mardi 11 janvier 2011

Révoltes anonymes

Le mois de décembre a porté à ma connaissance un phénomène nouveau et fascinant.
Cela fait bon nombre d’années que l’on utilise et développe l’outil internet sans forcément avoir de réglementations comme celles de la vie physique et bon nombre de cas tombent dans un vide juridique. Comme les questions sur la sécurité, la confidentialité et même l’exactitude et le contrôle des informations.

Je me souviens il y a encore peu avoir pris peur en lisant sur Wikipedia que les requins étaient des mammifères. Je ne vais pas faire ici le procès d’Internet, c’est devenu impossible tellement cette quantité d’information et la rapidité de son évolution rendent caduque toute analyse. En revanche Wikileaks a changé la donne. L’information semble dans ce cas avoir surpassé tout contrôle, ou presque. C’est le premier énorme scoop 100% web. Devant ces fuites plus ou moins graves, les informations étant déjà connues des principaux intéressés, ce sont sans doutes les inspecteurs des RG et autres agences qui en ont été les plus incommodés, voyant d’un coup leur utilité mise à défaut par le géni (positif ou négatif en fonction des points de vue) de hackers. Est-il bien ou mal que Wikileaks rende de l’information hautement confidentielle publique, je vous renverrai aux deux articles du fondateur de Mediapart, dont je partage le point de vue (voir liens dans l’article précédent). En revanche cette révolte anonyme d’une communauté, ou bien d’un groupement qu’il est bien difficile à appréhender, étant pire que Protée, et auquel n’importe quel possesseur d’ordinateur peut potentiellement prendre part, est remarquable. Dénommée étonnement par le terme Anonymous, ce collectif parsemé est l’auteur d’attaques en représailles qui ont touché les sites qui sont devenus Wikileaks non-friendly comme Amazon et Paypal qui, ayant sans doute cédé à la pression politique, ont cessé de fournir leurs prestations contractuelles (paiement, hébergement) au site visé sans pour autant qu’un jugement n’ait prononcé la culpabilité de ce dernier. Le seul chef d’accusation reposant sur du “sexe par surprise” attribué au fondateur, aujourd’hui libre sous surveillance, l’affaire n’étant pas encore jugée.

Le collectif Anonymous se tourne aujourd’hui vers la Tunisie, en proie à une lutte inégale envers son pouvoir autocratique, népotiste et liberticide (voir article) Le contrôle d’internet y devenant total pour limiter la fuite d’informations et empêcher que l’opinion publique internationale ne puisse s’en mêler. Les attaques des hackers vengeurs se sont concentrées vers les organismes de censure internet tunisiens.

Comment cela marche : Je ne suis pas technique et vais donc exposer ce que j’en ai compris simplement. Des hackers peuvent utiliser une multitude d’ordinateurs qui vont envoyer des requêtes qui ne pourront aboutir au site visé, le site devant la multitude de requête ne peut plus répondre et plante. Ce phénomène de réseau est aujourd’hui même volontaire et tout le monde peut participer de son plein gré à cette chaîne en téléchargeant simplement un logiciel (LOIC) qui permet de coordonner en réseau les attaques, qui seront donc émises d’une multitude d’ordinateurs. Même un grand-père ayant du mal à comprendre pourquoi il y a deux touches à sa souris pourrait prendre part à ce type d’attaques.

C’est le deuxième fait d’armes similaire avoué et reconnaissable et il faut sans doute compter avec pour les prochains mois. Je n’ose hélas pas dire les prochaines années redoutant un contrôle et une censure du net généralisée. Le pouvoir affichant sans vergogne son déni de la liberté démocratique, ayant peur des fuites et de la publication d’informations le concernant.

Ces évènements (l’action d’Anonymous) peuvent marquer un tournant, consacrant les premières révoltes Internet. Non pas dans le fait qu’il y ait des attaques de hackers, cela a toujours été et restera constitutif du développement informatique et d’Internet, comme les virus le sont du développement de l’humanité. Mais dans le fait que des personnes de toutes parts, de touts pays, réagissent à ce qu’ils pensent ne pas être juste, ne pas correspondre à leurs valeurs, voulant défendre la liberté d’expression, la démocratie et luttant contre la répression dictatoriale. De ce fait 2011 est porteur d’espoir. Des mouvements comme Anonymous ou the Legions of Underground qui combat la censure du net en Chine ne peuvent que se développer.

Il s’agit d’une création de communauté transnationale, comme un réseau de résistance partageant un but commun : la liberté d’information et d’expression. Je trouve cela fascinant d’un point de vue sociologique de voir une conscience collective s’opposer, au-delà des frontières et des bulletins de vote à ces tyrannies de censeurs et à cette tendance qu’ont nos politiques de tout contrôler, ayant perdu confiance en leur propre capacité à gouverner à un peuple libre et critique.

Néanmoins des problèmes intrinsèques surgissent et pourraient sonner le glas de ces actes citoyens. Premièrement il s’agit d’actes hors-la loi, et même si Zorro a prouvé qu’on pouvait durer longtemps, il n’est pas certain que cela se passe sans heurts. Deuxièmement il pèse une incertitude sur les fins et les directions de ces mouvements. Imaginez un instant que ces réseaux de hackers puissent servir des intérêts contraires à ceux initialement poursuivis. Enfin ces tendances vont renforcer les mesures de contrôle sur internet et j’ai peur que d’une volonté de civiliser internet, l’on passe à un Big Browser y pourchassant toute liberté. Les déclarations récentes d’homme politiques comme François Mitterrand font froid dans le dos (concernant l’interdiction d’hébergement de Wikileaks en France).

Cette année s’annonce critique pour la liberté d’expression et la défense des valeurs fondatrices de la démocratie. En vue de toute prochaine élection il est important que les hommes politiques intègrent cela dans leurs programmes, afin que cette régulation d’internet demeure républicaine et que l’on puisse s’exprimer sur ce sujet primordial.

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