mercredi 12 mai 2010

Quai d’Orsay de Blain et Lanzac

Une bande dessinée sur les envers du monde politique.
Je n’en avais personnellement jamais lu – je ne suis certes pas la meilleur référence dans ce domaine mais quand même– et j’ai été tout simplement scotché.

L’ayant pris un soir, reçu d’un ami, avant de m’endormir, je n’ai pu fermer l’œil avant d’avoir atteint la 96ème et dernière page.

C’est dense, intense, dessiné très justement, une merveille de ce que la bande-dessinée peut apporter. Certains considèrent souvent cet art comme mineur, quand ils lui accordent le rang d’expression artistique ce qui n’est déjà pas rien. Pour les sceptiques je leur conseille de prendre en main cet album, ils verront justement tout ce que l’on peut faire grâce à ce support à la fois figuratif et imaginaire. Un parfait mixe pour faire partager des sentiments profonds comme ceux du jeune Arthur, « réquisitionné » par le ministère des affaires étrangères pour s’occuper des langages, comprenez les discours et autres .

Ce ministre, qui n’est pas nommé tel quel est bien Dominique de Villepin. Les auteurs ne le dissimulent pas et on découvre un caractère fascinant, tout comme le mode de fonctionnement de ce type de cabinet dont le grand public ne connaît souvent que la partie émergée au travers de discours de ministre et de quelques actions à l’internationale. Le scepticisme et la résignation mêlée à une fascination surréaliste croissante du jeune attaché ministériel sont hilarants et touchants.
La vitalité décalée du ministre tourbillonnant en recherchant le mot juste qui deviendra injuste envers ses collaborateurs, le flegme et la force tranquille du chef de cabinet et les coups fourrés au sein du cabinet par certains conseillers forment une histoire captivante et instructive.

A priori ce n’est pas le genre de trucs qui semble très sexy, et pourtant ça fonctionne plus que bien. Foncez la lire et l’offrir, même pour les non-aficionados je suis certain que ça plaira beaucoup.

La tentation de la décroissance

Effet de mode ou évidence devant les instabilités accentuées du 21e siècle, la décroissance ne semble plus seulement réservée à des post-hippies souhaitant continuer à moudre leur grain de café avec l’appareillage de mémé et à utiliser une vieille chaussette pour filtre.

Paul Ariès depuis quelques années parvient à obtenir de temps à autres une tribune médiatique, et je ne parle pas des journaux co-rédigés par lui qui relèvent encore d’une presse confidentielles comme Décroissance ou le Sarkophage, sur les chaînes radio et télé mainstream (Francetélé). Il m’avait titillé les oreilles à la radio et sa position m’avait à l’époque dérangé. Penser qu’on ne peut plus maintenir notre mode de vie et qu’il ne faut pas y aller avec le dos de la cuillère n ce qui concerne les changements à mettre en place - le fait que la Terre ne puisse supporter durablement que moins de la moitié de nos émissions de carbone sur une base annuelle est un argument bien encombrant. Pas besoin d’être un fin mathématicien pour cerner très vite le problème. Quand il s’agit de chiffres on peut toujours argumenter qu’ils sont faux, que c’est impensable. Et quand bien même, en réduisant ces estimations, le même problème demeure : notre façon de vivre n’est pas durable et ne pourra durer.

La Terre pourrait supporter 3 milliards de tonnes d’équivalent carbone, ce qui consiste en moyenne à 500kgs pas individu par an, ce qui équivaut à 5000kgs parcouru en voiture, à 1/3 des émissions provenant de la construction d’une voiture compacte ou encore d’un aller-retour Paris-New-York. Déjà, à moins que vous ne soyez le roi de la mauvaise fois, vous devez vous dire comme moi que vous êtes un peu (voir carrément beaucoup) au-dessus de ça et sans ajouter toutes les consommations et émissions de la vie quotidienne. Ceux qui prêchent l’écologie à outrance, qui sont à la limite du végétalisme pour des pseudo-idéologiques mais qui profitent de leur temps pour visiter le monde en avion et font l’équivalent de 5 ou 6 aller-retour Londres-New Dehli par an me font tristement rire.

