Journal d’avant 40 -15
Alors oui je
vieillis mais j’avoue avoir eu de la chance de ne souffrir d’aucune infirmité
notable et médicalement identifiable jusqu’à présent. On est tous infirme
quelque part mais pour ne pas faire de la sentimentalité de bas étage, il n’est
rien d’avoir des états d’âme versus une réelle infirmité. Surtout en temps de
Covid, j’y pense assez souvent depuis le port du masque obligatoire.
Les sourds qui
ont réussi à développer la capacité de lire sur les lèvres pour une vie plus
normale que de ne comprendre que ceux qui savent signer, et bah ils ont tout de
même été bien oubliés. Cela doit déjà être bien délicat de comprendre des
parlants sans les entendre, alors là à part ceux qui ont des visières
plastiques il n’y a aucune chance.
Et autre handicap
même s’il paraît plus anodin et de fait plus léger, le daltonisme peut avoir
des conséquences désastreuses en ce temps où toutes les régions d’Europe se
voient attribués par tous les pays ce même code couleur vert, orange et rouge.
Quoi de plus délicat pour le daltonien dans ce cas. Imaginons pas de bol un
daltonien sourd se faire arrêter par un policier masqué lui montrant du doigt
une carte avec les départements français, le daltonien ne pouvant identifier de
quel endroit il convient mieux de prétendre venir et donc ne tombant forcément
pas sur un des deux seuls départements verts de France. Le voici donc aux
arrêts, avec, vue la gentillesse de nos amis policiers, un refus d’obtempérer,
même pas perçu, les quasi insultes étant vociférées derrière le masque. Le
voici donc aux arrêts, et ces policiers voyant le pauvre homme refusant de
parler se disent que c’est forcément un dur. Et le voici jouet des coups de
matraque : « Mais tu vas parler sale merde » et bam ça tape, ça
injurie, ça se défoule, ça prend du plaisir du côté des troupiers de la nouvelle
terreur. Notre pauvre homme finit inconscient, le rapport de l’inspection
générale en trouvera clairement la raison et mentionnera que l’homme s’est
relevé trop précipitamment de sa chaise se cognant une vingtaine de fois contre
le coin de la table. Cet homme sera donc comptabilisé dans les agressions de
policiers, les refus d’obtempérer, les déments, et les porteurs du Covid. On le
contera trois fois, car trois policiers étaient présents, car ce qui compte
c’est le chiffre.
Une fois à
l’hôpital l’homme qui aura perdu l’usage de ses mains, sacré coin de table
quand même, sera mis dans la catégorie déments. Pour ne pas faire de bavure ses
papiers auront été égarés par les policiers. Il sera donc mis dans un asile et
lui de ne choisir qu’à se comporter comme les autres comme un fou pour être
traité avec plus de normalité.
Ce petit délire
pour souligner que lors de crises humaines et sociales de la sorte, les plus
touchés sont les porteurs de handicap, physique, mental, social, économique.
Aucun homme politique n’en parle, ils doivent marcher ou crever, le plus
important c’est comptabiliser le nombre de cas, imposer des contraintes,
traiter les gens comme du bétail, sans humanité. Cela rappelle hélas tout de
même de très mauvais souvenirs à ceux qui connaissent un peu l’histoire du 20ème
siècle notamment. Il y eut l’abandon des personnes en maisons de repos, qui fut
clair et identifié mais qui finalement n’a pas suscité beaucoup plus de
réactions, les politiques laissant couler et attendant. Et concernant cet
abandon, voir la maltraitance des minorités en difficulté, pas un mot, Travail,
Masque et Respect absolu de l’Etat, voici un beau triptyque.
Sur ce à démain.
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