mardi 15 décembre 2020

Journal de 40 - 8

 Journal de 40 - 8

Ce matin je tombe sur un article du site féru de bien-pensance, Slate.fr. Non ce n’était pas un article sur la charge mentale des femmes intenable en cette période de Noël car ce sont les seules à qui incombe l’ingrate tâche de choisir les papiers cadeaux, en plus sur internet on ne voit pas bien les couleurs, si ça se tombe on aura tous des cadeaux moches sous le sapin (quelque part cette année comme personne ne les verra c’est moins grave non ?). Ni non plus un article sur des pauvres étudiants qui dénoncent la survie d’épreuves de culture générale dans certains cursus où c’est honteux qu’on ose poser des questions sur la forme de la Terre, alors qu’en fait, bah chacun croit ce qu’il veut, plate, ronde ou en forme de ballon de rugby. Ni non plus un article sur les harcèlements dans le monde des techniciens de surface, où un pauvre transgenre a fini avec un balais dans le cul en proie aux moqueries de ses collègues cruels.

Non il s’agit d’un concept que j’ai découvert, celui de « cripping up », je cite : « le malaise des handicapés joués par des valides à l’écran ». Rrrr, mais on tient là notre scandale de fin d’année, et encore je suis sans doute bien loin de la vérité. Le «cripping up», ou le malaise des handicapés joués par des valides à l'écran | Slate.fr 

Ce concept vient bien entendu des Etats-Unis et comme de plus en plus nous sommes assez stupides pou emboîter le pas. Et cela tombe sur Frank Dubosc et son premier long métrage. Déjà qu’ il est difficile de douter de la nullité du futur film, si en plus on lui savonne la planche ce n’est même plus du jeu. Les acteurs handicapés sont sous-représentés à l’écran, seulement 0,7% d’apparition alors qu’il y a 12 millions de personnes en situation de handicap. Voici comment Slate joue toujours dangereusement avec les chiffres pour manipuler l’indignation de ses lecteurs. Et bien souvent cela marche. Car ces deux chiffres ne relèvent pas de la même notion de handicap, celui de 0,7% du CSA relève d’un handicap visible alors que le 12 millions concerne tous types de handicapés, même le petit vieux qui a comme seul handicap, ou près, d’avoir sa carte car il ne peut pas marcher 5 kms et qui se gare facilement en heure de pointe et pleine période de Noël sur les places bleues qui ont fleuri un peu partout. Quand on compare des carottes et des patates on peut tout faire dire à un texte. Est-ce de la malhonnêteté intellectuelle, de l’incompétence pure, la volonté de faire du buzz, du click, un système de rémunération au click qui rend stupide (après il faut bien manger), ou simplement un grand manque d’inspiration qui se généralise chez Slate, qui il y déjà pas mal d’année me semblait pourtant tout à fait crédible. Aujourd’hui c’est la poursuite de l’indignation à tout prix. C’est scandaleux les personnages qui ont joué dans 120 battements par minute ne sont pas tous atteints du SIDA ! Oui c’est quand même un scandale et cela mériterait un article, car des positifs qui voudraient bien jouer la comédie pour se détendre il y en a, et bah non, ces gros méchants choisissent des acteurs VIH négatifs.

Donc on suivant ce que pense défendre Vincent Bresson dans son article aussi avant-gardiste qu’un gars qui inventerait aujourd’hui la clé USB, il ne faut pas avoir d’acteurs qui jouent d’autres personnages que leurs conditions, mais des gens qui ont la même condition que leur personnage. Le recrutement des tueurs en série risque d’être drôle. Je redeviens plus sérieux, bien entendu il est dommage que certains acteurs n’aient pas leur chance, qu’ils ne soient pas visibles mais ne faut-il pas reconnaître au talent de comédien d’être plus vrai que nature. Je me suis fait la réflexion devant le film Petite fille, film documentaire dont les protagonistes ne sont pas des acteurs mais réellement l’enfant, petit garçon se sentant fille, et ses parents. Et bien je ne les trouvais pas crédibles à l’écran, alors que pourtant ils sont réellement en proie à cette situation. Je sentais qu’ils jouaient ou sur-jouaient. Je pense que des acteurs, dont c’est le métier de faire passer des émotions auraient été plus crédibles. Si l’on partage ce constat, on ne peut pas être d’accord avec ce concept de « cripping up », car sans doute des acteurs talentueux feront que le message passera mieux. Je reprends le sujet, j’ai été marqué plus jeune par Tom Hanks dans Philadelphia, pourtant il n’est pas mort pour de vrai à la fin du film, tout comme 120 battements par minute est terriblement efficace (même peut-être trop) sans avoir eu un casting d’acteurs en phase terminale.

Se plaindre que des acteurs professionnels puissent jouer tout type de rôles est aussi débile que de penser que ce serait tout à faire crédible qu’un handicapé moteur puisse jouer le rôle-titre d’un biopic sur Karl Lewis. Messieurs les journalistes de Slate, essayez de faire votre métier avec un minimum d’intelligence.

Que des acteurs handicapés soient en revanche aidés financièrement et par certaines structures pour accéder plus facilement au métier d’acteur, bien entendu cela me paraît important. Il doit être tellement délicat d’être porteur d’un handicap, que même si je faisais de l’humour précédemment avec les places réservées pour handicapés, je préfère sans aucun doute tourner 45 minutes afin de trouver une place ou pouvoir venir à pied en centre-ville que d’avoir ma place réservée. Ce sont des vies difficiles, donc des aides sont normales dans un état social. Et j’espère que ces acteurs qui ont un handicap si ils se font plus visibles, plus nombreux et pour certains plus compétents ne seront pas cantonnés à des personnages handicapés, tout comme les noirs qui n’ont longtemps joué que des rôles de noir (bah oui moi aussi je peux faire du politiquement correct, mais j’espère avec un peu plus de discernement et de sincérité que ceux que je dénonce ici).


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