Histoire de Rien – 9 – Nouvelle – Fiction
Je parlais des
abrutis la dernière fois, je ne sais si ils pullulent ou si ils étaient cachés.
Cela devient étouffant. Les gens se déchirent, crient, s’insultent. On ne me
pointe même plus du doigt, non que les lépreux ne puissent être de la partie,
mais le responsable c’est l’autre. L’autre, cela suffit pour en faire une proie
de la vindicte, l’autre qui a perdu mon ego, l’autre qui ne devrait pas être
là. L’autre c’est bel et bien sa faute, au début les hommes caractérisaient ces fautes imaginaires, pas la
bonne couleur de peau, pas la bonne corpulence, pas le bon sexe, pas la bonne
façon de faire son créneau, pas la bonne façon de mettre son masque.
Les conflits se
sont accentués, les ministres sont rentrés en compétition pour émettre les
mesures les plus populaires. Le stade du Heysel a été réquisitionné pour y voir
se passer un drame bien plus grave que le rouge et le noir et blanc des années
80, les hommes politiques s’y sont affrontés par équipe, entre le gouvernement
fédéral, le régional et les bourgmestres devant des spectateurs masqués et
enfermés dans des bulles plastiques. Les représentants de la ville de Charleroi
ont succombé car les encadrants avaient oublié de faire des trous de respiration
dans les sacs. Pourtant cela n’a pas apaisé le débat qui faisait rage. Tels des
gladiateurs ça y allait à coup de nouvelles mesures pour voir qui remporterait
l’adhésion du peuple rassemblé, peuple certes encadré par des forces armées. Le
fédéral a commencé par vanter les bienfaits d’une puce qui s’ingérait et qui
permettait de tracer en temps réel l’individu et d’envoyer des analyses au
laboratoires de façon instantanée. Mesure jugée trop coûteuse et pas assez
rapide par la région bruxelloise qui prêcha pour des vidéosurveillances
généralisées avec des rapports de température toutes les cinq minutes. C’est
sur la même argumentation que le bourgmestre d’Anvers proposa une solution selon
lui bien moins coûteuse et bien plus efficace. Devant la diminution de l’utilisation
des infrastructures logistiques du Port d’Anvers liée au ralentissement de l’activité
économique, il expliqua qu’il pouvait réquisitionner tous les gigantesques
hangars et y faire loger toute la population en la classant en fonction de
différents critères liés à l’immunité mais surtout à d’autres critères que ses
adversaires semblaient tout à fait comprendre.
Cela a commencé,
les gens partaient. Je n’avais nulle part où aller, et dans ces centres je ne
me faisais que trop remarquer, tout de suite mis à la porte, exécution garantie
pour tout hôte trop gentil ou naïf. Je
fus poussé dans mes retranchements et même si l’humanité m’avait désabusé je la
quittai avec une certaine tristesse. Ce ne fut pas chose aisée, et puis grâce à
un évadé j’ai pu me mettre à l’abri. Son chien m’avait sans le savoir à la
bonne et j’ai pu repartir voir mes amis oh combien plus simple les animaux. Me
voici à nouveau en forêt, j’ai peur de devoir attendre un temps bien long avant
de revenir vous voir. Et d’ailleurs qui en aurait envie ? Ces hangars font
froid dans le dos et personne n’en sort. Et ils croient qu’ils m’ont éradiqué… Qui voudrait se laisser enfermer dans ces
mouroirs ? Avant de partir je voyais ces pauvres hommes et femmes travailler
pour produire de l’énergie, pour les hangars sans doute mais vu les conditions
misérables pour autre chose. Sans doute des lieux cachés et réservés. Peut-être
ces hommes en combinaison qui viennent sporadiquement, ou encore d’autres.
Impossible de les approcher. Je ne m’avoue pas vaincu, il faut que je sois
patient je finirai bien par y aller voir. Depuis le début de ma quête j’ai pu
rentrer partout, et d’ailleurs cette quête, maintenant que tous les hommes qui
s’intéressaient à moi sont terrés et que plus personne ne s’occupe de mes
origines je ne suis pas prêt de pouvoir la relancer.
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