout puissant ou archétypes d’une ancienne école tiennent la route. Il s’agit sans doute d’un manque de rythme. Les choses s’enchaînent trop vite pour se décanter. On a à peine le temps d’être dans l’ambiance que l’adversaire est déjà mort. Les descriptions ne sont pas assez incisives ou trop courtes. Seule la psychologie du héros semble un tant soit peu travaillée, celle des adversaires est trop simpliste et voudrait fonctionner grâce à des images chocs comme la nudité constante d’un des personnages clés. C’est hélas de la poudre aux yeux. Les personnages sont inachevés et ce roman donne l’impression qu’il a été malgré tout écrit à la va-vite. Évidemment l’accélération du rythme vous permettra tout de même d’aller jusqu’au bout de ces 300 pages mais vous aurez un goût d’inachevé. Finir des histoires par des morts est un procédé que je trouve trop simple et évident d’un point de vue scénaristique et je regrette que cette multitude de personnages qui gravitent autour du Hemlock ne soient que de piètres faire-valoir. Je regrette que l’auteur n’ait pas pris plus de soin au traitement de Mac Taint par exemple, une bonne idée à la base mais qui n’est pas exploitée.

Pour ne pas condamner l’ouvrage, vous passerez un moment sympa mais il ne vous en restera pas grand-chose. Idéal pour un voyage en train dans un wagon surchargé par les cris d’enfants, au moins vos envies de meurtre se réaliseront sur papier.

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