mardi 17 mars 2009

Le creux de la vague

Je me souviens être resté pantois devant cette couverture. Je n’avais pas encore de poil au menton et je lisais avec plaisir les romans d’aventure de Robert Louis Stevenon, conquis par l’île au trésor, intrigué par le Jekill et Hyde, charmé par Modestine, l’ânesse perdue dans les Cévennes, angoissé par Hermiston le juge pendeur.
Dans mes mains cette énigme qui débute avant même d’avoir fait craquer la reliure, ce creux de la vague et cette couverture fauve m’ont laissé longtemps hésitant. Au début, j’étais stressé par ce titre, être en bas, être enfoui par les eaux pour ne plus jamais remonter. Etre emporté par cet élément antiquement divin qui ne semble laisser aucune chance comme pour les barques des pécheurs « sous la vague au large de Kanagawa » d’Hokusai. Cette immensité synonyme d’éternité incertaine m’effrayait.
D’un autre côté j’étais dans l’espoir que ce creux de la vague ne soit que le point le plus bas et que le futur soit forcément positif, que cette ultime épreuve soit une voie vers la renaissance, la remontée vers la lumière et la possibilité de surfer sur les difficultés passées. J’avais ouvert cet ouvrage avec une impatience infantile et avais directement embarqué à bord d’un navire, véritable boîte à aventures. C’est la grande force de Stevenson que d’être capable d’écrire de véritables romans d’aventures, qu’on peut traduire facilement en captivante histoire pour enfant tout en y préservant une ambivalence ténue et persistante sans enfermer ses personnages dans un manichéisme de convention. L’homme, qui rêve de belles histoires, de belles rencontres, de richesses et de découvertes, Stevenson le confronte à ses limites et à un monde insaisissable, à des alter-ego déroutants et à des chimères cannibales.
Les trésors sont des illusions de bonheur qui une fois trouvés perdent tout leur sens, laissant les chasseurs dans le creux de la vague. La quête s’achève, les illusions ne sont plus et les tensions destructrices contenues par un but commun éclatent. L’homme est alors dans la lutte et n’est plus guidé par cette recherche d’évasion fructueuse. Il est dans la réalité : remonter ou couler ?
Aujourd’hui, la situation économique évoque en moi cette image, ce creux de la vague blanc ou noir, fin titanesque ou remise à plat … Pris entre le feu auquel nous soumettent les média et notre servitude vraisemblable au pouvoir d’achat, pas évident d’être optimiste.
Quelle motivation pour s’en sortir ? Celle de pouvoir faire autant qu’avant la crise ne me semble pas reluisante ? Consommer autant malgré la crise, ce sera pour certains bien difficile, mais est-ce pertinent, quel bonheur à cela ?
Ne pourrions-nous pas trouver de réelles voies vers la sérénité si ce n’est le bonheur. Pas besoin de rouler en Porsche, de jouer gros au Poker sans en connaître les finesses ni de prendre une douche au Clos du Mesnil pour réussir sa vie. Il est vrai que tous les canons et leurs images abondent dans ce sens, qu’il s’agisse de stars ou de politiques, c’est le pouvoir pour l’argent et l’argent pour le pouvoir. Je veux croire aujourd’hui que ce creux de la vague permette d’effacer ces fausses illusions, que de nouveaux objectifs de vie voient le jour.
Reprenons notre bon vieux Long John Silver, héros sombre et bicéphale de l’île au trésor, unijambiste au perroquet sur l’épaule, d’ailleurs le moule de notre vision moderne du pirate. Ce personnage complexe est animé par cette utopique ferveur d’un changement radical, faire un jackpot en trouvant le trésor de feu son capitaine. Serait-ce un juste retour des choses, sans doute le pense-t-il. En parallèle Silver se sent investit malgré lui d’une mission, l’éducation, la formation du jeune Jim Hawkins en qui il créera un double positif.
Même s’il ne parvient à s’évader qu’avec un sac de pièces, le pirate n’a-t-il pas accompli sa tâche en rendant Jim, le gentil héros, adulte, lui faisant comprendre d’un coup l’essence humaine et que la course aux chimères et à l’aventure n’est peut-être qu’un purgatoire terrestre vers la paix intérieur. Alors ne rejetons pas cette crise en remettant à plus tard toute course au trésor, relisons ces romans d’aventure et apprenons.

1 commentaire:

Dead Man Walking... Le cancer de Jack a dit…

merci de révéler la fin du roman... je ne l avais pas fini.

Marrant le parallèle recherche du bonheur/histoire de pirates. En ce moment, ou plutôt depuis 10 ans, un manga du nom de One Piece ravit le monde & le plus ou moins jeune public.
Le One piece est un trésor légendaire indéfini que possédait l'empereur des pirates Gold D. Roger, jamais trouvé à la capture de ce dernier. MAis avant d'être décapité en place public, il exhorata les pirates du monde de se lancer à sa recherche en disant qu'il l'avait caché au bout du monde. Et hop là ! voilà tout les pirates du monde sur les hauts vivant les aventures les plus folles.
Le héros du manga éprouve tellement d'admiration pour le monde de la piraterie qu'il se lance dans l'aventure avec un pouvoir fantastique unique (homme caoutchouc), comme le sont tous les pouvoirs des personnages qu'ils croisera plus tard. Au final (enfin, je ne devrais pas dire cela puisque pour le moment il n'y a pas de fin au récit), il est question de liberté, de plaisir des découvertes & rencontres durant le périple plus que de la valeur intrinsèque du trésor de fin. Le héros Luffy au chapeau de paille se fera des amis fidèles, rencontrera des personnages hauts en couleur dans les lieux paradisiaques & en vivant les aventures les plus folles, réaffirmant à chaque fois, sa liberté de choix & le plaisir de vivre l'aventure avec ses amis.

Johnny Depp a peut être raison de penser que les pirates étaient les rocker hero du temps passé.