jeudi 24 juillet 2008

Facebook, un démon social ?

On a dit beaucoup de choses sur les réseaux sociaux virtuels comme Facebook. Au début démonisés par les plus réfractaires à la technologie et les plus conservateurs, encensés par les adeptes des nouvelles tendances et qui se veulent à la pointe. Ce phénomène est déjà ancré dans les mœurs, on ne compte plus les ouvrages qui y sont consacrés ni les tentatives de copies qui fleurissent tous azimuts, entrainant des batailles juridiques inédites. Les luttes commencent, chacun veut sa part du gâteau, on semble parler aujourd’hui des sociétés les plus rentables (bulle internet is back ?).
Facebook et les autres VSN nous permettent de parler de notre vie quotidienne et nous accompagnent. Qu’ils soient là pour garder contact, s’orienter professionnellement ou sentimentalement, on y passe du temps et on market sa page comme un produit star destiné à être en tête de gondole.
Cette logique plutôt anglo-saxonne de la vente de soi à tout moment est même allée conquérir les irréductibles gaulois, aidés en cela par l’attitude starifiée du chef de l’état qui conforte les modèles de réussite matérialiste et la victoire du paraître sur l’être. On met sa petite photo, qu’on choisit malgré tout aguicheuse, et puis par acquis de conscience on en met une avec son enfant dans le nième album qu’on aura mis en ligne pour qu’on voie à quel point on a une vie coooool et réussie.
C’est un lieu de partage facile et universel, très pratique quand on veut communiquer par delà les frontières par exemple.
Les mœurs évoluent, de réseaux très privés c’est aujourd’hui la consécration de l’open networking. "Vivons cachés vivons heureux" semble appartenir à notre aïeul avec de la mousse sur les oreilles. Maintenant on en impose, on se montre.
Va-t-on plus voir une expo, où par ailleurs les plupart des toiles nous resterons obscures, pour en parler ou pour apprécier ? Moi-même j’eu un doute quelquefois devant la grande déception émotionnelle occasionnée. Il ne me restait qu’à en parler pour me réconforter. Grâce à Facebook, on sait même si notre ami à Taiwan était malade pendant la nuit, tout comme les 253 autres amis qu’on a. Tout de même pas évident de gérer tout ce flux d’informations critique, surtout en période de gastro. Et puis il y a en plus des statuts et des jeux qui sont des assassins de la productivité en entreprise (pas un jour sans recevoir des requêtes pour savoir quel savon je serais si j’étais exposé à une explosion nucléaire, ou quel chien star incarne le mieux mes valeurs religieuses) les albums photos.
On touche ici une autre dimension qui dépasse le simple désir exhibo de la plupart, qui dépasse le désir d’afficher sa réussite (enfant, voiture, maison). On se rend compte en passant d’un « ami » à un autre que toutes les photos se ressemblent dans le fond. Et là c’est le stresse, la panique, tic-tac, tic-tac. Gare à celui qui n’aurait pas dans ses albums toutes les étapes clés de la réussite. J’ai été pris d’effroi en voyant le nombre d’album mariage de untel et unetelle, et là presque de façon subliminale je me suis dit, « mince, quand est-ce que tu te maries déjà, ouf c’est dans quelques mois, tu ne seras pas pour trop longtemps honni par tes amis ». Cet outil de liberté et de communication ne serait-il pas en fait le meilleur (le seul) moyen pour confiner la liberté individuelle à un schéma préétabli. En effet je pense que peu de personnes créeront un album photo intitulé « Mes maîtresses ». Les canons de la réussite semblent avoir trouvé une nouvelle voie despotique plus discrète et pernicieuse que ne l’étaient les réseaux sociaux traditionnels auxquels on pouvait toujours espérer échapper un jour, ne serait-ce qu’en déménageant. Le piège est international, partout présent, les updates pullulent, untel vient d’avoir un nouveau boulot de conseil en stratégie, untel vient d’être papa pour la troisième fois.
Facebook serait-il donc la revanche ultime de l’instinct naturel, de la réussite primaire et de l’expression d’une puissance asservie sur la liberté de penser et de se différencier ?!

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