lundi 22 mars 2021

Mort de la solidarité

 Mort de la solidarité

La solidarité, encore un mot plein de promesse mais qui est tombé, dans le langage politique, à néant. Dans le Littré on peut lire comme définition en premier sens : «Engagement par lequel des personnes s'obligent les unes pour les autres, et chacune pour tous ». Il y a donc bien (et encore explicité par les autres sens et cas d’utilisation) l’implication de la mutualité. Un système où tout le monde travaille pour qu’une poignée s’enrichisse n’est pas solidaire. En revanche un système où n’importe qui peut bénéficier d’un système de santé qui lui garantit les soins adéquats dans une temporalité pertinente peut être qualifié de système solidaire. Tout le monde contribue (impôts) pour le bien-être de tous (infrastructures, soins).

Aujourd’hui il nous est demandé à tous dans cette période de crise sanitaire d’être solidaire. Sans avoir aucune retenue certains états ont lancé il y a un an des campagnes de publicité qui mettaient en scène des agonies de personnes âgées car l’un ou l’autre des petits enfants avait mal porté le masque. Culpabilité, moyen des faibles pour essayer de forcer l’esprit de solidarité. Solidarité avec nos soignants, demandée par l’Etat, alors que lui-même n’a eu de cesse de rogner sur les budgets et de mettre ces soignants en situation d’incapacité face à une pandémie. Revenir sur les incohérences de l’année passée obligerait à écrire un livre dépassant le dernier annuaire téléphonique publié en nombre de pages. Ce sont plutôt les stratégies de vaccination et les restrictions qui perdurent que je souhaite souligner ici. Nous avons donc des pays qui se sont mis à l’arrêt pour ne pas contaminer les personnes à risque, en grande majorité les personnes âgées, de plus de 80 ans (bien entendu des contre exemples surmédiatisés existent). Ces personnes auraient pu être seules confinées ce qui aurait permis aux jeunes qui doivent tout construire de leur future vie d’adulte de faire, ce que leurs aînés avaient pu réaliser sans aucun tracas plusieurs dizaines d’années auparavant. Mais non, tout le monde devait être solidaire. 

Au moment où la solution choisie par l’ensemble des gouvernants du monde arrive, c’est à dire les vaccins, la quasi-totalité (mais pas tous) choisit de vacciner ces mêmes personnes à risque, et donc  surtout les vieux. En parallèle les frontières sont fermées (en Belgique du moins), il n’y a toujours aucun lieu de détente ni culturel ouvert. L’Union Européenne, avec une Ursula Von der Leyen qui a autant de culot qu’un Cahuzac déclarant devant l’assemblée qu’il n’a aucun compte caché, aborde le sujet d’un passeport biologique, qui permettra aux vaccinés de reprendre leurs voyages, d’aller au cinéma et au restaurant. Je parle de culot car c’est cette même UE qui a dramatiquement échoué dans sa stratégie d’achat de vaccins au point qu’ils vont essayer par la force d’empêcher les vaccins AstraZeneca produits en Europe, de quitter la zone UE et d’être livrés au Royaume-Uni comme prévu dans les accords commerciaux. Ce serait une première, enfin à ma connaissance et sera considéré dans quelques années comme le socle d’hostilités profondes entre peuples, et si nous n’avons pas de chance, de guerres larvés ou déclarées (guerre économique et sociale dans un premier temps). 

Les Anglais en tout cas continuent de n’être solidaires en rien du continent, mais comme ils sont sortis de l’Euro qui pourrait les en blâmer. C’est l’évènement rêvé pour que Boris Johnson redore son blason et prouve qu’il était opportun de faire ce Brexit, devant une Europe incapable de s’occuper d’elle-même et devant spoiler les braves nations mieux organisées. Il a gagné. Il est vrai qu’il est délicat de voir que des pays du G10 vaccinent deux fois moins vite que des pays dits en voie de développement. 

Je reviens à nos pays, nous devons donc être solidaires afin que des personnes appartenant à une génération dorée, qui s’est enrichie, qui a pu partir le plus tôt à la retraite, a bénéficié du tourisme de masse pour connaître tous les recoins de la planète, et qui a par la même occasion surconsommé et sur-pollué ayant pour devise cette phrase de Victor Hugo dévoyée : « Après moi, le déluge », qui préfère aller au bout de cette logique d’immortalité par la technologie mortifère pour la planète plutôt que de songer à ceux d’après (ils vont se débrouiller de toute façon regarde comment ils ont l’air intelligent), qui se sont repus d’égocentrisme et ne prenne le mot solidarité que dans un sens, qui sont les votants les plus dociles et manipulables par la peur. Nous devons être solidaires pour que, maintenant, ces personnes qui dans toute autre espèce animale auraient dépassé depuis bien longtemps la date de péremption puissent à nouveau voyager, aller au restaurant et en boîte de nuit, pendant que de jeunes adultes ne parviennent même pas à se construire. Le problème jusqu’à peu concernait essentiellement l’incapacité de ces jeunes à faire construire (une maison par exemple) par rapport aux anciens qui gardaient le magot jalousement et qui avaient pu bénéficier de la croissance passée et de la solidarité pour s’enrichir. Les chanceux bénéficiaient donc de l’apport financier des leurs parents ou arrière grands-parents, pour les moins chanceux il était bien plus délicat de s’en sortir seuls face à la concentration du capital. Mais là nous sommes un cran au-dessus dans le niveau d’indécence. 

Imaginons donc un monde où des personnes ayant fait leur vie, bien lotis choisissent donc de tout garder, soins pour eux et confinement pour les plus jeunes afin de pouvoir consommer à nouveau, se sentir encore vivants, et qui auront la joie de faire un câlin à leurs petits-enfants, ou arrières. Petits-enfants qui seront pris d’émotion devant le fait de voir leurs grands-parents, tout le monde est aux anges, même les parents qui subissent comme ils peuvent cette situation. Et puis quelques années passent, malgré des ajouts technologiques coûteux les arrière grands-parents sont sur le point de rendre à la terre ce qu’elle leur a donné, et puis d’un coup, sans crier gare, les petits-enfants disparaissent, les uns après les autres, suicidés et morts avant les plus vieux, n’ayant jamais réussi à se construire, à retrouver un équilibre ni un quelconque bonheur, étant des êtres instables par essence du fait de leurs années confinées. Tout cela pour un instant de bonheur furtif et pour que des vieux puissent investir maintenant les boîtes de nuit. 

Cela peut paraître provoquant, mais réfléchissez sur le sens de toutes ces politiques un instant. Sont-elles réellement dans le sens de la vie, dans la préservation de la vie d’une espèce, de la solidarité de l’espèce humaine, ou sont-elles totalement dévoyées par des accros à l’illusion d’immortalité qui ne veulent pas laisser leur place jusqu’à couler toute l’espère avec eux. Qui a une pensée cruelle ? celui qui ne veut que survivre seul ou celui qui souhaite qu’il y ait une vraie solidarité, c’est-à-dire qui va dans tous les sens et qui donne des chances égales à toutes les générations. Je ne sais pas qui mourra en premier entre le riche arrière-grand-père et le jeune ado brimé, mais permettez-moi de dire, que celle qui les a battu en mourant bien avant est bien la solidarité, déjà enterrée.


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