mardi 25 janvier 2011

La carte et le territoire de Michel Houellebecq

Rares sont ceux, dans ma génération, qui avouent être des novices de Houellebecq tant il oscilla entre phénomène de mode, dernier génie de la langue française ou encore usurpateur dénué de talent. Même si je l’ai pendant longtemps mésestimé par simple anticonformisme me voici il y a quelques mois devant l’ouvrage sur un étale, réalisant ma stupidité d’avoir laissé un préjugé guider mes non-lectures.
Je fais mon mea culpa et entre donc en possession d’un exemplaire de la Carte et le territoire sans savoir du tout à quoi m’attendre ce qui fait sans doute de ma lecture, une lecture assez neuve sur l’ouvrage d’un auteur étudié, disséqué et vilipendé maintes fois. On m’a prévenu : “tu ne devrais pas commencer par celui là, il est pas mal mais c’est vraiment pas son meilleur”.
Prévenu je prends l’ouvrage avec des pincettes. Les premières scènes et le schéma narratif est simple, assez classique et m’embarque plus par curiosité que par réel goût du style. J’ai trouvé cela assez froid, pas loin d’être chirurgical par moment. Pas que ce soit tranchant mais plutôt aiguisé, on sent que l’auteur est sur le fil, ne voulant pas faire décoller l’ouvrage ni le faire sombrer dans des histoires totalement dénuées d’intérêt.
J’ai été surpris par ce qui m’est apparu être des règlements de compte avec différentes personnalités (“le coming-out de JP Pernault) et par les placements de marque. Ce qui m’a fait m’interroger sur le rapport à l’argent de l’écrivain même. Rapport qui est mentionné par la suite lorsque l’auteur se met en scène, se faisant apparaître comme un personnage clé du roman. Du coup on ne sait vraiment plus sur quel pied danser. Je prends plutôt le parti que l’auteur ne se prend pas au sérieux et souhaite presque s’excuser d’exister, de ce qu’il est, morfondu dans un inconfort moral anéantissant.
En adoptant ce point de vue le personnage de Houellebecq prend un caractère inévitablement comique, et ce jusqu’à la fin. C’est ce qui m’a fait tant aimer cette troisième partie qui recèle de moments d'anthologie. Sans en dire trop celui de la cérémonie est tout simplement splendide. De même que ce déplacement de l’intrigue sur un terrain qui semble n’avoir que peu de choses en commun avec les deux premières parties pour mieux revenir au destin et à l’analyse psychologique du héros.
Au départ, ce héros, Jed Martin, plutôt un antihéros assez typique de la littérature française contemporaine, est en grande partie paumé, dans un état de semi-latence sociale, n’ayant pas grand chose dans la vie sauf ses quelques créations artistiques dont le succès nous est distillé au compte-gouttes par l’auteur. Orphelin de mère et avec un père qu’il pense plus absent que lui même mais qui s’avère être en fait son double du monde professionnel, Jed passe à côté de ce qui semble être les bonheurs communs de l’existence. Il ne peut pas aimer, ses névroses le poussent dans son art et l’excluent tout à fait. De ce fait le héros Jed Martin est sans doute plus un autoportrait de l’auteur que le personnage de Houellebecq (dans le livre) lui-même, ou plutôt il est ce qu’est Houellebecq et le Houellebecq du livre est la projection que l’auteur a de lui-même. En somme on pourrait avoir peur de tourner autour d’une fausse histoire, simplement égocentrique plus qu’autobiographie mais les ressorts scénaristiques, les pointes d’humour, les critiques des us et coutumes et autres dérives de la société en font un roman savoureux, sans trop de longueurs.
J’entends à droite et à gauche que ce n’est pas son meilleur, que ça ne vaut pas un Goncourt. Pas son meilleur, je ne peux pas juger, pas un Goncourt pas d’accord vu la qualité générale de la littérature française contemporaine. Plongez dedans, vous ne serez normalement pas déçu. Et si vous l’êtes je crois que vous êtes en phase avec notre triste époque littéraire.

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