lundi 26 janvier 2015

On prend les enfants pour des c###

Dimanche en famille. Temps maussade comme de mise cet hiver. Nous décidons d’aller voir un spectacle pour enfants. La vie du jeune Mozart au Théâtre du Péruchet dans la région de Bruxelles. Le court descriptif est assez flatteur. La vie du jeune prodige, spectacle joué et musical. Parfait.
Après s’être garé dans ce quartier résidentiel du sud de Bruxelles, nous découvrons une très vieille bâtisse au charme pittoresque. Les enfants sont excités, “moi je suis trop content que tu nous emmènes au spectacle papa” Joie et fierté paternelle.
Porte vieillissante qui grince légèrement à l’ouverture. Accueil plutôt chaleureux, comme le prix, pas de discrimination ici 9€ pour tout le monde, du bébé au vieillard. La salle est une vieille grange tout en longueur, hélas plan incliné. Devant des bancs réservés aux enfants ou aux quelques rares parents pouvant se planquer le long du mur en bout de rangée afin de rester non loin de leurs progénitures. Derrière des fauteuils pour les parents.
 
Première difficulté, la séparation entre les enfants et les parents. Tant bien que mal je me cache en bout de rangée, les articulations meurtries par de trop insistantes flexions pour essayer de faire tenir les fémurs non de circonstance entre deux rangées. Ça se remplit. Dans ce temple de la bonne humeur, chez ces artistes prétendument non intéressés on ne rougit pas devant des petits encombrements, on pratique le surbooking (“Ah vous n’avez pas réservé, on est complet. Bon allez-y quand même il y aura peut-être des désistements. Rentrez. 18€ s’il vous plaît.”) Au bout de 10 minutes d’afflux continu, de bruits et autres jappements, la salle est pleine, et pourtant il en rentre encore, ça se serre, j’ai une petite fille qui n’est pas la mienne à moitié sur moi. Des plots Ikea sont sortis en guise de strapontins. Je finirai debout dans l’embrasure de la porte de sortie de secours. Proche du chaos, la tenancière essaie de mettre de l’ordre, bouscule des enfants pour les faire se déplacer et provoque la réaction des parents assis à l’arrière de la salle. S’en suit une joute verbale qui a comme seule qualité de faire taire la jeune assistance mais la perversité de tendre l’atmosphère et de ternir les sourires de joie que l’évènement suscitait parmi la jeune audience insouciante. “J’ai 50 ans de métier moi monsieur”. Je ne sais si la gérante au look de vieux pirate, tignasse usée et dent manquante attendait des applaudissements lors de cette entrée en matière mais ce n’en fut rien. Elle sonne sur une cloche au son feutré longtemps, longtemps et … longtemps, on sent de suite les 50 années d’expérience. Pas si facile de tenir le rythme, puis enfin les trois coups distincts, La Boule de Fort Boyard en aurait été jaloux. Elle occupe l’espace ou plutôt le temps, elle répète tout trois fois. Je me demande si elle ne meuble pas le temps qu’on raccommode les fils des marionnettes. Car il s’agit de marionnettes, nous n’avions pas bien regardé le descriptif finalement,  ou c’était omis, mais rien de grave à ce stade.
 
Ça y est, les enfants ont bien vu qu’il fallait trois coups pour lancer une pièce et voici la plus incroyable fumisterie qui commence. Du papier mâché avec une robe décorée, le père de Mozart, du papier mâché avec une robe plus courte, la fille, et enfin le plus petit, Mozart aka Wolfie. Ces personnages sont agités sans aucun talent, sans aucune mise en scène, pendant 20 minutes. L’homme qui agitait ces ficelles racontait une histoire à moitié inaudible, sa voie étant de façon intermittente couverte par les extraits musicaux de quelques sonates au clavecin écrites par l’enfant prodige. On change grossièrement des panneaux portant le nom des villes et l’orateur caché n’articule plus, se trompe, répète, répète et répète encore une fois les mêmes phrases simples. Les enfants ont du mal à rester attentif, bougent, se donnent des coups pour chasser l’ennui. L’entracte dans lequel on peut acheter des sodas et des friandises dure plus de 20 minutes, pas du tout intéressés par l’argent ces gens-là. Et puis le vieux pirate revient, tire une tombola, et là tout s’éclaire. Elle invite sur scène un grand enfant de 10 ans : “ Ah oui toi tu comprends. Mais ce n’est pas la même chose de voir l’Enfant Mozart à 4 ans qu’à 10 ans. Il faut le voir plusieurs fois (not interested in money certified person). Tiens je vais te poser une question à laquelle aucun enfant de 4 ans ne peut répondre. Qui était le premier professeur de Mozart ? - Son père.” Impressionnant, il y avait deux informations dans cette première partie, et il faut bien avoir 10 ans pour répondre à cela. Je ne montrerai pas de fierté à dire que mon fils de 4.5 ans avait bien évidemment la bonne réponse et sans doute même des plus petits.
La deuxième partie fut légèrement plus fournie mais tellement mal organisée qu’en effet elle était hors d’atteinte des enfants et que même en voyant cela 10 fois entre 4 et 12 ans, personne n’aurait été capable de restituer cette histoire sans queue ni tête et mal déclamée. En quelques mots, une très mauvaise histoire.
Le seul bon souvenir qu’en garderont mes enfants sera le ballon reçu à la fin et ils eurent la gentillesse d’en donner un de plus, remplaçant celui éclaté sur le trottoir de sortie. Je sais reconnaître les qualités.
 
Je n’ai jamais de ma courte expérience de père voulu insulter l’intelligence des enfants et c’est pour cela que je considère ce spectacle comme une honte, une injure face à la sagacité de ceux qu’il doit servir et ravir. Dora l’exploratrice (Yes we did it !) est bien plus éducatif et instructif (et je ne pensais pas une fois dans ma vie mettre Dora et instructif dans la même phrase, même quand Babouche y participe). Ces artistes qui ne savent évoluer en 50 ans ont traité les enfants comme des demeurés. Ce sont en quelque sorte des criminels qui tuent leur art. J’imagine vite des enfants penser après avoir vu ce spectacle qu’ils préfèrent regarder la télé qu’aller voir un spectacle qui les prend pour des cons, c’est le terme. Le décor était moche si pas inexistant la plupart du temps, tout comme les marionnettes. L’animation nulle. A peu de choses près, cela ressemblait à la lecture d’un audio-livre, on tourne les pages (essentiellement le nom des villes) et on met de la musique. Ah oui et même à 7 ans pour le marionnettiste, Mozart ne parle pas et n’émet que quelques couinements aux sonorités très étranges. Aucun sentiment n’est non plus décrit sauf l’émerveillement des villes où joue Mozart.
Le cadre est pittoresque je disais, la vieille rombière et le marionnettiste le sont aussi, restés coincés dans des illusions passéistes et sans doute gouvernés par l’avidité de faire 120 entrées à 9€ pour passer quelques morceaux de Mozart en faisant bouger une poupée. Ça paraît rentable même si j’ai peur que leur haute estime de l’intelligence humaine ne reflète la vacuité de leur et donc leur incompétence même à gérer cette manne providentielle.



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