mercredi 20 janvier 2010

Dogville, une maîtrise en abstraction.

Non il ne s’agit pas d’un message égaré écrit il y a 7 ans mais bel et bien d’une critique actuelle de ce film de Lars Van Trier.
Et vu le genre du film ça tombe plutôt bien car il est loin de prendre un coup de vieux.
Même si je suis relativement opposé à la vision du cinéma de Lars Van Trier je ne peux qu’avouer que ses films contribuent à son histoire. Alors comme disait un vieux motard que j’aimais bien, il ne faut pas se priver de qu’on aurait pu faire hier.

7 après la sortie remarquée de ce film, avec une Nicole Kidman au top de sa notoriété et venant à Cannes après le très remarqué et encensé Dancer in the Dark palme d’or 2000, la mise en scène adoptée et qui révolutionnait à sa façon le monde du cinéma reste inédite (seul LVT a continué sur le même principe avec Manderlay deux ans plus tard).
Pas de décors réels, de studio reconstituant fidèlement un environnement, juste un hangar éclairé avec une ville figurée par des contours à la craie. On peut être sceptique mais c’est très intriguant de voir à quel point cela fonctionne et le dramatique qu’il est facile pour lui d’en tirer. Dans un monde où le spectateur voit à travers les murs, le fait qu’un personnage ne réalise pas ce qu’il peut se passer de l’autre côté d’un mur nous est intolérable. Comme si nous ne pouvions plus supporter l’indifférence. Et cette indifférence relative des personnages face au dénuement, et même plus tard son exploitation sont mis à rude épreuve.

Qu’est ce que Dogville ? une petite ville perdue, reculée ou de pauvres gens y travaillent selon une mécanique bien réglée, pas huilée, car là bas il n’y a pas d’huile pour que tout aille bien. Ca croque mais ça continue jusqu’au jour ou justement ce qui pouvait apparaître une paille de métal entravant ce rouage, s’avère être un doux lubrifiant. Cette huile extra-vierge, interprétée par une exceptionnelle Nicole Kidman est, en dehors de la ville, le personnage principal. Cette pauvre femme (sujet qui passionne LVT) vient donc chercher secours et sera prête dans une bonté naïve à accepter jusqu’à une diminution de sa liberté individuelle et un asservissement de son humanité pour se faire accepter. Je ne vais pas gâcher le suspens ici car cette histoire vaut le coup d’être appréhendée par des yeux naïfs. Ce n’est pas qu’il y ait des surprises scénaristiques abracadabrantes, mais il ne faut pas courir plus vite que la musique sans quoi vous pourriez passer à côté des infimes petits changements de luminosité.

Comme tous les films de Van Trier c’est sombre très sombre et ça ne laisse pas de place au vagabondage de votre esprit. C’est horrible et on vous le fait sentir, c’est ce que souhaite le réalisateur qui calcule à quels moments l’effroi doit pouvoir se lire sur votre visage.
Cette vision est pour moi gênante car elle supprime toute dose de poésie artistique pourtant fort utile au cinéma. Ne pas savoir où l’on est, quoi ressentir exactement, imaginer des choses grâce aux images et ne pas être pris et enfermé dans une pensée unique par elle, c’est de l’art. Ici, ce n’est pas le cas même si c’est très très bien fait. Vous me direz c’est une question de goût, quand on est devant un X-men, malgré les fausses considérations philosophiques le monde est absolument manichéen et le plus grand nombre de spectateurs semble s’y retrouver, se laissant aller à ce qu’on lui dit être bon ou mauvais. Ce film n’y est pas comparable, le publique auquel il s’adresse de par le parti pris de mise en scène dans un décor abstrait et une lumière glauque est bien différent.
Mais il reste que l’asservissement du spectateur semble être recherché. Si l’on ne peut en être certain, les sentiments et les personnages étant plutôt travaillés et la frontière entre bien et mal inexistante, il suffit d’attendre le générique de fin. Dommage d’en avoir remis une couche, c’était bien assez lourd comme cela.

Préparez-vous car ce film dure tout de même 3 heures, vous ne vous ennuierez pas (ou pas beaucoup pour les plus impatients) en revanche vous en sortirez fatigué et un peu choqué. Un film à voir pour la nouveauté de la mise en scène et la noirceur qu’il véhicule.

Pour ceux qui souhaiteraient se plonger dans d’autres œuvres danoises et respectant cette fois-ci les principes du dogme n’oubliez pas ce magnifique film qu’est Festen (1998) de Thomas Vinterberg, pas très gai mais plus proche de nous et extrêmement moins manipulateur dans la façon dont l’histoire est traitée.

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