jeudi 22 janvier 2015

Obscur, obscur, vous avez dit obscur ?

Ça fait mal et encore plus que d’écouter du Christophe Mahé de voir notre pays sombrer peu à peu dans un obscurantisme certain. Nous n’en sommes certes pas encore à brûler les livres, plus civilisés que nous sommes nous préférons fusiller les auteurs, preuve de notre modernité et de nos avancées technologiques. Cette modernité qui dématérialise nos modes de communication aurait pu permettre à la liberté d’expression de trouver une tranchée où se réfugier, hélas, le contraire se produit avec l’étalage de la bêtise générale, des partis pris automatiques et des réflexions épidermiques non abouties. Tout le monde ayant accès ou presque à un clavier (le droit à Internet haut débit …), il n’y a plus de filtre éditorial et le plus abruti quidam va partager son point de vue avec l’option de le mettre en mode public. Chacun est libre de débiter les plus viles sottises dans son cercle fermé, si l’orateur trouve quelques proches assez demeurés pour lui porter crédit c’est son droit d’abuser du temps de ces derniers. Mais avoir accès à l’espace public grâce à Twitter et Facebook est d’un autre ressort. La question de la responsabilité de ces sites se pose. Je ne suis pas pour la limitation de la liberté d’expression mais pour le respect de la légalité de chaque pays afin de la préserver. Cela transformerait le contrôle des flux publics en un véritable casse-tête que même les algorithmes les plus poussés auront du mal à résoudre. Comment faire alors, et bien sans doute poser la question à ces sociétés bénéficiaires financièrement si elles peuvent proposer un mode respectueux des lois sur la liberté d’expression. De même est-ce normal que ces personnes qui recrutent pour le djihad, qui sont donc des terroristes connus et reconnus pour la plupart aient un compte Facebook pour recruter à tour de bras. Est-ce normal ? C’est comme si en remontant 50 ans en arrière, un journal était publié avec des appels à rejoindre les groupes terroristes dans la page de courrier des lecteurs. Je vois mal Libération il y a 50 ans tolérer dans ses petites annonces : “ Faire exploser une ambassade, c’est de la bombe, rejoins nous au xxx”. Oui les messages codés, certes ont existé. Mais comment un journaliste en quelques clics peut-il identifier et rentrer en contact avec des filières terroristes alors que ces profils, groupes, forums ne sont pas tout éliminés par les sites.
Nous faisons aujourd’hui la chasse aux délits liés à l’apologie du terrorisme, les “je suis kouachi” sont recherchés, notés, poursuivis … je ne relativise en rien la gravité de ces gestes mais certains ne relèveront-ils pas de la simple opposition à l’autorité en place postés par des adolescents cherchant à transgresser l’une ou l’autre règle. Il ne faut pas oublier qu’un jeune ado qui crie “Aux chiottes les flics” ne va pas pour autant être un tueur de flics quelques années plus tard. Tout devient forcément grave et condamnable. La nuance, la légèreté, l’ironie, l’humour sont profondément en danger. Alors même que la société pense défendre la liberté d’expression en pourchassant ses ennemis, elle lui tire une belle balle de pied. Je suis Charlie ça fonctionne. Mais mise à part l’historique de Dieudonné,  si on prend sa phrase brute  telle quelle, Je suis Charlie Koulibaly est-elle une phrase intrinsèquement répréhensible. Je suis loin d’en être certain. Ensuite avec le passé de cette humoriste, en effet on peut finalement tomber dans la facilité et l’attaquer. Mais si ce n’est pas considéré comme le parachèvement d’un ensemble je ne vois pas Dieudonné être condamné pour ce seul fait. Sauf de la provocation, on ne peut pas dire que ce soit une apologie du terrorisme. Au pire une phrase ambiguë qui veut dire qu’il est à la fois le journal et son assassin, à la fois l’idée et la main qui ne peut la supporter et l’écrase. Du coup, match nul sur cette phrase non ?
Ne peut-on plus rire de rien ? Ne peut-on plus créer à partir de tout ? N’ai-je pas le droit de travestir certaines images, de détourner adroitement certains thèmes pour faire réfléchir. Nietzche se ferait-il mettre en prison à perpétuité aujourd’hui pour son Dieu est mort ? Ne peut-on douter de sa foi devant les camps de la mort, ne peut-on vouloir en faire un film plein d’humour comme Benigni le fit brillamment. Si je ne suis pas juif ne puis-je pas critiquer ouvertement la politique d’Israël. A force de faire attention, de se mettre des limites nous laissons la place à l’obscurantisme, au côté obscur de la force. Certains vont trouver que je tombe dans la caricature, mais promis je ne veux pas m’y  aventurer, bien trop dangereux ces derniers temps, mais c’est l’histoire de Star Wars, de l’emprise des Siths avec Palpatine / Darth Sidious sur le sénat et sur la Galaxie. Heureusement d’irréductibles sont là pour défendre l’idée de l’espoir, l’espoir de plus de justice, de plus d’égalité. C’est bien là que le ressort de nos sociétés est cassé ou du moins bien grippé. Alors que nous pouvions encore il y a plusieurs dizaines d’années nous vanter d’un système suffisamment social pour justifier notre volonté d’étendre cette recette magique, sociale et pacifiste à une partie du monde, la donne a bien changé. La polarisation des richesses nous rend moins crédible. On donne des leçons mais pour quoi ? Une tradition intellectuelle, une défense des droits de l’homme ? Certes. Mais pourquoi faire tourner nos fabriques d’armes à plein régime alors. Ubiquité ultime que de vouloir garder la main mise sur le monde en y attisant les plus vifs désordres. Il est temps de prendre position clairement. Certes nous ne pouvons plus enrichir les quelques personnes les plus riches de façon inconsidérable sans mettre en branle et en déséquilibre à la fois nos bases et notre planète. La bêtise, l’abrutissement sont les plus grands alliés du côté obscur, contre cela peu de recettes à part l’apprentissage du beau et la création qui nous permet d’aborder plus sereinement la finitude de notre vie. Vivre est stressant par essence et n’est qu’une attente mortuaire, rendons cela plus joyeux et plus digne et générant des émulations créatives et collaboratives. Ecoutons nous les uns les autres avec la plus grande ouverture d’esprit, ce sera déjà un bon début.


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