Journal d’avant 40 – 7
Ce requiem de
Verdi, ça dépote tout de même. Je suis tombé sur la rediffusion du concert en l’hommage aux victimes du Covid. Concert dans le Duomo de Milan avec l’orchestre et le chœur
de la Scala, devant un public parsemé, précautions obligent. J’ai foulé pour la
première fois il y a peu le marbre de cette impressionnante cathédrale. Un endroit grandiose
et sombre à la fois, comme ce requiem qui vous met une claque et qui vous
emporte en même temps. L’art tente de résister et de faire du bien, car oui
franchement être en face d’un double chœur qui vous balance son Libera Me ça fait
quelque chose, les poils se dressent, les larmes arrivent. Il y a de plus ces
parties et ces lignes de chant intimes qui sont magnifiques. Milan renaît en
partie à travers ce concert et montre que ce qui fait notre humanité ne doit
disparaître. On peut reconnaître plusieurs tors à l’Italie, et nous fûmes les
premiers dans nos pays à les condamner lors du début de la première vague, mal organisés,
dépassés, alors que sans doute pas un pays d’Europe en première ligne et en
pionnier ne s’en serait mieux sorti quand on voit le chaos que ce fut partout.
Ils étaient juste les premiers. En dehors de ces reproches relevant plus du
cliché que du réfléchi, les Italiens ont l’énorme avantage de considérer l’art comme
faisant partie de la vie et n’étant pas ni anecdotique ni optionnel.
Je ne vais pas
partir dans les a priori négatifs, mais vous me passerez d’en faire des positifs.
J’ai cru remarquer que les conversations abordaient plus rapidement la musique, la gastronomie, la peinture en
discutant avec nos amis transalpins qu’avec le reste de l’hexagone et du plat
pays. Bref je ne veux pas ici juger mais juste pointer que l’art ne doit pas être
considéré comme optionnel. Les régimes qui l’ont contrit sont ceux qui ont
ravagé la planète par des purges et des génocides. Ne pas prendre les demandes
de relance des évènements et concerts est soit irresponsable soit criminel de
la part de nos dirigeants. Cela revient, en plus d’enlever une certaine sève à
la vie, à scier une partie du pacte social qui a régi nos sociétés du 20 et 21e
siècle. Je parlais hier de David Graeber et des jobs à la con : si pour
ceux qui en ont conscience vous leur ôtez leurs échappatoires que cela va-t-il
donner ? est-ce viable ? est-ce stable ? Non sans doute. Et le
tic-tac, et les jours qui passent dans cet état fortement dégradé deviennent de
plus en plus insupportables.
L’épanouissement
par l’art, sous quelque forme qu’il soit peut heureusement se faire de
différentes façons. Certains diront même que des passements de jambe avec un
ballon relèvent de l’art, peut-être pas directement mais si l’effet est assimilable,
pourquoi pas. Le fait d’avoir à nouveau des matchs de foot a détendu certaines
conversations qui ne tournaient qu’autour du Covid. Nous avons eu les matchs de
champions’ league pour apporter sujets de discordes ou d’amour, et l’on parlait
moins de ce virus. Du pain et des jeux. On peut remettre en cause cette société, c’est
un autre débat, mais si l’on prend la même et qu’on l’ampute des jeux ce n’est
pas tenable. Les politiques devraient y réfléchir. Certes oui l’usage de la
force peut contraindre, mais c’est l’effet marmite. Et même si dans certains pays,
les habitudes ne sont pas à la révolte, rien n’est immuable. Même dans un
intérêt purement machiavélique les politiques devraient aider cette partie de
nos vies qui fut jusqu'à présent sacrifiée. Et puis si ils veulent que les acteurs
soient masqués, nous auront l’impression de repartir quelques deux mille ans en
arrière dans le théâtre antique.
Si ce n’est pas le cas, dans
un monde confiné ou proche de l’être, les livres, la littérature sont sans
doute les plus grands alliés qui nous restent. Ils peuvent sauver, comme l’écriture aussi.
C’est d’ailleurs le thème du roman de Joseph Ponthus que je lis actuellement :
A la ligne. Il décrit le quotidien d’un homme travaillant en intérimaire à la
chaîne et qui pour ne pas perdre sa santé mentale, nomme les choses, écrit et donne
du sens à sa vie malgré ce travail abrutissant et déshumanisant. Intéressant et pertinent.
Sur ce à demain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire