jeudi 9 août 2007

Gangsters

Je fais partie de ces personnes qui sont capables de citer, à n’en plus finir, des titres de films de mafia. Elevé au western comme beaucoup, il n’y a qu’un pas pour se convertir aux westerns modernes, à ces films de gangsters où les méchants sont de vrais méchants et où les gentils sont tout aussi mauvais. Les Parrain sont bien entendu mes films de chevet, tout come les Affranchis ou les Kitano période Yakuza et d’autres...
Pourquoi ?
Pourquoi cela marche-t-il alors que c’est souvent la même histoire, souvent une histoire de famille bien différente de la notre. Voudrions nous inconsciemment être le fils d’un homme soit tout puissant soit fauché par le destin et une horde d’injustes à la mine effrayante.
Hier j’ai regardé un film, plus tout récent déjà (1995), Dernières heures à Denver avec Andy Garcia, film de gangster ou malfrats, qui ne semble pas plus différents que les autres de sa catégorie. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que ça ne tournait pas rond, du moins pas comme dans un film de gangster classique. Le plus souvent ces personnages vont réaliser des opérations très compliquées avec talent et même grâce pour certains, marquant tel cambriolage ou kidnapping de leur style.
Mais dans ce film c’est l’inverse, une mission qui paraîtrait tellement simple pour Danny Ocean est confié à Jimmy le Saint, ancien caïd repenti dans un business conventionnel et poussif. Cette tête gentille, ce visage même benêt par moments, se voit confier pas un ancien employeur un petit boulot : dissuader une jeune dentiste d’épouser la femme dont le fils du grand méchant est amoureux. Rien de plus simple une nouvelle fois pour Danny ou Takeshi (photo) qui auraient chacun à leur manière réglé le sort du jeune homme. On peut imaginer que le premier aurait fomenté un coup pour que la future mariée retrouve son promis dans les bras d’une autre, le second aurait été beaucoup plus direct et les rotules en auraient souffert.

Au lieu de cela, notre Jimmy décide de reprendre avec lui ses anciens camarades de prison. Pourquoi pour un si petit job ? Notre héros est en fait terriblement humain, comme tout le monde, il a besoin de se sentir épaulé. Il ne se sent pas capable de jouer les super héros, ce ne sera pas dans ce film que l’on verra un combat « un contre tous », même « un contre un », trop incertain. Et voici alors des portraits pas très drôles, qui sentent le camphre, au début cela surprend, et finalement c’est tellement ça. Des personnes prises dans leurs galères de tous les jours qui ne s’amusent que trop peu dans la vie et qui ne se sentent pas exister. Et c’est là, pour en revenir à mon sujet principal, que naît cette envie d’être extraordinaire, de se voir plus beau, plus puissant qu’on ne l’est, de ne pas se laisser dicter quoi que ce soit, de se sentir libre et de choisir sa liberté, pas celle des autres ou qu’on nous met sur le front la majorité passée. C’est pour cela que ces films nous inspirent, les amis de Jimmy le Saint ne rêvent que de ça aussi, des super héros, de ces gangsters toujours tirés à quatre épingles, choisissant leurs frivolités comme s’ils étaient dans un géant self-service à émotions. Ces quatre larrons gagent leur vie rangée pour 10 milles dollars seulement, et oui, dans la vraie vie pas besoin d’avoir des millions sous le nez pour prendre des risques car ce n’est pas cela là la réelle motivation. Ce qu’ils veulent c’est tuer l’ennui (voir mon autre blog).
Les voici tous les 5, sur une route déserte, déguisés en flics, arrêtant le jeune homme, tout devrait bien se passer pour n’importe quel héros de film de bandits que l’on admire, mais là non. Ce n’est pas le cas, ils sont mauvais, pas crédibles dans leur rôles, tout comme moi si je devais m’improviser policier, ils ne sont pas des acteurs, ce sont des gens d’une banalité atroce, ayant chacun récolté un grain de folie de leur séjour en prison, haut lieu de la réhabilitation sociale. Le jeune comprend que ce sont des faux flics, ne veut pas descendre, enchainement grave, insultes, débordement, l’un crac, coup de couteaux. Celui qui devait seulement avoir la frousse pour abandonner sa promise tombe mort. Et jeune femme qui dormait dissimulée à l’arrière du van sort, une balle dans la tête, réflexe non maîtrisé, suffit pour plonger nos 5 amis dans le drame. Ce ne sont pas des héros je l’ai dit, ils finiront tous victime de contrats inéluctables, le grand manipulateur ayant décidé de faire le ménage après cette double bavure. Pas de magie, pas de sensationnel, une réalité dure et poignante. Et ces hommes, nous n’en rêvons pas.
Ils nous font cependant très bien comprendre pourquoi l’on peut passer de l’autre côté de la barrière. On veut se la jouer, c’est exactement ça, être un autre personnage, plus fort certes mais ce n’est pas le principal, tous les héros ont leur faiblesse. Nous voulons tous jouer un personnage qui ne s’embourbe pas dans une vie quotidienne usante et peu surprenante, c’est pour cela que tant de spectateurs comme moi vénèrent des Tony Montana ou Mickael Corleone. Mais des Franky Four Finger nous ne sommes pas et quelque part tant mieux.
Dans tous les cas il faudrait toujours s’épargner un grain de folie dans la vie, pour ne pas prendre le risque de devoir y plonger pour de bon.

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