dimanche 29 novembre 2009

De la lecture négative - inspiré par la Confession négative de Richard Millet

Un de mes amis, critique littéraire à ses heures, m’avait envoyé le lien pour l’une de ses critiques qui me donna envie de me procurer l’ouvrage dont il était question, La Confession négative de Richard Millet.

Je ne vais pas refaire le match car vous verrez que je n’ai rien à ajouter à la critique littéraire précitée. En revanche cette aventure a mis en exergue un autre problème, celui de la censure passive et de la mauvaise lecture. Je ne connaissais pas Richard Millet et n’avais qu’une peur lorsque j’ai pris connaissance de son nom, qu’il soit de la famille de Catherine Millet et qu’il ne soit pas plus doué qu’elle. Je vous rassure, cet homme est un écrivain, c’est d’ailleurs le thème de sa Confession négative. Alors me direz-vous qu’y a-t’il à censurer sur ce thème, bel et bien rien en théorie, à moins que les propos soient jugés sans avoir été lus, ou bien qu’ils l’aient été avec un nombre d’aprioris trop grand.

Relativement optimiste, le livre n’ayant que deux, trois mois d’existence je me rends dans la plus grande (en terme de superficie) librairie de la ville, me hasarde dans différents rayons, tâtonne, m’y prends scientifiquement, par style, par auteur, par collection, rien sauf quelques ouvrages à la tranche légèrement jaunie en collection de poche, mais pas le dernier récit de Millet. Combattant le dégout que m’inspire l’échange avec la vendeuse qui m’avait déjà par plusieurs fois égratigné les oreilles en faisant l’éloge d’ouvrages extrêmement médiocres comme ceux de Angot ou encore Beigbeider, je lui demande si elle peut dans son extrême bonté m’indiquer si oui ou non ils ont l’ouvrage en stock. Au nom de Millet, son visage se glace, le ton devient presque toisant et elle me gratifie d’un snobinard : « Il faut que je regarde je ne lis pas ce genre de chose » suivi d’un « C’est un essai n’est-ce pas ? » pour me montrer son omniscience, même sur les choses qui ne sont pas digne d’intérêt.

Il s’agit non pas d’un essai, mais bel et bien du récit autobiographique d’un jeune homme qui s’aventurera au Liban et participera à la guerre civile aux côté des Chrétiens qui se sont opposés à l’installation et à la prise de pouvoir de Palestiniens d’antan soutenus par le bloc de l’est. Ayant rejoint ce qu’on dénommera dans notre presse comme les phalanges libanaises ou maronites, connotant négativement ce mouvement dès le départ, l’opinion d’alors préférant supporter les causes progressistes et un peu plus rouges, il portera dès lors et à tort la marque d’une espèce de facho anti-musulman. N’ayant pas hésité à tenir des propos durs envers ses confrères et ses détracteurs, non adepte de la langue de bois, appelant un barbare non tolérant et criminel par son nom (un terroriste) , Richard Millet semble être l’antithèse de l’écrivain à la mode chez nous. En général soit un gars de bonne famille faisant à moitié le rebelle et s’étant fais vivre en allant assister à la commémoration de la chute du mur de Berlin ou en assistant à la célébration de la victoire de Sarkozy place de la Concorde soit une fille à problème qui passera 25 romans à nous dire que ça y est, à 55 ans et sans doute un peu grâce à la ménopause, elle a enfin eu son premier orgasme avec un gars dans un bar qui avait le regard sauvage, des mains de camionneurs qui contrastaient avec son nez fin de dieu romain. Pas de fioriture dans cet ouvrage, de la perdition et de l’oscillation entre l’enfer sur terre et l’enfer mental, sentiment de malaise, volonté de trouver sa voie, quelque peu trop de madeleine de Proust à mon goût au, du sang, de la chaleur, des pulsions sexuelles violentes, de la littérature …

Partant bredouille avec ce nuage gris au-dessus de la tête apparu depuis ce jugement nauséabond de la vendeuse de Filigranes, je n’emplois pas le terme libraire qui relève d’un certain professionnalisme qui fait cruellement défaut à cette assidue lectrice des Madeleine Chapsal et autres gloires littéraires que j’aime tant…

Ne capitulant pas j’eu la chance de trouver un exemplaire dans une autre librairie où je traçai mon chemin solitairement en me gardant de demander aux vendeurs souhaitant éviter la lapidation publique en un si beau dimanche.

Par la suite j’appris qu’il y avait un réel boycotte autour de cet auteur, qui pourtant était publié dans la blanche de Gallimard, pas rien mon garçon. Sans doute est-ce dû à son radicalisme littéraire qui n’épargne presqu’aucun de ses « collègues ». C’est bien dommage, surtout de juger sans lire, c’est dangereux. Si l’opinion s’était figée après guerre nous aurions été privés des ouvrages majeurs de Céline, Nietzche, Heidegger, Morand et bien d’autres.

Alors que l’on se rend compte que notre système éducatif peine à enseigner à lire, les cours de rattrapage ne semblent pas seulement nécessaires pour nos jeunes collégiens mais aussi pour ceux qui se permettent de donner leur avis et d’user de leur position pour influencer les opinions. Et tout cela sans avoir essayé ni compris l’essence du texte. Alors avant de tomber sur un bon libraire, et heureusement il y en a plus que ce qu’un pessimiste peut penser, jugez par vous-même et dès que vous aurez acquis une certaine connaissance d’une œuvre, attention, c’est précisément à ce moment que les risques de faux sens sont les plus grands.

Les œuvres sont d’autant plus complexes qu’elles ont une partie réfléchissante perturbante et trouble, le lecteur ayant sa part de responsabilité dans la compréhension qu’il en a. Ce furent bien souvent les lecteurs commettant les plus grands faux sens qui tâchèrent l’histoire de leur morbide passage.

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