Pour aller un peu plus loin dans le concept de décroissance j’ai lu Désobéir et Grandir – vers une société de décroissance de Paul Ariès (paru en 2009). Le début est très prometteur et vous harponne, les chiffres et les évidences (citées précédemment) sont impitoyables, si vous ajoutez en plus de cela les quelques autres données clés : 20% des humains s’appropriant 86% des ressources disponibles, que 4% du revenu des 220 plus grandes fortunes mondiales permettrait de nourrir toute la planète, l’épuisement des ressources en pétrole … Très facile d’être convaincu. Cela semble évident, et les évènements climatiques et économiques ne peuvent nous faire qu’abonder dans ce sens. Il paraît de moins en moins responsable de continuer de la sorte.
La grande question est COMMENT ? Paul Ariès arrive malgré la difficulté de la tâche à formuler de nombreuses propositions. Pour arriver à ce changement profond, il ne faut pas essayer de faire des aménagements qui seraient autant de consensus stériles et de retard pris. Il faut penser autrement, ne pas faire un pas de côté mais bien adopter une toute autre logique pour sortir de cette société de consommation. Ne plus courir après l’illusion de la possession boulimique mais bel et bien courir après le bien-être profond et cohérent, une société avec plus de liens et moins de biens®. J’ai dans la plupart de mes articles relevé ce manque de sens, ce manque de joie dans le fait d’être un acteur commun de la société actuelle, que ce soit au travail ou dans la sphère privé. On veut toujours plus et ça ne fait pas le bonheur. Le travail semble être le meilleur allié tératogène alors qu’il devrait être tout autre. Dans les propositions qui ont résonné au fond de mon cœur utopique, j’ai retrouvé la notion de salaire universel – pour permettre selon la déclaration des droits de l’homme à chacun de vivre décemment – et d’un salaire maximal. Il y a 40 ans un patron gagnait en moyenne 40 fois plus que ses ouvriers et que le rapport a été multiplié par plus de 50. On ne parle même plus de fossé mais bel et bien du Grand canyon. Je ne vais pas dévoiler ici toutes les idées pertinentes du livre car il ne s’arrête pas là, positionnement, mouvement politique, alimentation …

Je regrette seulement que du point de vue de la qualité de l’ouvrage, la plupart des textes étant repris de publications précédentes, il y ait de nombreuses redites et que certains enchainements manquent de cohérence.
En dehors de cela, cet ouvrage et la pensée de Paul Ariès me semblent être l’une des rares bouffées d’oxygène idéologiques qui tienne la route. Mais comment y viendra-t-on ? C’est la question à 4 milliards d’équivalent d’émissions de tonnes de carbone.

vendredi 2 avril 2010

La télé à la sauce culinaire

Après avoir parlé de géopolitique et des principaux enjeux de notre siècle voici un enjeu plus léger mais pas moins important car constitutif de notre personne, d’autant plus important pour la majorité des francophones sur la planète, la bouffe.

C’est quand on voyage que l’on comprend que la nourriture a malgré les dernières tendances comme le développement de la junk-food une importance toute particulière dans l’hémisphère. Il en est de même pour certains pays limitrophes comme l’Italie mais pas beaucoup plus.
Dès qu’on s’aventure en terre culinaire hostile on développe après quelques jours un sentiment de malaise, une certaine lassitude et un mal être lié au manque de plaisir procuré par les repas. Si les plus investis veulent bien me permettre ce parallèle, je pense que l’art de la table est bien la première religion et de loin – le nombre de prêcheurs est bien plus important que dans toute autre culture de la foi et si on parle des fidèles, on approche un taux record.
Je ne nie pas le fait que ce trait culturel ne soit pas acquis pour toujours. Comme tout il découle d’une culture, et par nature les cultures sont changeantes. Il est possible que dans 100ans la carte mondiale des amateurs de mets fins ait changé. Mais même si c’est le cas j’ai plaisir à croire que la France restera un pays agréable à vivre, d’un point de vue gustatif j’entends.
Le sujet n’est pas ici de comparer et de confronter différents pays et consommateurs, mais j’aimerais que la tendance de voir disparaître les petits restos au coin des rues où l’on mange bien pour pas cher s’arrête, car pour ce point l’Italie offre de meilleurs possibilités qu’en France, et je ne fais pas ici allusion aux pâtes ou pizzas qui sont des plats par essence moins coûteux.

