mercredi 22 août 2012

Holy Motors de Leos Carax


Devant les critiques quasi unanimes qui prédisaient un avenir doré à Cannes pour ce film présenté comme un véritable chef d’œuvre je n’ai pu résister à l’envie d’aller le voir sur grand écran.

Récolter une 20aine de notes maximales, 5 étoiles ou éclats de joie dans la presse française relève de l’exploit. Il n’y eut que Métro, ou presque, pas forcément considéré comme le plus fiable critique d’art qui osa aller contre en parlant d’une fable frôlant le ridicule. Heureusement. Non pas que j’ai trouvé ce film ridicule, au contraire, mais je peux comprendre que 95% des spectateurs le pensent à un certain moment, d’autant plus si ils s’attendent à prendre leur pied sans précautions préalables. Le plus grand péché des critiques, c’est souvent de ne voir que par leur système référent propre, système expert et très souvent coupé de la réalité. A moins que ces 20 magazines, journaux et sites internet ne s’adressent en fait qu’aux 5% de cinéphiles avertis de la population. Et si c’est le cas n’allez pas chercher bien loin les causes de la décroissance des média payants en France.
Il n’est pas impossible de faire aimer ce cinéma, qui en vaut la peine car étant l’essence même de la création libérée, à un plus grand nombre, mais il faut lui donner les clés et l’avertir. On apprend à lire à l’école, à déchiffrer des textes, à reconnaître des figures de style, à comprendre qu’on peut jouer avec les mots, faire des métaphores pour étayer un discours, y glisser de l’humour, de la mauvaise foi grâce à certains procédés stylistiques, ce qui consciemment ou inconsciemment va aider à aborder par la suite une multitude d’auteurs. Certains capituleront devant des styles ou des vocabulaires trop élaborés, mais ils ne cracheront pas sur ces œuvres, en disant Proust de toute façon c’est du grand n’importe quoi. Alors que dans le cinéma,  pas de bases prodiguées à l’école. Autodidacte on peut se faire un avis et une cinémathèque grâce à des recommandations de critiques, ou sous la pression de la machine commerciale qui sert en général les films où le cerveau du spectateur peut rester dans la voiture.
Donc présenter un tel film de la sorte sans avertissement préalable, le condamne presque à être rejeté du plus grand nombre non averti. Je n’ai que trop rarement lu une critique disant, attention ce film est génial mais il nécessite une certaine ouverture au 7ème art, pour ça je vous conseille de voir auparavant ces quelques films, grand classiques et d’en donner les clés. Après libre au spectateur de faire ce que bon lui semble, mais il sera moins surpris, et les portes d’accès vers ce septième art, qui peut être le summum de l’expression artistique, intégrant la poésie, la musique, l’image, la narration et l’intrigue pourront s’ouvrir.
Concernant ce film, il vaut la peine d’être vu. Non pas qu’il s’agisse d’un futur grand classique, il est de pas son essence condamné à rester relativement en marge, mais c’est un hymne du cinéma au cinéma. Pour plus de blabla sur tout ce qu’a réussi à faire Carax allez sur ce site et vous aurez votre lot de phrases et formules toutes faites pleines d’emphase.
Pour être précis ce qui m’a réellement subjugué est cet élan de liberté créatrice, sans tabous, sans trop de limites, même si chacune des aventures de Monsieur Oscar, qui interprète une multitude de vies est l’incarnation d’un genre cinématographique bien identifiable. L’inattendu est là, souvent avec humour. L’originalité nous fait éprouver des sentiments vifs et qui se contrastent. La scène érotique de motion capture est des plus sensuelles et des plus originales. Et la scène du cimetière, d’un humour subjuguant avec une photo incroyable, un des moments les plus esthétiques et intenses du film, qui dit tant de choses, au niveau du corps, des désirs, des sentiments, de la perception de la société, des traditions et de la religion. Certains y verront sans doute une critique de l’extrémisme islamique, d’autres y verront celles de la perte de la religion catholique, encore d’autres l’éloge de la beauté féminine,  et d’autres une métaphore de l’égarement masculin quant à son désir. La scène d’entracte est l’une des plus jouissives, dénuée de tout, juste pour se faire plaisir, et ça marche. Certes on peut aussi y voir toute une série de métaphores religieuses et sur le sens de la vie, mais quelques fois il est bon de prendre les émotions telles qu’elles sont. Il y a plein d’autres trouvailles, de scènes inventives ou au contraire très classiques (comme cette scène de comédie musicale dans une Samaritaine désœuvrée). 

Je vous encourage donc vivement à y aller, mais attention c’est à prendre comme de la poésie, le sens paraît parfois extrêmement obscur mais c’est beau.
On se sent vivre devant ces tableaux et c’est bien là le principal.

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