Quand Fremantle et M6 ont lancé il y a plusieurs années l’émission Un Diner presque parfait, même si sceptiques il y avait, une étude sociologique poussée ne pouvait que montrer un succès potentiel. Et c’est le cas. Je me disais qu’un jour ça finira pas s’essouffler, que les gens en auront marre de recevoir des inconnus à la maison et de se faire une semaine entre inconnus. Mais non, l’amour du bien manger et ce renouveau du contact social mi-imposé fonctionne bien. Avec la disparition de restaurants et de cafés de quartier qui proposaient pour l’équivalent d’à peine quelques euros un bœuf bourguignon ou d’un petit salé, il est moins facile de faire connaissance. Mais cela n’a pas éteint le plaisir de communier autour d’une bonne assiette. On retrouve heureusement cet esprit dans des petits restos disséminés sur le territoire avec chacun leur spécialité, qu’il s’agisse de petit bouchons lyonnais ou d’auberges d’alpage. Mais dans certaines villes importantes, emportés par le train-train cela semble moins évident, et comme une émission salutaire la télé a produit en Un Dîner l’une de ses plus belles réussites.

En faisant malgré tout une overdose et ayant subi la pression indirecte de cette émission derrière mes fourneaux, me mettant à présenter mes assiettes, trouvant de la créativité – sans doute répétant inconsciemment certaines bonnes idées de candidats – je pensais faire un break avec ces émissions culinaires, gardant cependant dès que possible un œil sur la diffusion de Bon appétit bien sur ! et Les escapades gourmandes. Mais un soir rentrant du sport, zappant machinalement comme un animal social de fin de journée vaincu par l’aridité de se lancer dans une tâche intellectuelle, je tombe sur Top Chef. Pas le premier épisode, et en cours d’émission, au départ je me pose des questions sur le déroulement, reconnais des chefs connus comme membres du jury. Je ne décroche pas. Semaine d’après, même schéma, je retombe devant sans trop l’attendre et depuis je n’attends plus que cela avec une certaine excitation. Je suis devenu fan, fan car comme décrit précédemment il s’agit d’une passion universelle – l’art culinaire – que les épreuves sont variées, distrayantes mais jamais dégradantes, et qu’il s’agit d’un concours et non pas d’une télé réalité ou trash tv. Pas besoin de savoir si Brice ou Pierre ont eu des aventures homosexuelles dans leur jeunesse ou s’ils aiment se faire masser le dos après avoir débité un quartier de bœuf. La production ne peut certes s’empêcher d’avoir fait quelques légères incartades en faisant venir des membres de la famille pour un jury ou de passer le stress ou tristesse d’un candidat mais cela reste limité.
Le publique ne juge pas (à ce stade pas encore vu la finale, on ne sait jamais mais cela aurait cependant moins d’impact), ce sont des professionnels, et pas plus ou moins grillés comme ceux de la Nouvelle Star, ayant prouvé des choses de grandes qualités traduites pas de multiples étoiles, qui sont membres du jury et qui surtout font des commentaires objectifs reposant sur une base technique extrêmement solide. Ici pas de candidat chantant évidemment faux se faisant encenser en lui promettant une grande carrière.

La cuisine relève de l’art, c'est-à-dire précision, technique, respect de matières et inspiration, c’est cela qui fait le côté jouissif de voir s’affronter ou collaborer en fonction des épreuves ces candidats, qui sont tous ou presque déjà d’aguerris cuisiniers. Le mixe concours, cuisine, quelques astuces, beauté et projection gustative fonctionne à 100%, du moins pour moi, et c’est pour cela que je suis fan.